Le pape exhorte la Papouasie-Nouvelle-Guinée à "arrêter la spirale" des violences tribales

Le pape François rencontre des musiciens après une cérémonie de bienvenue à Port Moresby, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, le 7 septembre 2024.
Ces violences "ne permettent pas de vivre en paix et entravent le développement", a lancé François lors d'un discours devant les autorités, la société civile et le corps diplomatique. Des dizaines de milliers de personnes ont été tuées ou déplacées en Papouasie-Nouvelle-Guinée ces dernières décennies. Le pape argentin est arrivé vendredi soir dans le pays, pour une visite de trois jours.

Il existe peu de chiffres fiables sur le nombre de personnes tuées dans ces conflits ancestraux qui font rage entre des dizaines de clans de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Mais les agences de l'ONU estiment qu'environ 100 000 personnes ont été déplacées. Endémiques depuis des siècles dans l'archipel, les affrontements tribaux ont gagné en intensité ces dernières années avec l'afflux d'armes automatiques et de mercenaires.

Le gouvernement a multiplié les stratégies pour endiguer les violences : répression, médiation, ou encore amnistie, sans grand succès. Les exactions commises s'avèrent souvent particulièrement violentes, les victimes étant découpées à la machette, brûlées, mutilées ou torturées. Des civils, notamment des femmes enceintes et des enfants, ont été pris pour cible par le passé.

Valoriser les ressources naturelles et humaines

La population de Papouasie-Nouvelle-Guinée a plus que doublé depuis 1980, accentuant la pression sur les terres et les ressources, tout en exacerbant les rivalités tribales. Le pape a également appelé à "valoriser les ressources naturelles et humaines" du pays pour le bénéfice de "toute la communauté". Le pays possède de vastes réserves d'or, de cuivre, de nickel, de gaz naturel et de bois qui ont attiré les investissements de nombreuses multinationales.

"Même si leur exploitation nécessite l'intervention de compétences plus vastes et de grandes entreprises internationales", ces dernières ne devraient pas être les seules à en bénéficier, a estimé le pape argentin.

Il est juste que les besoins des populations locales soient dûment pris en compte dans la répartition des revenus et dans l'emploi de la main-d'œuvre, afin d'améliorer effectivement leurs conditions de vie

Pape François

Évoluer sur le statut de Bougainville

Autre sujet abordé, les tensions avec l'île autonome de Bougainville, située dans l'est de la mer des Salomon, et la crainte qu'une tentative d'indépendance avortée ne ravive une guerre civile sanglante. "La question du statut de Bougainville pourrait trouver un règlement définitif" afin d'"éviter la résurgence d'anciennes tensions", a déclaré François aux autorités et aux diplomates réunis à Port Moresby, en invoquant un "sens des responsabilités".

En 2019, les habitants de Bougainville ont voté à 97,7% pour l'indépendance lors d'un référendum prévu par l'accord de paix de 2001. Le Parlement de Papouasie Nouvelle-Guinée doit encore ratifier les résultats de cette consultation, mais les autorités craignent qu'un départ de Bougainville ne fracture ce pays à la grande diversité ethnique et linguistique.

La Chine à Bougainville ?

La guerre, qui avait opposé les rebelles, les forces de sécurité papouasiennes et des mercenaires étrangers pendant dix ans, a fait 20 000 morts avant le cessez-le-feu de 1998, et fut à ce titre la plus sanglante dans le Pacifique depuis 1945.

Le conflit était né des protestations des habitants contre les dégâts environnementaux causés par la gigantesque mine de cuivre de Panguna - appartenant en partie au gouvernement papouasien -, et le peu de retombées financières de son exploitation pour la population. L'île, qui doit son nom à celui du navigateur français Louis-Antoine de Bougainville (1729-1811) qui l'explora en 1768, est parmi les plus pauvres de l'hémisphère Sud. Elle a grand besoin d'investissements pour construire des infrastructures, ce qui peut notamment attiser les appétits d'un acteur comme la Chine, selon certains experts.