Sécurité routière [1/5] : plus de 800 vies fauchées en quinze ans

Sur la route menant vers Gouaro, à Bourail.
En Calédonie, on meurt cinq fois plus sur les routes que dans l’Hexagone. Face à ce dramatique constat, un forum sur la Sécurité routière se tient ces lundi et mardi, à Boulouparis. A cette occasion, NC la 1ère propose une série consacrée au fléau de l’insécurité routière. Premier épisode avec un état des lieux de la situation sur le Caillou, depuis une quinzaine d’années.

Rarement une semaine ne s’écoule en Calédonie, sans qu’un nouveau drame de la circulation ne vienne endeuiller le pays. Avec 70 morts sur les routes, l’année 2022 s’est illustrée comme la plus meurtrière de ces dix-sept dernières années. Or, le bilan pour 2023 ne s’annonce guère favorable : on enregistre déjà 45 décès au 30 octobre, soit autant qu'en 2022, à la même date.

Enième tentative pour endiguer ce phénomène, la Nouvelle-Calédonie organise ces 30 et 31 octobre un forum sur la sécurité routière à Boulouparis, petite commune de l’intérieur. Comment a évolué cette accidentologie depuis plus d’une décennie ? Qui sont les victimes ? Et quelles en sont les principales causes ? Voici quelques éléments de réponse.   

Le pire bilan national et ultra-marin  

En France métropolitaine, 3 267 personnes ont perdu la vie dans un accident de la route en 2022, selon les chiffres du ministère de l’intérieur. Rapportés à la population, la Nouvelle-Calédonie détient donc le triste record de la mortalité routière à l’échelle nationale. Le taux y est 5,4 fois plus important.  

Les Calédoniens représentent aussi un quart des victimes de la route en Outre-mer, qui s’élèvent à 283 pour l’année 2022.  

Deux fois moins d’accidents... 

Fait notable parmi les données de la DITTT (direction des Infrastructures, de la topographie et des infrastructures terrestres) , "le nombre d’accidents corporels a baissé de manière significative en Nouvelle-Calédonie depuis une dizaine d'années", observe Mireille Münkel, la présidente de l'association Prévention routière. Il est passé de 715 en 2005 à 271 en 2022, soit 2,6 fois moins d’accidents corporels qu’il y a dix-sept ans.  

Le nombre de blessés hospitalisés a lui aussi nettement diminué. On en relevait 304 en 2005, contre 179 en 2021 et 154 en 2022. 

...mais une mortalité qui stagne 

Pour autant, cette baisse s’accompagne d’un autre constat, beaucoup moins favorable. Depuis quinze à vingt ans, à l’exception de l’année 2022, la mortalité sur les routes baisse, mais légèrement seulement. Ce qui fait dire à Mireille Münkel qu’il y a "moins d’accidents mais ils sont plus graves". Après la catastrophique année 2004 qui a fait 83 victimes, nous sommes passés "d’une soixantaine de tués par an la décennie précédente, à une cinquantaine ces dernières années", relève Mireille Münkel.  

Les chiffres comptabilisés font tout de même froid dans le dos. En quinze ans, 814 personnes sont décédées sur les routes de Nouvelle-Calédonie, soit l'équivalent de la population de Belep. Si on remonte jusqu'à 2005, l'année la plus ancienne dans les statistiques de la DITTT accessibles au grand public, le bilan dépasse la barre du millier de morts, avec précisément 1 048 victimes. 

 

Une victime sur quatre est un jeune majeur

Comme dans l'Hexagone, les jeunes de 18-24 comptent parmi les personnes les plus à risques : on recense 18 morts en 2022, soit près d'une victime de la route sur quatre. La gent masculine est aussi bien plus concernée. Ces dix dernières années, les hommes représentent presque 80 % des victimes d'accidents mortels.  

Enfin, la population kanak est la plus touchée. Aucune donnée ethnique n'est livrée dans les statistiques de la DITTT. Mais selon des acteurs de la sécurité routière, environ 70 % des victimes seraient Kanak. Lors d'une opération de sensibilisation à la sécurité routière au travail, le président du gouvernement Louis Mapou avait lui-même mis l'accent sur ce constat.

L'agglomération, la Brousse et les Iles plus exposées  

Le nombre d'accidents mortels reste extrêmement faible en zone police, autrement dit à Nouméa. Depuis le début de l'année, on en dénombre 2 contre 43 en zone gendarmerie, soit environ 4 %. Les communes de l'agglomération sont néanmoins particulièrement à risque. Rien que 8 accidents mortels à Païta et 6 à Dumbéa. Les Loyauté sont très concernées : déjà 6 morts sur les routes depuis janvier, dont 4 pour la seule île de Maré.

Des piétons très vulnérables 

L'année 2022 a été une année noire pour les personnes circulant à pied. Douze d'entre elles ont perdu la vie sur la route, soit 17 % de l'ensemble des victimes. Et depuis le début de l'année, déjà 7 piétons sont morts dans un accident de la circulation. C'est beaucoup plus que pour les deux-roues, pour lesquels on recense 2 victimes cette année. 

Fait marquant en 2023, on compte déjà trois personnes décédées pour la catégorie des transports en commun : la passagère d'un bus Tanéo dans un accident à Dumbéa en mai, le conducteur d'un véhicule d'une dizaine de places qui s'est endormi au volant à Yaté (dépistage alcool et stupéfiants négatifs) et le chauffeur d'un car scolaire, victime d'un malaise cardiaque en octobre à Nouméa.  

Les causes  

En Nouvelle-Calédonie, le cocktail fatidique des accidents mortels est presque toujours le même : alcool, vitesse et non port de la ceinture de sécurité. 

En 2022, dans sept accidents sur dix, le conducteur était alcoolisé. Et dans presque la moitié des cas, il avait consommé du cannabis. Dans plus de six accidents sur dix, le conducteur roulait trop vite. Dans quatre cas sur dix, on constate un défaut de permis de conduire. Et dans presque six cas sur dix, la victime ne portait pas de ceinture de sécurité. 

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