Dégel du corps électoral, Gérald Darmanin auditionné par la commission des lois de l’Assemblée nationale

Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, a été auditionné par la commission des lois dans le cadre du projet de loi constitutionnelle visant à modifier le corps électoral pour les élections provinciales.
Le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, a été auditionné par la commission des lois dans le cadre du projet de loi constitutionnelle visant à modifier le corps électoral pour les provinciales. Il a également été question de l’ingérence de l’Azerbaïdjan, qualifiée "d’extrêmement néfaste" par le locataire de la place Beauvau.

Cette étape intervient après que le Sénat a largement adopté le projet de loi constitutionnelle visant à élargir le corps électoral pour les provinciales. Par 233 voix contre 99, le texte a été adopté le 2 avril dernier. Le processus législatif poursuit sa route. Les représentants des groupes à l’Assemblée nationale ont adressé peu de questions au rapporteur du texte, le député calédonien Nicolas Metzdorf, et au ministre Gérald Darmanin (séance à voir ici).

"Le gouvernement est à la disposition des acteurs calédoniens, quels qu’ils soient", dit Gérald Darmanin 

Gérald Darmanin a longuement insisté sur la nécessité de modifier le corps électoral pour les élections provinciales. Non sans ignorer les revendications manifestées par les uns et les autres dans la rue, le ministre insiste, le sujet est "éminemment important, éminemment politique et nous devons tous prendre nos responsabilités".

Ce dossier est également, selon lui, une des réponses aux problématiques locales comme la crise du nickel, "et donc la question économique" poursuit-il.

Pour prendre des décisions importantes, en lien avec l’État, il nous faut que le Congrès de Nouvelle-Calédonie, que les provinces, puissent être renouvelés dans leur légitimité parce que ces décisions seront difficiles. Faut-il ou pas fermer une usine de nickel ? Faut-il ou non transformer le modèle économique du nickel ? C’est évidemment des questions importantes qui touchent très profondément la politique calédonienne.

Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer

Audition devant la commission des lois de l'Assemblée nationale le 29 avril 2024

Pour clore sa plaidoirie, le ministre de l'Intérieur, qui s’est rendu six fois en Nouvelle-Calédonie durant ce mandat, a précisé que "le gouvernement est à la disposition des acteurs calédoniens, quels qu’ils soient […]. Nous avons la possibilité, en cas d’accord, et seulement en cas d’accord sérieux, de reporter une nouvelle fois les élections jusqu’en novembre 2025". Mais "ce n’est pas une volonté du gouvernement, c’est une constatation de possibilités si un accord devait se dessiner".

Un projet de loi constitutionnelle "très équilibré", selon Nicolas Metzdorf

Sans grande surprise, le député calédonien Nicolas Metzdorf a réitéré sa position en faveur de cette réforme. Elle est "le garant de l’accès légitime au droit de vote à des milliers de Calédoniens". Après un rappel historique sur les événements qui ont conduit à la conclusion des précédents accords, ceux de Matignon et celui de Nouméa, le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée nationale Nicolas Metzdorf, a ardemment défendu le texte au nom du respect des décisions rendues par les hautes juridictions.

Ce projet de loi constitutionnelle est simplement la garantie que si les élections provinciales devaient se tenir sans accord politique, ces élections provinciales se tiendraient avec un corps électoral dégelé comme l’impliquent les décisions de la Cour européenne des droits de l’Homme ou comme le rappelle le Conseil d’État.

Nicolas Metzdorf, député et rapporteur du projet de loi constitutionnelle

Audition devant la commission des lois de l'Assemblée nationale le 29 avril 2024

Pour l’ancien membre du gouvernement, ce projet de loi est "très équilibré, peut-être trop, vous diront les non-indépendantistes".

Les députés de gauche, porte-parole des indépendantistes

"Aujourd’hui avec ce projet de loi constitutionnelle, vous reniez l’esprit de ces accords (de Nouméa, NDLR) […] en voulant revenir de façon unilatérale sur l’irréversibilité constitutionnelle de l’organisation politique mise en place par les accords politiques de 1998, vous revenez fracturer le pays et réveillez les antagonismes", a vivement critiqué Jean-Victor Castor, député de la Guyane et affilié au groupe de la Gauche de la démocrate et républicaine.

"Je m’inquiète de ce que la majorité des discours semble oublier", a déclaré de son côté Sandra Regol, députée écologiste - Nupes. Pour l'élue du Bas-Rhin, "la méthode employée en Nouvelle-Calédonie est dangereuse, c’est celle de la brutalité et du refus d’aller chercher un consensus".

Des prises de position déplorées par Nicolas Metzdorf, il estime que l’aile gauche est le "porte-parole des positions les plus extrémistes des indépendantistes".

Coopération entre la Calédonie et l’Azerbaïdjan, une "ingérence extrêmement néfaste", fustige Gérald Darmanin

Cette audition était aussi une opportunité, pour le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, de s'exprimer sur les rapprochements entre la Nouvelle-Calédonie et l’Azerbaïdjan. "Il ne m'avait pas paru évident que l'Azerbaïdjan avait un intérêt économique, politique, culturel ou sportif dans le Pacifique Sud", a-t-il ironisé devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, en qualifiant ce partenariat d’"opportuniste".

Après la signature d’un mémorandum de coopération entre le Congrès de Nouvelle-Calédonie et l'Assemblée nationale de Bakou, le 18 avril dernier, cette ingérence est "extrêmement néfaste". "L’Azerbaïdjan essaye d’utiliser le dossier calédonien (…) pour répondre à la défense des Arméniens et du massacre des Arméniens par la puissance azerbaïdjanaise", a fustigé Gérald Darmanin. À cette occasion, le ministre a rappelé que cette affaire "est sous contrôle de la DGSI et de la DGSE".

Après 1h30 d'échanges, la majorité des membres présents s'est prononcée en faveur du projet de loi constitutionnelle.