Il y a dix ans, en Nouvelle-Calédonie, la levée conjointe des deux drapeaux

Les deux drapeaux levés à La Conception, 17 juillet 2020.
Dix ans que les drapeaux tricolore et indépendantiste ont été hissés au-dessus du haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie. Un geste solennel, qui n'avait pas obtenu le consensus de toute la classe politique. Il a été commémoré ce vendredi, à La Conception.
[MISE À JOUR AVEC POSITION HAUT-COMMISSARIAT]
Le 17 juillet 2010, à Nouméa, une cérémonie officielle au haut-commissariat installait ce qui était l'emblème de la lutte indépendantiste kanak au côté du drapeau tricolore. Cet instant chargé d'histoire se déroulait en présence du Premier ministre d'alors, François Fillon, sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
 

Pour nous les indépendantistes, c'était un très grand pas. En même temps, aussi, le début d'un nouveau travail en politique. C'est là qu'on se dit qu'on s'est fait entendre.
- Ysmaël Pidjot, fils de Charly Pidjot

 
Ce 17 juillet 2020, au cimetière tribal où repose Charly Pidjot.
 

A l'initiative de la famille Pidjot

Un moment solennel que la famille de Charly Pidjot a souhaité commémorer, dix ans après, jour pour jour. Ce vendredi matin, une petite célébration s'est tenue au Mont-Dore, dans le cimetière de La Conception où repose l'ancien président de l’Union calédonienne, décédé en 2012. Celui qui aurait eu 58 ans aujourd'hui a été l'un des initiateurs de cette double levée. Ysmaël Pidjot, son fils, suit sa trace, avec fierté. 

Le reportage de Jeannette Peteisi :

Dix ans après, la levée des deux drapeaux

 
La cérémonie s'est tenue en petit comité.
 

Pas si simple

Dix ans après, les deux drapeaux flottent au-dessus de nombreux bâtiments officiels. Dans le même temps, la levée commune reste contestée par certains. Et cet anniversaire coïncide avec le procès du jeune homme qui a reconnu avoir mis le feu à la bannière tricolore, arborée sur la façade de la province Sud. L'affaire a suscité beaucoup de propos haineux.
 

«A nous de changer cette mentalité»

Pour Ysmaël Pidjot, ces faits, «en pleine période référendaire», vont à l’encontre du message porté par les deux drapeaux et la devise de l’UC - «deux couleurs, un seul peuple». «C'est à nous, aujourd'hui, les jeunes, de changer cette mentalité-là, de respecter l'autre qui est en face de nous, déclare-t-il. Il faut qu'on arrive à avancer vers une entente bien plus loin.»

Ysmaël Pidjot, interrogé par Gaël Detcheverry :
©nouvellecaledonie
 

Regret

La cérémonie de La Conception a réuni une vingtaine de personnes, dont plusieurs représentants politiques. Autre acteur de cette levée, Pierre Frogier était présent. «Charly disait : "On a monté les deux drapeaux, ils ne redescendront jamais." Il ne faut pas que ces paroles s’envolent, a déclaré le sénateur. Quand on dit les choses, on est capables de les assumer après.» Tout en saluant l’engagement de Charles Pidjot, il a regretté l’absence du haut-commissaire.
Ce samedi, le haut-commissariat précise avoir reçu une invitation une heure avant la cérémonie et que compte tenu des délais, le haut-commissaire n’a pas pu prendre les mesures utiles pour s’associer à cette célébration. 
 
Coutume ce 17 juillet 2020, à La Conception.
 

Retour sur un «symbole fort»

A l’époque, les drapeaux avaient été arborés ensemble dans l'enceinte du haussariat, représentation de l'Etat. Retour une décennie en arrière, et regard sur les années qui ont suivi, avec Bernard Lassauce :
©nouvellecaledonie
 

Monsieur le Premier ministre, ce drapeau que nous vous présentons est un symbole fort de reconnaissance et d'espoir.
- Julien Boanemoa, président du Sénat coutumier, le 17 juillet 2010

 

Proposition

C'est en plein milieu de l'Accord de Nouméa qu'une majorité politique a entériné cette proposition de Pierre Frogier, émise le 13 juillet 2010 : deux drapeaux pour représenter la Nouvelle-Calédonie. Calédonie ensemble et le Palika n'y étaient pas favorables, comme tout ceux qui privilégiaient le principe d'un drapeau unique.
 

Je ne pense pas qu'aujourd'hui, et même demain, nous puissions traduire cette même histoire et cette même volonté de vivre-ensemble au travers d'un seul drapeau. Parce qu'[…]un drapeau calédonien peut aussi nous mener à l'indépendance. Et je n'en veux pas.  
- Pierre Frogier, président du Rassemblement, le 3 mars 2011

 
 

Interprétations

Ce geste de reconnaissance, chacun l'aura interprété à sa façon.
 

Maintenant, charge au peuple de Calédonie de donner tout un sens à ce drapeau. Et de fédérer toutes les communautés de ce pays autour de cet emblème.
- Gérard Reignier, Union calédonienne, 6 avril 2011

 

Certains n'avaient pas attendu

A l'image de nombreuses communes des provinces Nord et Îles, où les deux drapeaux ornaient le fronton des mairies depuis les années quatre-vingt-dix. Mais pour beaucoup, la double levée des bannières sonnait comme une remise en cause de l'Accord de Nouméa, du destin commun et de la recherche d'un symbole identitaire unique.
 
Proposition de drapeau commun.
 

Et le drapeau commun ?

Le drapeau commun, qui avait fait l'objet de bien des réflexions et de centaines de propositions, a alors connu un oubli quasi total.
 

Peut-être qu'il faudra attendre un nouveau statut. En tout cas, le drapeau commun est prévu, par l'Accord de Nouméa. 
- Déwé Gorodey, membre du gouvernement, 21 septembre 2010

 

Au référendum de 2018

Coup de canif à l'Accord de Nouméa, ou symbole de réconciliation d'un pays, huit ans plus tard, pour le premier référendum, les deux drapeaux illustraient l'alternative présentée aux électeurs : oui ou non à l'accession à la pleine souveraineté. Mais chacune des deux parties bien campée devant ses propres couleurs
 

L'invité du JT

Patrice Godin, maître de conférences à l'Université de la Nouvelle-Calédonie, était l'invité du JT d'Yvan Avril ce vendredi depuis Koné. 
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