Comment les assureurs réduisent leur couverture après les violences urbaines en Outre-mer

Nouvelle-Calédonie, Antilles... Face aux violences urbaines à répétition dans les territoires ultramarins, les compagnies d'assurance encore présentes ont annoncé qu'elles cesseraient de prendre de nouveaux clients, ou réviseraient leurs contrats à destination des entreprises. Toutes en appellent à l'État.

Un milliard d'euros (119 milliards de francs pacifique) : chiffré en septembre par la fédération professionnelle France assureurs, c'est le coût pour les assureurs des dégâts causés par l'insurrection d'une ampleur inédite ayant ravagé la Nouvelle-Calédonie, à partir de mai dernier. Depuis, de nouvelles émeutes ont aussi éclaté en Martinique où, sur fond de mouvement contre la vie chère, des dizaines de surfaces commerciales ont été cambriolées, pillées ou incendiées.

La goutte d'eau qui a fait déborder le vase, pour les compagnies d'assurance. Elles estiment que "les émeutes ne sont plus un risque, mais un fait", résume Céline Rose, la présidente de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) Martinique, qui dit faire face à une vague de résiliation de contrats. Generali a été le premier à amorcer le mouvement. Dans l'hebdomadaire spécialisé "L'Argus de l'assurance", un cadre du groupe italien a annoncé le 22 novembre "suspendre la souscription" de nouveaux contrats pour les entreprises des Antilles.

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"Fréquence" et "sévérité"

Selon lui, les émeutes du mois de septembre en Martinique ont coûté 20 millions d'euros à la filiale locale de Generali, GFA Caraïbes. "Ramené à la taille de ces départements, c'est extrêmement élevé", précise-t-il. Jeudi dernier, Groupama et Allianz - les deux autres grands acteurs de l'assurance aux Antilles - ont à leur tour annoncé limiter leurs offres en Martinique et en Guadeloupe. "Compte tenu de la fréquence et de la sévérité du risque d'émeutes dans certains territoires ultramarins, nous avons pris la décision d'exclure [ce] risque de nos contrats entreprise", a précisé l'assureur allemand à l'AFP.

Groupama, dont le bénéfice net au premier semestre a été impacté par les émeutes en Nouvelle-Calédonie, a confirmé avoir pris une mesure similaire. Concrètement, ces décisions signifient que les dégâts liés à des émeutes ou des troubles civils ne seront plus indemnisés par les assurances. Mais sans couverture du risque émeutes, difficile voire impossible de convaincre une banque de financer votre projet, alertent les représentants patronaux.

Les difficultés à être assuré hypothèquent les conditions de la reconstruction en Nouvelle-Calédonie (...) et sont de nature à causer des difficultés pour les entreprises elles-même".

Hervé Mariton, président de la Fedom

"On est sur un problème systémique d'une très grande gravité", estime Hervé Mariton, le président de la Fédération des entreprises d'outre-mer (Fedom). Les difficultés à être assuré hypothèquent les conditions de la reconstruction en Nouvelle-Calédonie, compliquent les enjeux de réparation en Martinique et sont de nature à causer des difficultés pour les entreprises elles-mêmes". Face au problème, tous les acteurs se tournent vers l'État. Côté assureurs, on estime que celui-ci a failli dans sa mission de maintien de l'ordre et que sa responsabilité est engagée dans les épisodes de troubles qui ont marqué 2024.

"Part" de l'État

En octobre, Generali a annoncé le dépôt d'un recours au civil contre l'État pour être remboursé des sommes versées aux assurés touchés par les émeutes en Nouvelle-Calédonie. "On est heureux de faire notre métier dès lors qu'il est possible de le faire", mais "il faut que l'État trouve des solutions ou, à terme, il n'y aura plus d'assureurs dans les outre-mer", a prévenu le président de Generali France, Jean-Laurent Granier.

"En Nouvelle-Calédonie, les deux assureurs les plus présents sont l'Allemand Allianz et Generali. Si l'État ne fait pas son travail, les actionnaires vont dire 'on s'en va'. Vous n'aurez plus qu'à créer une assurance d'État", a-t-il ajouté. Alertée, la CPME avait un projet de courrier à destination des ministères concernés leur demandant que l'État "assume sa part" en termes de réassurance, mais l'incertitude politique a tout mis sur pause.

Certains entrepreneurs aimeraient créer un dispositif d'indemnisation du risque d'émeutes sur le même modèle que le dispositif "catastrophe naturelle" via la Caisse centrale de réassurance (CCR), l'entité publique chargée d'assurer les assureurs quand les dommages causés par une catastrophe naturelle dépassent un certain niveau. Sollicité par l'AFP, Bercy n'a pas répondu. Le ministre des Outre-mer François-Noël Buffet disait lui suivre "avec attention" ce dossier : "il est indispensable que nos entreprises ultramarines conservent des couvertures correctes et soutenables." C'était avant le vote de censure et la démission du gouvernement Barnier.