Elle a été distinguée pour avoir contribué à bâtir l’avenir de la Calédonie. Et "parce que cet avenir importe tellement à la République française". Les mots sont d'Emmanuel Macron. Lundi 24 juillet, au haussariat, il a remis à Marie-Claude Tjibaou l’insigne de commandeur de la Légion d’honneur. Une cérémonie peu après son arrivée… le temps de passer par les studios de NC la 1ère, d'où le chef de l'Etat a donné une interview à distance pour les 13 heures de France 2 et TF1.
"Nous décorons plusieurs femmes à la fois"
L'hommage, élogieux, qui a suivi se voulait une séquence dédiée à l'apaisement des mémoires. "En vous, ce soir, nous décorons plusieurs femmes à la fois, a dit le président en introduction : "La citoyenne engagée pour le bien commun et l’intérêt public. La militante, pénétrée de l’amour de sa terre et de sa culture. L’épouse qui, après l’irréparable, a su ne pas ajouter la déchirure à la douleur, mais prendre le temps de la parole, de l’écoute. Renouer le dialogue et ce faisant, panser les blessures d’une société toute entière. Femme d’enracinement et femme d’ouverture, femme de combat et de paix, femme de mémoire et de pardon."
Sa vie et son parcours ont été longuement évoqués. Les origines de Marie-Claude Wetta, la grande fratrie, l’engagement de sa famille, ses prouesses sportives au disque et poids - "Nul doute que cette aisance au lancer de boulet doit inspirer à vos adversaires une certaine distance respectueuse…"
Voyez le portrait de Marie-Claude Tjibaou, 74 ans, préparé par Bernard Lassauce
"Championne des grandes causes"
Décrivant "une athlète émérite" et une "championne des grandes causes", Emmanuel Macron s'est attardé sur le couple Tjibaou. La protestante issue d’une famille loyaliste, mariée en 1972 au catholique théoricien de l’indépendance kanak. Il a brossé leur cheminement commun. En ne manquant pas d'évoquer le 26 juin 1988 et la poignée de main.
Ce geste qu’il a échangé avec le grand Jacques Lafleur (…) est un de ces moments historiques qui font avancer l’Humanité.
Emmanuel Macron à Nouméa, le 24 juillet 2023
Le 4 mai 1989, le leader indépendantiste a été assassiné avec son bras droit Yeiwéné Yeiwéné, à Ouvéa, par Djubelly Wea, lui-même tué par Daniel Fisdiepas le garde du corps. "Jean-Marie Tjibaou restera celui qui, avec son adversaire devenu partenaire, a osé le destin commun. Et je sais combien il vous doit, combien il a pu compter sur vous", a formulé le président.
Vous êtes devenue le signe de ralliement d’une certaine vision de la Nouvelle-Calédonie, faite de paix, d’ambition, d’humanisme.
Emmanuel Macron
Et de renchérir : "Droite, immuable, avec un surplomb et une constance qui me font penser à ces flèches faitières qui dominent les villages et que votre fils Jean-Philippe sculptait si bien. Vous rêvez d’une Nouvelle-Calédonie où la femme a toute sa place, où l’éducation et la justice sociale font reculer l’alcoolisme. Une Nouvelle-Calédonie qui ne perd pas ses forces en divisions intestines et en logique de blocs, mais qui s’inspire de la devise de vos pères, deux couleurs, un seul peuple."
"Sur vous, la haine a glissé"
Au cœur de ce discours personnalisé, la notion de réconciliation, ou comment l'appliquer à l'échelle du Caillou. "Ceux que l’Histoire a meurtris ne guérissent parfois qu’au prix de l’endurcissement du cœur (…) Mais sur vous, la haine a glissé. Votre seule obsession depuis quarante-quatre ans est la justice. Votre seule pulsion, le dialogue. Vous vouliez dire, entendre, comprendre et à l’issue de ce long chemin d’écoute et d’échange, vous avez pardonné." Une référence à la longue démarche qui a conduit à la réconciliation des familles meurtries par ce 4 mai. Le président s'est arrêté sur l'image des veuves enlacées.
Comment ne pas voir dans cette scène poignante, extraordinaire, un message d’espoir pour le peuple calédonien, aspirant à ce destin réunifié vers lequel chacun chemine, tâtonne, trébuche parfois, mais qu’il faut à chaque fois reprendre.
Emmanuel Macron
"Nous devons mettre nos pas dans les vôtres"
"Avec humilité, je crois qu’il nous faut, nous tous dirigeants politiques, nous incliner devant cette prouesse que vous avez accomplie en réparant les fractures, en dépassant les antagonismes, et que nous devons mettre nos pas dans les vôtres pour apprendre à apaiser les mémoires entre l’Etat et les Calédoniens", a glissé le président. "Suivre l’exemple de cette réconciliation symbolique progressivement préparée, acceptée, intériorisée, par tous, avant de se concrétiser par un geste."