Dix mois après le début des émeutes, la justice toujours sur le pont

Au palais de justice de Nouméa.
Vols, saccages, altercations avec les forces de l'ordre... Les évènements qui ont suivi le 13 mai 2024 ont connu leur lot de délits. Des infractions qui occupent encore la justice près d'un an plus tard.

Sur les 18 affaires inscrites au rôle du Tribunal Correctionnel ce 27 mars, 7 concernent des faits liés aux émeutes. Entre les affaires de violences intrafamiliales, de vol de letchis, de pêche illégale, se retrouve ainsi à la barre, Gaëtan, 26 ans, poursuivi pour vol et recel.

En mai 2024, avant que le centre commercial ne soit incendié, les différents magasins de Kenu-In sont pillés. Monsieur Bricolage, Billabong, Marlène, Conforama, Carrefour... Les articles sont mis dans des sacs que les gens récupèrent sans se poser de question. Gaëtan est de ceux-ci. Devant le tribunal, il tente de se dédouaner : il n'a fait que récupérer les sacs de matériel de bricolage dans la galerie de Carrefour. Tout le monde le faisait. La voiture de location volée au volant de laquelle il a été arrêté quelques temps plus tard ? Elle était là, dans une rue à Rivière Salée. Il l'a prise mais ce n'est pas lui qui l'a volée.

Délits d'opportunité et arguments "énervants"

"Ces derniers temps, on entend régulièrement ces arguments, s'emporte Frédéric Gillard, le procureur, 'C'était les émeutes', 'Tout le monde le faisait', 'On a suivi'. À croire que c'était une période particulière où on pouvait faire n'importe quoi ! C'est énervant ! "

Les enseignes autour de la galerie à proprement parler ont aussi été dégradées, comme cette grande surface dédiée au bricolage.

Et en effet, ces phrases ont été entendues plus d'une fois lors de l'audience. Comme quelques dossiers plus tard, quand Varenne, 33 ans tente d'expliquer le vol pour lequel il est jugé par "ben l'alcool était fermé, c'était la galère". C'est donc pour être sûr d'avoir des bières, de la vodka, du rhum, soit pour plus de 30 000 francs d'alcool, lors de l'anniversaire d'un cousin deux mois plus tard, qu'il a "agit sans réfléchir". Il a profité que le dock de la grande surface où il était en CDD n'était, a priori, pas surveillé pour charger des cartons dans sa voiture. C'était sans compter sur la caméra de surveillance qui a permis au propriétaire du magasin de récupérer sa marchandise et a conduit Varenne devant le tribunal.

2g d'alcool par litre de sang et évitement de barrages

Pour Abel, 28 ans, ce sont les barrages, très nombreux au Mont-Dore en cette soirée du mois de juillet 2024, qui ont peut-être causé son énervement au volant, ses coups de poings, de pieds contre les gendarmes quand ils ont voulu l'arrêter. Ça, ou les 2g d'alcool par litre qu'il avait dans le sang. Il ne se souvient pas. Il a peut-être confondu avec les autres barrages quand il a essayé de le contourner en prenant la voie d'en face à contre-sens. "Il y avait quand même 39 gendarmes sur le barrage, des panneaux, c'est quand même difficile de confondre à ce niveau-là", rétorque le juge avant d'insister sur la gravité de cette conduite en état d'ivresse au vu de l'hécatombe sur les routes calédoniennes.

A croire que les émeutes étaient une période particulière où on pouvait faire n'importe quoi ! C'est énervant !

Frédéric Gillard, Vice-procureur

Des affaires comme celles-ci, le Tribunal Correctionnel de Nouméa en juge tous les jours ou presque. Souvent, elles sont l'occasion de revivre ces mois tumultueux et de faire la lumière sur les motivations de ceux qui y ont participé et leur passé. Gaëtan, Varenne et Abel ont déjà fait face à la justice. Incarcéré suite à sa onzième condamnation pour vol, Gaëtan restera en prison. Pour sa douzième condamnation, il a pris six mois ferme. Varenne, dont le dernier vol remonte à 2021, écope de trois mois sous bracelet électronique. Dejà condamné pour conduite en état d'ivresse, Abel est reparti du tribunal avec une peine de cinq mois de prison avec sursis, l'obligation de suivre un stage de sensibilisation aux dangers de la route et des encouragements à reprendre rendez-vous avec le centre d'addictologie.