"L’auteur de l’agression s’est acharné sur la victime, la volonté de tuer ne fait pas de doute", témoignait ce vendredi matin l'expert légiste devant la cour d'assises de Nouméa. Depuis jeudi 13 septembre, un homme de 41 ans, originaire de Cannes, sans domicile fixe au moment des faits, y était jugé pour le meurtre d'un homme de 52 ans chez qui il était alors hébergé. Ce dernier a été retrouvé mort le 6 mai 2021, chez lui, à Tuband, la carotide sectionnée, des blessures au visage.
Pour Me Le Reste, avocat de la partie civile, qui représente la mère et les deux frères de la victime, aucun doute : l’accusé et la victime entretenaient des relations sexuelles. "Intéressées" de la part de l’accusé. Me Le Reste en est convaincu : l’accusé est "un manipulateur qui n’a réussi à convaincre personne, si ce n’est lui-même".
"Violent, colérique, menteur et manipulateur"
Pour Claire Lanet, l'avocate générale, aucun doute non plus : l'accusé est coupable des faits qui lui sont reprochés. Elle le qualifie de "violent, colérique, menteur et manipulateur". "Il vit comme un adolescent qui fait du skateboard", "racole des hommes plus âgés que lui, propose ses faveurs contre de l’argent" ou un hébergement, poursuit-elle, s'appuyant sur les témoignages des voisins, des anciens amants, de l'accusé lui-même.
À ses yeux, ce dernier s’est par ailleurs auto-incriminé en changeant ses déclarations constamment. Et puis il y a les constatations techniques : les vidéos provenant de caméras dans les rues et le bus, les fadettes, les tests ADN et de liquides séminaux…
Le skateboard à l'origine des blessures au visage ?
Ses conclusions : il a frappé la victime avec l’un de ses skateboards, qui correspond à l’objet contondant à l'origine des blessures au visage, puis a utilisé une arme blanche pour lui asséner des coups au niveau de la gorge, un seul coup a sectionné la carotide. Pour rappel, le 3 mai 2021, jour estimé de la mort, l’accusé a été vu dans le bus en quittant le quartier de Tuband, avec un sac-poubelle à la main. Il assure qu'il y transportait son skateboard pour l’abriter de la pluie, sauf que ce jour-là, il ne pleuvait pas.
L’avocate générale a requis de 23 à 24 ans de réclusion criminelle avec une période de sûreté équivalente à la moitié de la peine, un suivi socio-judiciaire de cinq ans assorti de cinq ans de prison si celui-ci n’est pas respecté.
La date de la mort mise en doute
Me Dumons, l'avocate de la défense, admet que son client est "borderline", "mythomane", "volubile" et "agaçant". Mais pour elle, il n’a pas tué la victime. Elle met en doute les preuves avancées par les parties adverses. À commencer par la date de la mort. Selon le médecin légiste, l’état de putréfaction du corps lors de l’expertise indique que la victime aurait été tuée deux jours avant d'être retrouvée, avec 24 heures de marge d’erreur.
C’est le procès du rien ! Ne tombez pas dans la facilité !
L'avocate de la défense
Me Dumons en déduit que quelqu’un d’autre a pu venir voir la victime le 3 mai au soir, le 4 ou le 5 mai. "Les experts n’ont pas cherché d’autres suspects", "les vidéos de surveillance de la ville n’ont pas été visionnées pour d’autres dates que celles du 3 mai", assure-t-elle.
Elle estime que l’enquête a été bâclée et lacunaire dès le départ, soulignant notamment que la scène de crime a été polluée par les équipes d’intervention. Pour elle, aucun élément n'atteste de la culpabilité de son client. Elle plaide l'acquittement. "C’est le procès du rien ! Ne tombez pas dans la facilité !", lance-t-elle aux jurés. L'accusé, lui, a présenté ses condoléances à la famille de la victime, venue de l'Hexagone. Puis demandé aux jurés de prendre "la bonne décision. Je suis émue et même touché", ajoute-t-il.
Quatre heures de délibéré
Ils ont rendu leur verdict après plus de quatre heures de délibéré et sont allés au-delà des réquisitions de l'avocate générale. L'accusé est condamné à 27 ans de réclusion criminelle assortis d’une peine de sûreté équivalente à deux tiers de la peine.
La défense a annoncé son intention de faire appel. Me Dumons se dit convaincue que le coupable court toujours. Sa réaction, recueillie par Natacha Lassauce-Cognard et Claude Lindor :
"C'est une peine qui est à la hauteur de la gravité des faits", réagit Me Le Reste, l'avocat de la famille de la victime. Certes, l'accusé ne les a pas reconnus mais "mes clients, eux, sont parfaitement satisfaits du travail de la police. Ils connaissent le dossier et savent qu'il y a suffisamment de preuves."
Sa réaction, recueillie par Natacha Lassauce-Cognard et Claude Lindor :