Les élus indépendantistes du Congrès ont demandé le troisième référendum sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Le dix-septième gouvernement n’a pas de président. Dans ce contexte, le député Philippe Gomès était l’invité, dimanche, du journal télévisé.
Prendre le temps d’organiser un "référendum de rassemblement", d’ici à fin 2022. Voilà la proposition portée par Calédonie ensemble pour éviter un ultime "référendum binaire" sur l’avenir du pays. Cette position a été développée, dimanche 11 avril, par Philippe Gomès, membre fondateur du parti non indépendantiste, lors de son interview au journal télévisé de Nouvelle-Calédonie la 1ère. Voici ce qu'il faut en retenir.
Retrouvez l'essentiel de son entretien avec Nadine Goapana :
Un référendum binaire est de "mauvais augure"
Les deux groupes indépendantistes au Congrès ont demandé, jeudi 8 avril, à l’Etat d’organiser la dernière consultation d’auto-détermination envisagée par l’Accord de Nouméa. Face au déclenchement du processus, Philippe Gomès et Calédonie ensemble se posent à nouveau en défenseurs du dialogue. "Un référendum binaire est de mauvais augure", a martelé le député.
On a vu qu’au deuxième [scrutin], les tensions étaient beaucoup plus fortes qu’à l’occasion du premier. On peut craindre qu’au troisième, ce soit pire.
Il a d'ailleurs mis en garde : "Après un troisième référendum binaire, il y a un vainqueur, il y a un vaincu, et quand on commence à discuter, je ne suis pas sûr que le vainqueur soit extrêmement attentif aux attentes du vaincu."
L'importance de "reformuler la question"
Calédonie ensemble plaide pour "un référendum de rassemblement sur un projet qui peut unir les Calédoniens", assure Philippe Gomès. Une consultation qui poserait une autre question que celle du 4 novembre 2018 et du 4 octobre 2020 - "Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ?"
"Dès lors qu’on prône, comme c’est notre cas, un référendum de rassemblement pour sortir du 'Oui' ou 'Non', a-t-il précisé, la question devra être totalement reformulée et la Constitution de la République française devra être modifiée pour intégrer cette nouvelle question."
La volonté d'éviter "l'impasse"
"Ce référendum paraît aujourd’hui une inaccessible étoile, eu égard aux oppositions entre les uns et les autres […], s'est désolé Philippe Gomès. Mais c’est une exigence par rapport à l’Histoire. On n’a pas fait tout ça, depuis 170 ans, depuis 30 ans, pour à la sortie se remettre dans l’impasse où une moitié de la population va imposer sa loi à l’autre moitié de la population, que ce soit Kanaky ou pas Kanaky."
Une date de scrutin à fixer
Calédonie ensemble entend défendre son point de vue lors de la rencontre proposée par l’Etat aux acteurs politiques et institutionnels calédoniens, du 25 mai au 3 juin, à Paris. Quitte à fixer la date du scrutin en fonction du résultat. "Si on arrive à poser les bases d’un référendum de rassemblement sous la houlette du président de la République, à partir de ce moment-là, prenons le temps, organisons le référendum en septembre 2022", pose Philippe Gomès. Un scrutin qui interviendrait ainsi après la campagne présidentielle et les législatives.
En revanche, si on voit que sous la houlette du président de la République, on n’y arrive pas, que c’est impossible de trouver un accord, ne perdons pas de temps et dès octobre 2021, soldons ce troisième référendum.
Des discussions à lancer avant Paris ?
"Le consensus, ça ne se décrète pas, ça se construit", a-t-il assuré. Une discussion qui n'a pas forcément besoin de se faire à Paris. "Pourquoi demain, après-demain, entre indépendantistes et non indépendantistes, on ne se met pas autour de cette table pour construire les bases de ce référendum de rassemblement ? Pour essayer d’arriver à Paris avec […] au moins une trame qu’on aura réussi à dessiner ensemble ?"
"Une responsabilité partagée" face au 17e gouvernement
Autre sujet politique brûlant du moment, le 17e gouvernement n'a toujours pas de président. Laissant l'exécutif sortant gérer les "affaires courantes" et la crise sanitaire, tandis que l'Etat a pris la main pour la composition d'un budget.
Le député de la seconde circonscription reconnaît là un échec de la classe politique calédonienne. "On ne peut pas dire le contraire. On n’a jamais été mis sous tutelle de l’Etat dans l’histoire du pays. Et même dans l’ensemble de l’Outre-mer, c’est vraiment très exceptionnel qu’une collectivité ultramarine soit mise sous tutelle de l’Etat et qu'il arrête le budget à la place de l’assemblée délibérante de la collectivité."
Pour Philippe Gomès, "c’est vraiment une faute de ne pas avoir déposé le budget sur le bureau du Congrès avant le 15 novembre. C’est la responsabilité du gouvernement sortant. Mais c’est aussi une faute des indépendantistes de ne pas être capable d’élire un président, et [d'être] donc incapables de déposer un projet de budget avant le 31 mars. En l’espèce, c’est une responsabilité partagée. Le problème, c’est que ce sont les Calédoniens qui vont en payer le prix."
Les dix milliards de l'Etat, "une subvention"
Quelques mots, aussi, sur la crise sanitaire. Notamment cette somme d'environ dix milliards CFP que vient d'évoquer Sébastien Lecornu. Ils sont clairement identifiés, a précisé dimanche l'invité du JT. "On était intervenus, avec Philippe Dunoyer et Gérard Poadja, en avril 2020, auprès d'Edouard Philippe lors de la séance des questions au gouvernement, pour demander que les dépenses de quarantaine que la Nouvelle-Calédonie assume à cause de la crise sanitaire soient compensées par une subvention de l'Etat."
Elles représentent dix milliards de francs CFP, a-t-il détaillé - à peu près six milliards pour 2020 et quatre milliards pour 2021. "L'Etat vient de confirmer par la voix du ministre des Outre-mer qu'il entendait prendre en charge ces dépenses." Il ne s'agit donc pas, selon lui, d'un supplément. La question sera tranchée par l'Assemblée nationale et le Sénat. Cette subvention sera inscrite à la loi de finance rectificative qui doit être débattue prochainement.
Pour une commission d'enquête sur la gestion du Covid-19
Enfin, Calédonie ensemble demande une commission d'enquête sur la gestion de l'épidémie de Covid-19.
Ce n'est pas infamant. Aux Etats-Unis, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Suède, en Belgique, des commissions d'enquête ont été créées pour examiner la gestion de la crise sanitaire.
De même en France, au niveau du Sénat et de l'Assemblée nationale. "On demande qu'en ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, une commission d'enquête soit également créée."
Le sujet doit être examiné par le Congrès cette semaine, en commission plénière. Selon le député, il s'agit "d'identifier les manquements et proposer des pistes d'amélioration." De quels "manquements" parle-t-on ? "On ne sait toujours pas pourquoi la bulle sanitaire n'a pas été aussi étanche que ça, énumère-t-il. Pourquoi il a fallu un mois pour identifier les 650 passagers des vols Wallis et Futuna. Pourquoi les Calédoniens modestes n'ont pas bénéficié de masques en temps et en heure. Pourquoi il a fallu confiner tout de suite…"
Sa réponse sur le sujet à visionner ici :