Olivier Pérès attend toujours “une réhabilitation totale”. Seulement vingt-six jours après sa condamnation par la cour d’assises d’appel de Nouméa, qui lui a valu un retour en détention, l’ancien chef du service de chirurgie orthopédique et traumatologique au Médipôle a été extrait de sa cellule du Camp-Est pour être conduit, sous escorte policière, au palais de justice.
Reconnu coupable pour le meurtre - et non plus l’assassinat - d’Eric Martinez sur le golf de Tina en septembre 2018, cet homme de 65 ans a été condamné à quinze ans de réclusion criminelle le 14 avril 2023, après deux semaines d’audience (il avait écopé de vingt ans en première instance). Dès le 17 avril, Olivier Pérès a formé, via ses avocats, un pourvoi en cassation.
Trois jours plus tard, c'était au tour de la chambre de l'instruction d'être saisie d’une demande de mise en liberté “à raison d’une santé défaillante”, a introduit le président, Philippe Dorcet, à l’audience, ce mercredi matin.
“Malheureusement, les mêmes causes produisent les mêmes effets à savoir que l’incarcération d’Olivier Pérès, déjà diminué sur le plan physique et psychologique, aboutit à une détérioration extrêmement rapide de son état de santé”, a plaidé Me Maxime Guérin-Fleury, qui substituait Mes Cécile Moresco, Laurent Aguila et Céline Lasek, absents du territoire.
Une demande d’expertise médicale a donc été formulée pour s’assurer que son état de santé est compatible avec les conditions de détention au centre pénitentiaire de Nouville.
"On est passé près de la légitime défense"
L’avocat a rappelé que l’ancien docteur avait été déjà remis en liberté sous contrôle judiciaire, en novembre 2022, avant son procès en appel, “parce qu’il y avait un risque de mort imminente attesté par un médecin”. Et a “écarté” tout “risque de pression sur les parties civiles. Force est de constater qu’il a changé radicalement de comportement, qu’il n’est plus vindicatif et qu’il est à l’écoute.”
La fuite au Vanuatu ou à Fidji ? “Il était astreint précédemment à un simple contrôle judiciaire, sans bracelet électronique. Il avait tout le temps pour organiser sa fuite. Ce qu’il n’a jamais fait parce qu'il voulait s’expliquer devant la justice. Et il a commencé à être entendu puisque la peine en appel a retenu le meurtre et non plus l’assassinat.”
Une “évolution énorme”, a déclaré Olivier Pérès, redevenu présumé innocent, “même si la peine de quinze ans de prison reste incompréhensible. Il n’y a plus de préméditation, qu’est-ce qu’il reste maintenant ? On est passé tout près de la légitime défense parce qu’effectivement, j’ai cru qu’Eric Martinez voulait ma mort et celles de mes enfants. J’ai fait mon devoir de père, certes dans des conditions dramatiques. Pendant cinq ans, j’entendais sans arrêt ‘assassin’, ‘préméditation’, ‘guet-apens’, ‘perpétuité’. On a vu au procès en appel que tout ça a été balayé.”
Du chantage ?
Devant la chambre de l'instruction, l’ex-chirurgien a paru encore atteint, fatigué, amaigri et les traits tombants. Mais sa combativité semble être restée intacte. “Ma seule motivation est ma réhabilitation totale. J’utiliserai tous les moyens judiciaires pour l’obtenir. J’irai jusqu’au bout et je veux rester en bonne santé car la cassation risque de prendre du temps."
Un point sur lequel s’est arrêtée Me Louise Chauchat (représentant Me Martin Calmet pour la partie civile). Elle a demandé aux magistrats “d’être vigilants” et de ne pas tomber dans le piège du “chantage sur l’état de santé d’Olivier Pérès. Nous ne nions pas les difficultés qu’il a rencontrées par le passé mais nous nous demandons si cette expertise médicale est justifiée aussi prématurément dans le cadre de la procédure.”
Si cette demande de mise en liberté est évoquée “aussi rapidement, c’est qu’effectivement, l’état de santé d’Olivier Pérès nécessite qu’on se penche sur son cas sans tarder, a souligné l’avocat général Christian Pasta. Mais je rappelle que dans le cadre d’un pourvoi en cassation après un arrêt de cour d’assises d’appel, nous disposons de quatre mois pour audiencer une telle affaire.”
Le parquet général pas opposé à une libération
Le représentant du ministère public s'est montré favorable à ce qu’une expertise médicale soit ordonnée et a d’ores et déjà annoncé “que je ne m’opposerai pas à une remise en liberté d’Olivier Pérès sous contrôle judiciaire et non pas sous le régime du bracelet électronique”.
“Le Camp-Est n’est ni plus ni moins qu’une mort lente, a témoigné l’ancien chirurgien. J’aimerais pouvoir en sortir et obtenir le bracelet car je dois commencer maintenant ma peine.”
Après en avoir délibéré, les magistrats de la chambre de l’instruction ont décidé d’ordonner une expertise médicale. La décision d’une mise en liberté d’Olivier Pérès est désormais suspendue aux conclusions du médecin.