La Chambre territoriale des comptes de la Nouvelle-Calédonie n’en finit pas de s’intéresser à l’or vert dans le Nord du pays. Après la Sofinor et la SMSP, la CTC publie un rapport dans lequel elle se penche sur les interventions de la province Nord en matière de nickel.
Et de trois. La Chambre territoriale des comptes rend public un rapport d’observations dédié aux interventions de la province Nord dans le nickel de 2016 à 2019. Quelques jours seulement après deux autres analyses, qui ont fait grand bruit, sur la gestion de la Sofinor et celle de la SMSP.
Les interventions de la province Nord dans le secteur du nickel s’appuient sur la doctrine nickel revendiquée par son président comme le socle stratégique de la collectivité.
Une stratégie nickel jugée "vague" et "non formalisée"
Dans le document dévoilé ce lundi 3 mai, la CTC estime que la stratégie de la collectivité en matière de nickel est "vague" et "non formalisée". Les magistrats déboulonnent les trois piliers de la fameuse doctrine nickel validée par le FLNKS, et portée par la province Nord.
Premier axe, la maîtrise de la ressource chère aux indépendantistes. Mais par quels moyens et pour quels objectifs ? Ces questions restent en suspens, selon la Chambre.
Même chose concernant l’arrêt des exportations de minerai brut, sauf pour les entreprises calédoniennes offshore. Pour la vigie des comptes publics, le cadre reste flou.
Elle tente par ailleurs d'évaluer les conséquences qu'auraient "l’application de la doctrine nickel sur les minerais [à] moyennes teneurs, actuellement exportés vers le Japon, et (…) l'application de la conception juridique défendue par la province Nord s’agissant du schéma minier (maintien uniquement des clients traditionnels)". Pour la CTC, cela conduirait par exemple à l’interdiction de 70 % des volumes exportés vers le Japon au 31 décembre 2018.
Troisième pilier de la doctrine nickel : la volonté de parvenir à une participation calédonienne majoritaire dans le capital de la SLN. Cette fois, l’objectif est on ne peut plus clair, accorde la Chambre. Mais elle juge que la stratégie nickel n’apporte pas de réponse sur les moyens juridiques et financiers d’y parvenir.
Elle conclut plus loin à "la dépendance, de facto, de la province Nord vis-à-vis de l’Etat pour trouver les moyens financiers nécessaires à la réalisation de ses projets et de ses positions". Au final, formulent les auteurs, "il apparaît que la revendication de la province Nord de porter sa participation au capital de la SLN à un niveau majoritaire ne peut être pensée sans référence aux moyens de l’Etat".
Compte-tenu du caractère imprécis et vague dans la formulation de la doctrine nickel dont se revendique la province Nord, il est nécessaire pour la collectivité de définir plus précisément les objectifs qu’elle poursuit et les modalités pour y parvenir tout en associant l’assemblée provinciale à la réflexion et à la validation de la doctrine nickel.
Un modèle économique "pas confirmé dans la pratique"
La Chambre territoriale des comptes "constate" ensuite "que le modèle économique sur lequel repose une partie de la doctrine nickel – le retour des dividendes vers la collectivité publique – n’est pas confirmé dans la pratique, les participations de la province Nord dans le secteur industriel du nickel se traduisant par une appropriation des bénéfices par la Sofinor et une socialisation des pertes par la province Nord".
Aux yeux de la CTC, pour résumer, "la collectivité injecte des financements publics dans les sociétés qui étaient supposées lui faire remonter des dividendes". Au final, "les retours financiers liés à la participation de la province Nord dans l’industrie du nickel se composent des emplois et de l’irrigation du tissu économique par ces usines à travers le recours à la sous-traitance et l’achat des biens et services".
La participation de la province Nord à l'usine du Sud a un "caractère irrégulier"
Comme les deux autres provinces, celles du Nord est engagée dans la SPMSC, la Société de participation minière du Sud calédonien, donc dans le capital de l'usine du Sud. "La province Nord se fonde sur deux arguments pour fonder sa participation (…) : les compétences attribuées par la loi organique et l’appartenance de la ressource nickel au pays", relève la Chambre. Or, elle "ne partage pas cette analyse".
D'après ses observations,
- "la loi organique n’offre pas la base juridique permettant de justifier la participation de la province Nord dans une société située hors de son territoire, concernant une usine qui n’a aucun lien direct ou indirect avec ce dernier, les employés et les entreprises sous-traitantes de l’usine n’étant pas situées sur son ressort."
- "c’est au niveau de la Nouvelle-Calédonie que devraient se structurer les interventions dans le secteur".
Trois recommandations
Voici les recommandations formulées dans ce rapport :
- 1. Que la province Nord précise ses objectifs et modalités, et qu'elle formalise sa stratégie nickel à travers une délibération soumise à ses élus.
- 2. Qu'elle évalue les aspects financiers de sa revendication quant à la participation majoritaire au capital de la SLN (le financement de cette participation et les moyens de faire des avances en cas de retournement de conjoncture).
- 3. Que la collectivité du Nord précise le critère de la compétitivité des entreprises dans le cadre de la gestion des titres miniers.
Politique
Un rapport dont le propos semble plus politique que d'ordinaire. Sur un point en particulier, le président de la province Nord Paul Néaoutyine pointe d'ailleurs que "la Chambre a fait porter son contrôle sur des éléments politiques". Toutes ses réponses et l'intégralité du document à retrouver ci-dessous :