Exportation de minerai : le gouvernement rejette la demande de la SLN, explications et réactions

Vue de l'usine SLN à Doniambo.

Il n’est pas passé, le texte destiné à autoriser la SLN à exporter deux millions de tonnes supplémentaires de minerai brut non valorisable en Calédonie. Cinq membres du gouvernement l'ont voté (AEC et Eveil océanien). L’Uni était contre. Abstentions de l’UC et Calédonie ensemble.

[MISE A JOUR AVEC REACTION DE THIERRY SANTA]

Rejeté ! La requête de la SLN n'a pas passé l'étape du gouvernement collégial, mardi, à Nouméa. Seuls cinq membres sur onze ont voté en faveur de l'arrêté qui devait l'autoriser à exporter deux millions de tonnes supplémentaires de minerai brut (il aurait fallu six voix). Un texte qui avait été reporté à trois reprises.

Le compte-rendu de Malia Noukouan :

Rejet du texte sur les exportations de minerai


 

Le détail des votes

  • Pour : l’Avenir en confiance et l’Eveil océanien.
  • Contre : l’Uni, comme annoncé.
  • Abstentions : l'Union calédonienne et le membre Calédonie ensemble de l'exécutif. 

Le résumé de Dave Waheo-Hnasson et Carawiane Carawiane :

 

En raison de décisions politiques, on se tire une balle dans le pied, nous-mêmes, au final. C'est pour moi un immense gâchis, et ce n'est pas rendre honneur au potentiel de la Calédonie et des Calédoniens.

- Christopher Gygès, membre du gouvernement, à titre personnel

 

Les Loyalistes dénoncent

Dans la foulée, la coalition des Loyalistes dénonçait le rejet du texte dans un communiqué. Elle estime que «les indépendantistes et Philippe Germain ont fait le choix de s'opposer» à la demande. Alors que, «avec l'amélioration de la productivité de la société et le volet énergie, ces autorisations constituaient le troisième pilier du plan de sauvetage nécessaire à la survie de la SLN». Et d'écrire : «Nous considérons qu'avec cet acte, a fortiori en étant parfaitement informés des enjeux, ces derniers porteront la très lourde responsabilité des effets qui pourraient suivre».

«Les indépendantistes et leurs alliés ne sont plus dans l'Accord de Nouméa»

«Pour des raisons idéologiques et politiques, les indépendantistes et leurs alliés sont prêts à sacrifier des milliers d'emploi et trente ans de développement économique», continuent Les Loyalistes. En concluant : «Ces actes de déstabilisation confirment qu'ils ne sont plus aujourd'hui dans l'Accord de Nouméa, nous en tirons les conséquences.»

Le communiqué des Loyalistes :

 

Thierry Santa «déplore le rejet» d'une «proposition équilibrée»

Mercredi soir, le président du gouvernement précisait sa position. Thierry Santa (AEC) assure «que les échanges continuent avec la SLN afin d’examiner toutes les pistes possibles pour sauver la première entreprise privée du pays».
Il estime avoir soumis aux membres de l’exécutif «un projet d’arrêté équilibré, fruit de longues négociations». Lequel «proposait de permettre à la SLN d’augmenter ses volumes d’exportation sous réserve qu’aucune procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation ne soit ouverte par la société et du maintien de son activité métallurgique». Avec «un échéancier progressif, conditionné par des engagements et contreparties».
Thierry Santa «déplore le rejet de cette proposition équilibrée par les indépendantistes et Philippe Germain». Ils ne se sont pas opposés, pointe-t-il, à l’augmentation des exportations de la NMC vers la Chine, votée un an plus tôt. 
 

Le communiqué de Thierry Santa :

 

Les explications de Philippe Germain

Cette abstention, Philippe Germain l’explique par le contenu de l’arrêté qui a été finalement soumis à l’exécutif. «En l’absence, relate-t-il, de consensus au sein du gouvernement pour accorder à la SLN une augmentation de ses exportations de quatre à six millions de tonnes de minerais, ce qui devrait lui rapporter près de 240 milliards de francs sur la période, j’ai proposé, mardi 12 janvier dernier, comme solution de compromis, que le gouvernement conditionne son autorisation à des engagements fermes de la SLN en matière d’emploi, d’investissement et de désendettement.» Or, assure l’élu Calédonie ensemble, «ce matin, le projet d’arrêté soumis au gouvernement ne correspondait plus à celui sur lequel j’avais travaillé avec les services».

Le communiqué de Philippe Germain :



«Une position personnelle», dit Calédonie Ensemble

Dans la soirée, CE semblait se désolidariser de ces explications. «L’abstention​ de Philippe Germain est une position personnelle et non une position de Calédonie ensemble», a précisé le parti dans un communiqué. «La position de Calédonie ensemble a été exprimée de manière claire lors de notre conférence de presse du 20 janvier 2021.»
Le mouvement de Philippe Gomès faisait alors part de ses inquiétudes mais aussi de ses interrogations quant à la situation de la SLN. Calédonie ensemble qui interroge : «La Nouvelle-Calédonie a toujours été aux côtés de l’entreprise. Mais où sont les actionnaires ? Où est l’Etat ?»

Le communiqué de Calédonie ensemble :

 

L'Uni-Palika avait prévenu

Le Palika avait annoncé l'opposition des élus Uni du gouvernement. «Un jour ou l'autre, cette ressource minière va s'épuiser et va disparaître complètement», a renchéri Jean-Pierre Djaiwé après le vote. «C'est maintenant qu'il faut préserver [le minerai]. Il faut le transformer localement. On est contre toute exportation. Et quand on ne peut pas traiter dans nos usines, c'est de pouvoir l'exporter. Mais vers des usines dans lesquelles il y a des intérêts calédoniens, à l'exemple de l'usine de Gwangyang en Corée du Sud.»
 

Un communiqué de l'UC, et des abstentions...

Mardi matin, l'Union calédonienne aussi réaffirmait son opposition à cette autorisation, à travers un communiqué qui pouvait laisser supposer un vote contre des trois membres UC du gouvernement (à lire ci-dessous). Ils se sont finalement abstenus. 

 

Quelles conséquences ?

Au-delà des divisions politiques, quelles peuvent être les conséquences pour la SLN ?
L'analyse de Bernard Lassauce au JT de mercredi :
 


La vision de la SLN

Sollicitée, celle-ci n'a pas réagi elle devrait le faire prochainement. Pour rappel, la société Le Nickel demande à pouvoir exporter ces deux millions de tonnes de minerai brut non valorisable localement, en plus des quatre millions déjà accordés. Une question de survie, dit l'entreprise. En grandes difficultés, la SLN affirme que son plan de sauvetage destiné à retrouver une rentabilité d'ici 2024 «fonctionne». A condition d'avoir :

  • le libre accès à ses centres miniers;
  • «une énergie moins coûteuse»;
  • des exportations supplémentaires de minerais non valorisables localement;
  • et «un support financier pour les deux années à venir».

Bilan et perspectives

Un argumentaire appuyé par un communiqué, lundi. La filiale d'Eramet y dressait un bilan de l'année passée tout en abordant les perspectives de celle-ci. Elle décrivait «un début d’année 2021 atypique, avec un décrochage du marché du ferronickel mais aussi un rebond du LME dont l'industrie de la Nouvelle-Calédonie ne bénéficie pas, mise à mal par une situation instable». Une situation entraînant «une précarisation opérationnelle et industrielle qui fragilise un peu plus les acteurs calédoniens sur un marché redevenu porteur».

Le résumé de Dave Waheo-Hnasson et Claude Lindor dans le JT de lundi :

 

Premier employeur privé

Rappelons que la SLN représente le premier employeur privé de Calédonie. Fin 2020, elle décomptait 2 096 salariés à travers la Grande terre, tandis que le nombre d'emplois induits et générés par son activité était estimé à huit mille.