Sécurité : important dispositif à Nouméa pour empêcher des jeunes de s'affronter

Policier et gendarmes intervenant dans le quartier asiatique de Nouméa pour empêcher les bagarres entre jeunes, le 8 mars 2024.
Policiers et gendarmes déployés dans le centre-ville de Nouméa, ce vendredi, pour tenter d'éviter les bagarres entre des groupes de jeunes. Un nouvel exemple des tensions extrêmes qui règnent depuis l'agression d'un homme de l'île des Pins lundi, au Mwâ Kââ. Plusieurs lycées ont été sécurisés pour prévenir les débordements. Pris pour cible, les élèves originaires de Maré et leurs familles expriment leur inquiétude. Un collectif de parents s'est constitué.

Vendredi après-midi très agité, dans le centre-ville de Nouméa. Autour de 15 heures, à la gare routière de la Moselle, derrière le cinéma, dans le quartier asiatique… la tension est montée entre jeunes des îles. Un phénomène amplifié par les réseaux sociaux, que des coutumiers de l'aire drubea-kapumë ont tenté de modérer. Une soixantaine de fonctionnaires de la police nationale, assistés de policiers municipaux, ont été engagés pour disperser les plus agités.

Poubelles enflammées devant le cinéma de Nouméa, le 8 mars 2024.

Un policier blessé et trois interpellations

Trois personnes ont été interpellées. Un policier a été légèrement blessé. Des poubelles ont été brûlées. Vers 17 heures, un calme relatif était revenu. La relève étant confiée aux gendarmes mobiles pour assurer la sécurité du secteur. 

Un reportage de Thierry Chapuis et Christian Favennec

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Agression baie de la Moselle

Des débordements qui se sont déroulés alors que plusieurs lycées ont été placés sous surveillance policière. Depuis mercredi, une centaine d'agents patrouillent devant cinq établissements nouméens. En particulier ce vendredi, jour de sortie des internats. La tension peine en effet à redescendre, après l'agression d'un homme originaire de l'île des Pins, par d'autres jeunes, lundi, au Mwâ Kââ. Il a reçu cinq coups de pied à la tête. Heureusement, son examen médical au Médipôle n’a pas révélé de lésion.

Appels au calme contre appels à en découdre

Les appels à en découdre se sont multipliés depuis lundi, sur les réseaux sociaux. Des bagarres ont été signalées en plusieurs points du pays. Malgré différents messages d'apaisement (sénat coutumier, conseil de l'aire nengone, grande chefferie de l'île des Pins), et malgré l'interpellation de quatre mineurs âgés de quinze à dix-sept ans.

Quatre adolescents déférés après les violences au Mwâ Kââ

Ce vendredi soir, le procureur de la République a d'ailleurs annoncé leur défèrement. "Il ressort de l’enquête que deux auteurs présumés ont porté plusieurs violents coups de pied à la tête de la victime", relate Yves Dupas. "Ils ont reconnu leur participation, en précisant que la victime aurait proféré des insultes à l’égard de plusieurs passants avant la scène." Après, ils lui ont volé un pochon contenant notamment du tabac. "Ces deux auteurs présumés qui n’ont aucun antécédent judiciaire comparaîtront à une prochaine audience du tribunal pour enfants, du chef de vol suivi de violence sans incapacité de travail et en réunion.". De quoi encourir la peine de sept ans d’emprisonnement.  

Accusés d'avoir filmé, et diffusé

"S’agissant des autres niveaux de responsabilité pénale, un auteur présumé est poursuivi pour complicité de violence, sans incapacité de travail et en réunion, pour avoir enregistré la scène de violence volontaire", continue le procureur. Il risque une peine de trois ans de prison. "Le quatrième auteur présumé est également convoqué à l’audience du tribunal pour enfants, pour diffusion de l’enregistrement d’images relatives à la commission d’une atteinte volontaire à l’intégrité de la personne." Cinq ans d’emprisonnement encourus. Sur ces quatre ados, trois ont été placés sous contrôle judiciaire. Le quatrième a été mis sous mesure éducative judiciaire probatoire.
 

Scène du 8 mars 2024, dans l'après-midi, entre la gare routière de la Moselle et le quartier asiatique.

"On s'est fait courser par des jeunes à Moselle"

En attendant, les jeunes de Maré ont été ciblés par les violences, même s'ils n'ont rien à voir avec les faits du Mwâ Kââ. Parce qu'ils viennent de la même île que les auteurs présumés de l'agression, tout devient prétexte à la bagarre. Des violences qui arrivent sans prévenir, ont raconté des élèves du lycée Escoffier à NC la 1ère. Mercredi, ils ont été pourchassés à hauteur du marché municipal, alors qu'ils n'avaient rien à voir dans cette affaire. "Il y avait des jeunes qui nous coursaient, décrit un lycéen. Après, on a réussi à s'échapper, on s'est sauvés. On s'est dit qu'il ne fallait plus descendre à Moselle. C'est trop dangereux, en bas."

"C'était choquant car on ramasse pour rien", insiste un autre. "On n'est pas dedans les problèmes. On s'est fait agresser pour rien, ils cherchaient tous les gens de Maré."  

Inquiétude

Autre exemple de lycée sécurisé, celui de Do Kamo. Le calme régnait, cet après-midi, dans l'établissement protestant de la Vallée-des-Colons. Mais les événements des derniers jours sont dans les esprits. "Ça m'inquiète beaucoup. Ça se passe bien dans le lycée mais une fois dehors…", lâche un jeune. Même angoisse pour ces jeunes filles déjà en week-end, restées sur place pour escorter leurs amis. "Nous, on est des gens d'Ouvéa", indique une adolescente. "Mais je suis inquiète pour mon copain, comme c'est un garçon de Maré. C'est pour ça qu'on se met là pour l'attendre, on n'a pas envie qu'il se fasse taper par les gens de l'île des Pins." 

Message 

Pas de tension à relever, entre les 550 élèves du lycée. Le climat anxiogène préoccupe toutefois les parents et mobilise la communauté éducative. "Des familles qui nous ont appelés, certains élèves qui ont préféré ne pas venir…", cite Aurélie Poyau, la directrice. "Ce à quoi on a consenti : on peut garantir la sécurité de nos élèves à l’intérieur de l'établissement mais pas forcément aux abords ou sur le chemin entre le lycée et la maison." Après, dans l'ensemble, on a tenté de rassurer, et de véhiculer le message de faire attention à la perception de ce qui est diffusé sur les réseaux sociaux."

Un reportage de Caroline Antic-Martin et Gaël Detcheverry

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Ces parents qui veulent aider

Dans un tel contexte, un collectif de parents de Nengone s'est constitué jeudi à Nouméa. Il doit se retrouver samedi matin, pour une nouvelle réunion. L'urgence, dit-il, est de déminer la situation par les voies de la coutume.  
Un reportage de Thérèse Waïa et Franck Vergès. On y entend, dans l'ordre, Pascal Waihmadra et Alphonse Caena.

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