Le creek Amick pollué après un éboulement minier à Poya

L'eau désormais chargée de latérite est devenue impropre à la consommation.
Les fortes pluies du 4 février ont créé une ravine sur le haut de la mine Pinpin. Plus de 2 500 mètres cubes de terre et de végétation se sont déversés dans le creek Amick. Les riverains, qui avaient pourtant alerté l’exploitant, déplorent la pollution.

En quelques jours, le petit coin de paradis de Raymonde Gossoin, habitante de Poya, est devenu un cauchemar. "Il y a 15 jours, l'eau était vraiment claire. Ma petite se baignait, on lui apprenait à nager avec les carpes. Maintenant, regardez dans l’état dans lequel c’est !" La couleur du creek Amick, en contrebas de la mine Pinpin, parle en effet d'elle-même : rouge orangé, chargée en latérites. Sur les berges, la boue collante, caractéristique de cette terre minière, recouvre tout.

"Là le creek maintenant, il est cuit, c’est fini."

Karel Stanisic, éleveur à Moindah

Le constat est le même sur l'exploitation agricole de Karel Stanisic. La pollution du creek qui longe sa parcelle va impacter directement le bétail de cet éleveur. "C’est du pâturage amélioré, du pangola, qu’on replante tous les cinq ans et là, ça va être foutu. Le bétail, ils n'ont plus à manger et j’ai dix hectares environ de pâturage amélioré comme ça."

L’incident de trop

Face à ce qu'ils qualifient de "désastre environnemental", les riverains estiment ne pas être pris au sérieux par la Nickel mining company (NMC), filiale de KNS, qui exploite la mine Pinpin. "C’est vraiment dégueulasse ce qu’ils font, éructe Karal Stanisic. Ils nous prennent pour des demeurés et ils ne tiennent pas compte de nous. Ils font ce qu’ils veulent en toute impunité." Et ce n'est pas faute d'avoir alerté. Depuis 2017 et l'éboulement survenu lors du cyclone Cook, des comités de suivi environnemental se tiennent régulièrement. À chaque incident, les personnes habitant sous la mine ont appelé à prendre des mesures.

2 500 m3 de terre rouge dans le creek

Si la NMC affirme avoir agi à chaque fois, ça n'a pas empêché l’éboulement de cette zone ouest de la montagne. Selon les riverains, il est dû à une mauvaise inclinaison de la plateforme de stockage de l’eau. La plateforme aurait débordé et l'eau a emporté avec elle 2 500 m3 de végétation et de terre. Pour Jacques Gossoin, président de l’APCRAM, l'Association des propriétaires riverains creek Amick Moindah, "ça ne devrait pas arriver, des choses comme ça. À chaque réunion, nous le répétons, il faut faire attention, la gestion des eaux doit être faite correctement. On nous répond toujours 'oui, oui, on maîtrise' mais là, aujourd’hui, on voit bien qu’il n’y a rien qui est maîtrisé".

La ravine s'est creusée sur le versant ouest de la mine Pinpin

Une amertume partagée par Olivia Joly, elle aussi habitante de Moindah. "Il faut qu’ils cessent toute cette pollution, qu’ils reprennent la gestion des eaux et qu’ils fassent du travail correct. On n’est pas contre la mine. La mine, à Poya, ça amène du travail à tout le monde. Sauf qu’aujourd’hui, on ne peut pas impacter l’environnement, impacter les éleveurs, les agriculteurs mais aussi impacter les vies humaines."

Des conséquences économiques

Ce drame environnemental a aussi des conséquences économiques. Colette Fessard, par exemple, a dû fermer son gîte faute d'eau potable. "Il n'y a plus du tout d’eau au robinet. Le captage est pollué et l'eau, coupée." Elle non plus, ne décolère pas contre la NMC. "On a signalé depuis l’année dernière qu’il allait y avoir quelque chose en haut. Ils nous ont certifié qu’il ne pouvait rien nous arriver, que ce creek allait rester toujours impeccable. Là, il n'y a plus rien d’impeccable."

Alertée, l'entreprise a entrepris des travaux de confortement et a rendu visite aux riverains. La direction de la NMC assure que des travaux seront effectués pour empêcher de nouveaux éboulements. Un comité local d’information est prévu le 16 février, avec des discussions sans doute très animées.

Un reportage de Brice Bachon

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