Crise en Nouvelle-Calédonie : les élections européennes pourront-elles se tenir localement ?

Le Parlement européen à Strasbourg
La situation en Nouvelle-Calédonie a des conséquences sur les élections européennes. Le scrutin prévu le 9 juin pourrait ne pas se tenir localement. Le ministère de l’Intérieur se veut rassurant mais d'après les juristes qui se sont penchés sur la question, un report voire une annulation du vote est possible.

Si l’état d’urgence a été levé en Nouvelle-Calédonie le 28 mai au matin, le couvre-feu reste en vigueur, au moins jusqu’au 3 juin. Et la circulation dans le pays, et notamment dans Nouméa et son agglomération reste difficile. De nombreux barrages sont encore en place et les transports restent à l’arrêt. 
Dans ce contexte, les élections européennes pourront-elles se tenir en Nouvelle-Calédonie le 9 juin prochain ? 

Des précédents en 1973 et 2020


Pour Benjamin Morel, professeur de droit public, les précédents sont très rares : “On a connu dans certains territoires, qui pouvaient être sujets à des circonstances exceptionnelles, des reports d’élections. On a notamment en 1973 des inondations à la Réunion [ le second tour des législatives avait été repoussé d'une semaine pour cause de cyclone ] et le Conseil constitutionnel qui accepte le report”. 
En 2020 également, le second tour des élections municipales est reporté au niveau national pour cause de crise du Covid. Il a fallu pour cela voter une loi organique. 
On peut reporter un scrutin, c’est quand même relativement rare et on ne l’a jamais fait dans une circonscription unique au niveau national, donc ça pose des questions juridiquement” poursuit Benjamin Morel. 

Report ou annulation ? 


Si au ministère de l’Intérieur on se veut rassurant, rien ne permet d’établir que le scrutin pourra bien se tenir à cette date précise en Nouvelle-Calédonie. Les locaux traditionnellement utilisés pour stocker le matériel électoral sont réquisitionnés par les forces de l’ordre, et les imprimeries de Calédonie ne fonctionnent plus. 
Un report du scrutin est possible mais les conséquences juridiques restent encore incertaines. 
On peut décider de le reporter de quelques semaines, idéalement avant le 16 juillet qui est la date de la session inaugurale du Parlement européen et donc de la prise de fonction des nouveaux députés” explique Jean-Philippe Derosier, titulaire de la chaire d' études parlementaires à l'Université de Lille. “Et s’il n’est pas possible de l’organiser avant le 16 juillet, c’est à nouveau un gros point d’interrogation. Est-ce qu’on les organise plusieurs mois après avec une réformation des résultats qui risque de bouleverser un petit peu la répartition des sièges ? Ou est-ce que purement et simplement, on décide de les annuler ? Et donc, ce sera une question d’appréciation par les autorités administratives et politiques d’abord, et par le juge ensuite”. 

Abstention record en 2019


Avec 209 000 électeurs inscrits en Nouvelle-Calédonie sur la liste générale, le dernier scrutin européen de 2019 avait été boudé par les citoyens : 80 %, un record d’abstention


Le reportage de Laïd Berritane et Nordine Bensmaïl d'Outre-mer La 1ère.

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