Dans un dossier de neuf pages diffusé lundi soir, Vale Nouvelle-Calédonie recensait les violences dont l'usine du Sud -salariés, bâtiments, matériels...- fait l'objet depuis des semaines, «dans une très large indifférence». Mardi soir, le parquet a fait le point sur le volet judiciaire.
[MISE A JOUR AVEC VOLET JUDICIAIRE]
Non, le calme n’est pas revenu à l’usine du Sud, «c’est non seulement faux mais surtout, ces violences ne cessent de franchir de nouvelles limites dans une très large indifférence.» Voilà le message que Vale Nouvelle-Calédonie a choisi de transmettre lundi soir, sous la forme d’un communiqué éloquent, étoffé de chiffres et de photos. Ils «démontrent la violence régulière et insupportable que subissent les salariés de Vale NC et ses sous-traitants depuis plus de deux mois», martèle l’industriel.
Au lendemain de cette communication, c'est le procureur de la République qui s'est exprimé sur le sujet pour dresser le bilan judiciaire de ces affaires.
La synthèse de Dave Waheo-Hnasson et Carawiane Carawiane :
«Actes de destruction»
«Nous ne parlons pas ici de mobilisation», défendait Vale dans son communiqué, «mais d’actes de destruction et de violences contre des salariés qui acceptent simplement de venir travailler pour poursuivre leur mission de protection de l’environnement, pour préserver leur outil de travail, pour sécuriser les bâtiments brulés en prévision des cyclones, et permettre le fonctionnement de la centrale électrique de Prony.»
Belvédère «investi»
Et de dresser une chronologie de ces exactions, après la tentative d’attaque survenue le jeudi 10 décembre, qui avait conduit à de très lourds dégâts, à la mise à l'arrêt et à l’évacuation des salariés. «Depuis cette date, assure Vale NC, le belvédère surplombant la zone Sud-Est du site a été investi par des opposants, au départ armés de frondes. Puis ces individus ont installé un lance-pierre fixe à grande portée, et commencé à brandir tour-à-tour un arc à poulie, ou une arme de poing.» Des images sont fournies pour étayer le propos.
«Menaces de mort»
Selon leur employeur, «les salariés présents sur cette zone sont la cible d’insultes, de menaces de mort, de caillassages». La filiale de Vale rappelle qu’un agent de sécurité a été blessé à la tête par des coups de barres de fer. Or, assure-t-elle, «cette violence sur le site s'est encore renforcée depuis quelques jours, avec une utilisation de cocktails Molotov et d'armes à feu, ainsi que des mises à feu volontaires de la végétation».
Traduction en chiffres
Vale NC évoque :
- «44 agressions (caillassages, destructions) répertoriées» depuis la tentative d’assaut du 10 décembre ;
- «plus de deux milliards CFP de dommages directs, et des dommages indirects au moins cinq fois plus élevés» ;
- 22 interventions des pompiers du site contre des incendies «volontaires» (quatre bâtiments de bureaux côté usine et sur mine; une partie des vestiaires, et de l'atelier mine, et un stock d'huiles attenant ; dix-sept véhicules légers et plusieurs engins miniers ; «plus de cent millions en valeur» de stocks de pneus ; des tuyaux et lignes haute tension) ; plus récemment, des zones de maquis minier à proximité de la mine et de l'usine.
«Extrêmement organisés»
La société souligne que des saccages et vols ont aussi concerné les bureaux de sous-traitants sur l'usine dits "SMP3", les installations d'entrée à la mine et à l’usine, les bâtiments support de la pépinière et du service géologie, ainsi qu’un certain nombre d'engins de sous-traitants et de véhicules légers. L’entreprise décrit l’action d’agresseurs «extrêmement organisés», en équipes, avec un «système de guetteurs», qui «ont mis en route un drone d’observation», «disposent d’armes à feu et n’hésitent pas à tirer».
Gendarmes «visés» samedi
Et de donner des exemples : «Après notamment l'attaque […] d'un salarié d'une société de sécurité le 5 janvier, le site a mis en place des drones d'observation afin de prévenir les intrusions. L'un de ces drones a été endommagé le 27 janvier par des tirs de carabine de type calibre 22.» Ou encore: «Le 30 janvier, les agresseurs n'ont pas hésité à utiliser des armes à feu contre des gendarmes qui s'opposaient à leur intrusion sur mine, puis lors d'incidents près du barrage Sud.»
Deux personnes condamnées
Mardi soir, ces faits récents ont été confirmés et précisés par le procureur de la République. «Samedi 30 janvier, les gendarmes mobiles ont été visés par des tirs d’arme à feu et de nouveaux faits de caillassage», relate Yves Dupas. «Lors d’une opération d’interpellation, deux personnes mises en cause ont été interpellées, et déférées au parquet [lundi], en fin de journée.»
Poursuivies pour violences avec armes (en l'occurrence des pierres) sur quatre salariés de Vale, et violences sur les gendarmes mobiles par le même procédé, ces personnes qui n'avaient pas d'antécédent judiciaire ont été condamnées aux peines suivantes : six mois d’emprisonnement, assorti d’un sursis probatoire durant deux ans comprenant l’interdiction de paraître sur la commune du Mont-Dore, l’obligation d’effectuer 170 heures de travail d’intérêt général, celle d’indemniser les salariés de Vale qui se sont constitués partie civile, avec assistance d’un avocat, et la peine complémentaire d’interdiction de détenir ou porter une arme durant cinq ans.
«Préméditées»
Dans son communiqué fleuve, l’industriel accuse encore : «les agresseurs empêchent les équipes de protéger et de sécuriser». Il cite des caillassages visant des pompiers qui essayaient d’éteindre un feu de végétation devant le site, le 27 janvier. «Les cibles ne sont pas choisies au hasard et les attaques sont préméditées», affirme-t-il encore. Rappelons que la date du vendredi 12 février a été donnée comme limite à la transaction avec le consortium Prony Resources, dans lequel figure le Suisse Trafigura.
45 procédures en cours
Côté justice, par le biais du procureur, le bilan chiffré «des infractions commises sur le site de Prony depuis le 6 décembre» donne ceci:
- «48 procédures diligentées par la section de recherches de la gendarmerie, dont 45 toujours en cours, visant notamment des faits de violences avec arme sur les forces de l’ordre, violences avec arme sur les salariés de Vale, destruction de biens par incendie ou moyen dangereux pour les personnes»;
- «cinq opérations d’interpellations sur le site dans le cadre des procédures judiciaires, ayant conduit au placement en garde à vue de quatorze personnes mises en cause»;
- neuf personnes déférées au parquet dont un mineur, avec un mis en cause majeur «condamné à une peine d’emprisonnement ferme avec incarcération immédiate, pour avoir tiré sur les gendarmes avec une arme d’épaule»;
- «sur les quatorze personnes placées en garde à vue, six ont fait l’objet d’une remise en liberté aux fins de poursuite d’enquête, ce qui signifie qu’elle peuvent être de nouveau convoquées par rapport à d’éventuels éléments à charge pouvant ressortir des actes d’enquête toujours en cours»;
- «six personnes identifiées comme ayant participé aux faits commis sur le site sont actuellement recherchées».
Suites
«Pour une large majorité des prévenus», détaille le procureur, «il s’agit de faits de violences sans incapacité de travail, par projection de pierres sur les forces de l’ordre, ayant donné lieu à une orientation des poursuites dans le cadre d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Suivie du prononcé, pour les primo-délinquants, des peines d’emprisonnement avec sursis, ou avec sursis probatoire comprenant une interdiction de paraître sur le site de Prony et l’exécution d’un travail d’intérêt général. Et la peine complémentaire d’interdiction de détenir ou de porter une arme durant cinq ans.»