Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est inaliénable en droit international. L’ONU l’a rappelé à la France en 1986 en réinscrivant la Nouvelle-Calédonie sur la liste des territoires non autonomes. Depuis, chaque année, l'assemblée des Nations unies adopte une résolution sur la Nouvelle-Calédonie. La dernière, en date de décembre 2022, réaffirmait ces principes de base et la poursuite du travail de suivi du processus. Alors en quoi consiste cette liste et quel est l’enjeu à y figurer ?
"Symbole politique fort"
"Pour les territoires, en tout cas pour les partis politiques indépendantistes, il est évident que cette inscription de la Nouvelle-Calédonie, ou de la Polynésie française sur la liste des territoires non autonomes a une importance capitale, parce que cela représente une reconnaissance de leur lutte sur le plan international et, sur le plan local, un symbole politique fort", explique Sémir Al Wardi, qui est professeur en science politique à l’Université de Polynésie française.
Cela représente une reconnaissance de leur lutte sur le plan international.
Sémir Al Wardi, professeur en science politique à l'UPF.
La résolution 15-14 du 14 décembre 1960 signifie trois choses pour l'ONU : soit on réclame son indépendance, c'est-à-dire sa souveraineté pleine et entière, soit on est intégré à un territoire, soit on est en self-government, ce qui équivaut au statut d'Etat associé. "Le fait d'être inscrit sur cette liste ne signifie pas nécessairement la souveraineté pleine et entière. Les trois solutions proposées sont considérées comme acceptables pour l'ONU, et ça, il ne faut pas l'oublier, parce que, en général, les partis indépendantistes estiment qu'il ne s'agit ici que d'un pas vers l'indépendance", précise le chercheur.
Le fait d'être inscrit sur cette liste ne signifie pas nécessairement la souveraineté pleine et entière.
Sémir Al Wardi
Depuis 1986, le statut de la Nouvelle-Calédonie a évolué et, trois référendums plus tard, le sujet continue de diviser la classe politique. À l’issue des discussions sur l'avenir institutionnel qui se sont tenues en avril 2023 à Paris entre l’Etat, les indépendantistes et les non-indépendantistes, Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer a fait parvenir aux deux parties un document dit « martyr », charge à elles de l’amender.
"Ce n'est plus une colonie"
Et parmi les premières modifications que les partisans de la Calédonie française souhaitent apporter, on trouve la désinscription du pays de cette fameuse liste. "Ce n'est plus une colonie, les Calédoniens ont choisi par trois fois de rester dans la France. L'idée c'est d'avoir un statut définitif dans la République", indiquait Nicolas Metzdorf, député de la seconde circonscription.
Seule l'ONU inscrit ou désinscrit
Cet argument est-il recevable et cette demande a-t-elle des chances d'aboutir ? Selon Semir Al Wardi, "il y a très peu de chances, même si la France le décidait. Parce qu’une minorité, au sein de n'importe quel territoire, peut réclamer et obtenir son inscription. Ce n'est pas lié à une majorité, et encore moins à la puissance administrante."
Seule l'assemblée de l'ONU est donc à même d'inscrire ou de désinscrire un territoire de sa liste. Ce fut le cas de la Polynésie par exemple. Le 17 mai 2013, l'assemblée générale adoptait sa réinscription sur cette liste, malgré l'opposition de l'assemblée polynésienne et de l'État français.
L'argument selon lequel il y a eu trois référendums et on peut s'arrêter là n'est pas recevable en général par les observateurs internationaux.
Sémir Al Wardi
La demande des loyalistes a d'autant moins de chances d'aboutir, selon le chercheur, que "le troisième référendum est considéré par les observateurs internationaux comme très discutable. On peut donc dire que l'argument selon lequel il y a eu trois référendums et on peut s'arrêter là n'est pas recevable en général par les observateurs internationaux."
États souverains
En revanche, il faut souligner que si l'Organisation des nations unies est attachée au droit à l'autodétermination, elle respecte également le principe de souveraineté des États.
"Quand on regarde les États qui sont appelés chaque année à se présenter devant le comité des vingt-quatre, le comité de décolonisation, on trouve la France, les États-Unis et le Royaume-Uni, essentiellement. Ce sont des États membres de l'ONU, fondateurs de l'ONU et membres du Conseil de sécurité. Si ces États ne veulent pas bouger, rien ne se passera", précise Sémir Al Wardi.
En d'autres termes, les puissances administrantes restent maîtresses des décisions concernant les évolutions statutaires des territoires qui leur sont rattachés.