Commerçants et clients entre joie et préoccupation après la reprise de la vente d'alcool

Ils étaient nombreux ce lundi, les calédoniens à prendre d'assaut les commerces pour refaire le plein d'alcool. Avec en arrière-plan, la crainte de nouvelles fermetures ou de reprise des violences.

Impatients les calédoniens amateurs d'alcool, ce lundi. En tout cas, à en croire les files d'attente à rallonge devant les cavistes bien avant l'heure d'ouverture réglementaire. "C’est le rendez-vous des alcooliques !" lance un passant en riant, devant une échoppe de Nouméa. Une affluence qui a désarçonné certains clients : "c’est pas le bonheur complet quand même. Par les temps qui courent, on aurait préféré venir chercher ça en toute tranquillité, comme d’habitude, à regarder un peu partout dans le magasin, mais là il faut faire vite, il y a du monde". 

Des professionnels enthousiastes 

Affluence qui doit aussi être gérée par les commerces. Chez certains cavistes, un agent de sécurité a été chargé de gérer les files d'attente et de faire entrer les clients au compte-goutte. Mais ni ce genre de contraintes ni les obligations réglementaires ne semblent avoir entamé leur enthousiasme à rouvrir. "On a été prévenus tôt et ça correspond quand même à une consommation journalière tout à fait correcte et non abusive, estime Pierre Gayraud, gérant d'une cave à vin. Donc on est très contents d’ouvrir et je pense que c’est bien pour les clients, pour notre personnel aussi qui quand même était au chômage partiel depuis de longues semaines et pour nous, sinon, sans activité on était condamné".

Le tour des cavistes

Certains clients, eux, sont moins coopératifs, notamment concernant la restriction imposée sur les quantités autorisées à l'achat. 2 litres maximum pour les alcools titrant moins de 22°, comme la bière et le vin, 1 litre pour les alcools forts... Pas assez pour ce client, qui l'annonce déjà, "je vais aller voir dans les autres surfaces si on peut en prendre d’autres, si c’est pas informatisé, enfin je veux dire, si on arrive là-bas, ‘Ah non! Vous avez déjà pris une fois’". Un autre client, a dû choisir entre le whisky pour lui et le vin pour sa femme. Il a pris le whisky, mais il l'avoue, "j'ai un plan B". De toute façon, pour lui, ces restrictions n'ont aucun sens. "Pour des gens normaux qui invitent des amis à la maison le week-end, je vais pas leur sortir une bouteille de vin, voilà, vous êtes douze, vous vous partagez ça! C’est débile ! Moi je dis que les gens qui consomment modérément sont punis".

Incompréhension et prudence dans la zone VKP

Pour autant, la réouverture de la vente d'alcool ne provoque pas l'enthousiasme partout. Dans la zone VKP (Voh koné Pouembout, en Province Nord) par exemple, la population a été échaudée par le faux départs du mois de juin. "Ça a été interdit pendant longtemps, se souvient un habitant de Pouembout, ils l’ont ouvert un week-end, personne n'a rien compris, la mairie a fermé, là c’est re-ouvert..." La première tentative d’ouverture par le Haut-commissariat avait finalement été avortée par un arrêté municipal des mairies de Koné et Pouembout.

Un précédent qui pousse les professionnels à une certains souplesse. Ainsi, Yoran Leherle, reponsable adjoint d'une grande surfance, prévient : "si ça n'occasionne pas de problématique majeure, je pense qu’on partira sur trois semaines d’ouverture, comme prévu. Après, effectivement, il y a des initiatives qui peuvent être prises au niveau de la mairie ou au niveau d’autres institutions… la province Nord, par exemple. Et on fera avec".

Les mairies, elles, disent s'en remettre au bon sens des consommateurs et attendre la fin de la semaine pour prendre une décision. 

La crainte d'un regain de violences

Une vision partagée par une partie de la population calédonienne. Une grande surface d'Auteuil, à Dumbéa, a annoncé que son "bottle shop" restera fermé "pour raisons de sécurité". 

A Poindimié, ce sont les coutumiers et le relais CCAT qui ont dit "condamner fermement la réouverture de la vente d'alcool". Une réunion a été organisée samedi avec la population, pour décider de la suite à donner et un courrier envoyé à la subdivision nord. 

Dans un contexte tout autre, la vente d'alcool est toujours interdite à Thio après le regain de violences pendant le week-end du 15 août. Des affrontements entre militants indépendantistes et gendarmes ont fait un mort et un blessé grave