L'ancien et l'actuel maires de Païta jugés pour achats de voix présumés, délibéré le 25 juin

Plus de deux ans et demi après leur mise en examen dans cette affaire, Harold Martin et Willy Gatuhau étaient jugés vendredi, au tribunal de Nouméa, pour des achats de voix présumés à l'occasion des municipales de mars 2014, à Païta. Le jugement a été mis en délibéré au 25 juin.
[MISE A JOUR AVEC REACTION D'AVOCATS]

La décision du tribunal a été mise en délibéré au 25 juin. C'est ainsi que le procès des achats de vote présumés durant les dernières municipales à Païta s'est achevé, vendredi, en début de soirée. 
 

Un an d'emprisonnement requis

Avant les longues plaidoiries de la défense, le procureur de la République avait requis contre l'ancien maire, Harold Martin, un an d'emprisonnement, dont six mois avec sursis. Mais aussi un million de francs CFP d'amende et cinq ans d'inéligibilité. A l'encontre de Willy Gatuhau, l'actuel maire, Alexis Bouroz a requis un an de prison avec sursis, un million CFP d'amende et trois ans d'inéligibilité. 
 

A aucun moment, je n’ai donné des enveloppes à ceux qui m’accusent.
- Harold Martin

 

Nié en bloc

Entendu dans l'après-midi, Harold Martin, 65 ans, a nié en bloc les faits qui lui sont reprochés. «A aucun moment, je n’ai donné des enveloppes à ceux qui m’accusent», a-t-il asséné, en évoquant un acharnement politique de Calédonie ensemble pour s’emparer de la mairie. Il a dénoncé une instruction inachevée, et interpellé le procureur qui l’avait précédemment comparé à un Bernard Tapie.
 
Harold Martin et Willy Gatuhau lors du procès début juin.
 

Défense: des réquisitions «inappropriées»

Harold Martin a rappelé que, même si trois affaires en cours le concernent directement, son casier est toujours vierge. «Je n’ai jamais détourné un franc», a-t-il affirmé en pointant un acharnement judiciaire. Me Philippe Reuter, son avocat, qualifie les réquisitions d'«extrêmement sévères» et «inappropriées», en évoquant «pratiquement une cinquantaine de contradictions dans ce dossier».
Sa réaction recueillie par Clarisse Watue.  

Un poids électoral minimisé

Willy Gatuhau, 49 ans, était le directeur de cabinet de Harold Martin au moment des municipales, avant de devenir premier adjoint et de lui succéder. Lui aussi a balayé toute accusation de distribution d’argent pour achat des voix. «Les seules enveloppes que j'ai vues sont celles glissées par les électeurs dans les urnes», a-t-il lancé. L’actuel maire de Païta a d’ailleurs minimisé le poids électoral des intervenants de cette affaire.
 

Les seules enveloppes que j'ai vues sont celles glissées par les électeurs dans les urnes.
- Willy Gatuhau

 

286 voix d'écart

A neuf mois des prochaines municipales, la justice s'intéressait donc à la façon dont s'est déroulée la précédente campagne électorale. En ce début 2014, pas moins de sept listes sont en lice pour prendre la mairie à Harold Martin, candidat à sa propre succession avec le Front pour l'unité. Et le second tour se révèle si serré, entre sa coalition et la liste Calédonie ensemble pilotée par Frédéric de Greslan, que seules 286 voix les séparent, sur un peu moins de 7500 bulletins exprimés.
 
Harold Martin votant lors des municipales de 2014 à Païta.
 

Changement de maire entre-temps

C'est dans ce contexte qu'Harold Martin est accusé d'obtention de suffrages à l’aide de don ou de promesse. De même que Willy Gatuhau, devenu entre-temps premier adjoint puis maire après la démission de son mentor. Tous deux avaient été mis en examen en septembre 2016. Six autres prévenus étaient convoqués à la barre, pour sollicitation ou agrément de don ou promesse afin d'influencer un vote.
 

Une communauté très courtisée

La justice soupçonne que de l’argent liquide a été versé, ou que des promesses d’embauche ont été faites, à des électeurs en échange de leurs voix. Principalement envers des membres de la communauté wallisienne et futunienne, particulièrement courtisée par les différents candidats de ces élections.
 
  

Trois membres d'une même famille

Les trois prévenus interrogés en premier étaient les membres d'une même famille: le père, la mère et la fille. Selon eux, Harold Martin aurait proposé 700 000 F afin qu'ils votent pour lui. Une première enveloppe, de 500 000F, leur aurait été remise lors d'une rencontre organisée avec celui qui était alors maire, a précisé le père de famille. Le reste aurait été promis, et versé, après sa victoire aux élections.
 

«Ce que dit mon mari est la vérité»

«Il nous a remis en main propre une autre enveloppe, contenant 200 000 F», a-t-il déclaré. «Ce que dit mon mari est la vérité», a renchéri son épouse. Un quatrième prévenu interrogé assure avoir reçu, lui, 400 000 F d'Harold Martin afin «de convaincre les gens de voter pour lui au second tour des municipales de 2014». Un emploi stable lui aurait également été promis. 
 

Partie civile : des contradictions pas fondamentales

Le candidat malheureux de l'époque, Frédéric de Greslan, s'est constitué partie civile dans cette affaire. Et pour son avocat, Me Jean-Yves Leborgne, les «contradictions» relevées par la défense ne sont pas fondamentales.
Sa réaction au micro de Clarisse Watue.A noter que l'antenne calédonienne d'Anticor - l'association «contre la corruption et pour l'éthique en politique» - s'est elle aussi portée partie civile.