Trois évolutions au sujet de la croisière post-Covid en Nouvelle-Calédonie

La gare maritime de Nouméa pourra bientôt accueillir du public : reste à procéder aux mises en conformité des installations après travaux
Le Caillou est l'un des derniers territoires au monde à ne pas avoir revu de paquebots. Après des mois de rencontres et de consultations, le gouvernement a donné son aval la semaine dernière, mais le retour sera progressif... Et sous conditions dans les îles.

    Le protocole sanitaire

    En 2018, elles faisaient partie des escales du Pacifique Sud les mieux notées par les croisiéristes : pourtant l'île des Pins et Lifou ont décidé de ne pas s'ouvrir à ce type de tourisme pour l'instant. Mardi 4 octobre, le Pacific explorer (P&O cruises) sera de retour à Nouméa. Mais il a dû changer son itinéraire car le grand chef du Wetr refuse que le paquebot fasse escale à Drehu jeudi.

    "Il considère que les protocoles sanitaires ne sont pas encore assez avancés pour l'organisation de la croisière à Lifou", explique Josiane Kaemo, la directrice du Wetr tour qui coordonne l'accueil des croisiéristes sur l'île. "C'est pourquoi il a préféré reporter l'ouverture à novembre, pour voir comment ça se passe sur Nouméa. Ça nous permettra d'avoir des réunions supplémentaires avec les services de la Direction de l'action communautaire et de l'action sanitaire (DACAS) et de la Direction des affaires sanitaires et sociales (DASS), et de voir quels protocoles sanitaires seront mis en place." D'autant qu'on est en manque de médecins aux Loyauté.

    Le protocole sanitaire de la compagnie australienne P&O

    2000 passagers : c'est la capacité de ce premier bateau en provenance de Sydney. Mais toutes les chambres ne seront pas occupées pour permettre d'isoler d'éventuels cas de covonavirus. Si un cas est détecté, il n'y aura pas de descente autorisée sur les escales. Le protocole sanitaire Covid à l'embarquement a été finalisé fin juillet en Australie, en partenariat avec la DASS. L'équipage et les passagers sont vaccinés. Ces derniers devaient même contracter une assurance voyage obligatoire, pour ne pas laisser de dettes médicales en Nouvelle-Calédonie.

    Depuis le 16 mars 2020, aucun paquebot n'a fait escale en Nouvelle-Calédonie

    Le "monde d'avant"

    Cela faisait partie des questionnements partagés pendant les confinements de 2020 et 2021 : comment vivre après la pandémie ? Que faire pour que cela ne se reproduise pas ? Que changer dans nos modes de vie pour limiter notre impact sur l'environnement ? Si les courts trajets en avion ont été pointés du doigt, la pollution entraînée par le voyage à bord des géants des mers fait débat à Marseille. Il y a un an déjà la Polynésie tranchait en annonçant, pour 2022, la limitation de la capacité des paquebots : 1200 passagers maximum sur Bora Bora, 3500 ailleurs au Fenua.

    Chez nous c'est à l'île des Pins que la réflexion se poursuit. Une chose est sûre : il n’y aura pasd'escale de bateaux avant l’année prochaine. "On ne veut plus de touchers de paquebots sur la même fréquence que ce qu’on avait avant", précise Charles Vakié, premier adjoint au maire de l’île des Pins chargé du développement touristique et économique, de l’environnement de l’énergie de l’aménagement du territoire. "L'effet du Covid a eu des conséquences : on s'est rendus compte que les impacts environnementaux et sociaux (de la croisière) étaient beaucoup plus importants que les retombées économiques pour la population."

    Après un départ de bateau, la crème solaire crée une mer d'huile dans les baies de Kuto et Kanumera

    Charles Vakié, premier adjoint au maire de l'île des Pins

    Les croisiéristes à l'île des Pins (archives)

    Autre répercussion, l'impact sur la ressource en eau douce. "La population de l'île des Pins est de 1500 personnes, donc quand 2000 personnes débarquent d'un paquebot, c'est déjà le double", rappelle Charles Vakié. "Ces dernières années La Niña nous a emmené de l'eau, mais la problématique se pose en période de sécheresse : on n'en a pas assez pour la population." Un travail de concertation avec la province Sud, la mairie et les huit tribus de l’île a été engagé. Avant la crise sanitaire, Kunié comptait cent touchers de navires par an, l'objectif est aujourd'hui de développer un tourisme mesuré dès 2023.

    L'accueil au pied du paquebot

    En presque trois ans d'arrêt de la croisière, les professionnels ont dû se réinventer. Certains ont changé de métier, d'autres ont fermé leur entreprise, d'autres encore manquent de personnel qualifié. A Lifou par exemple, sur les 140 prestataires touristiques, on en recense plus que la moitié. A Nouméa, ils attendent de savoir de quelle manière ils pourront avoir accès à la gare maritime, qui devrait rouvrir fin octobre après travaux pour les prochaines escales. 

    Les prestataires touristiques sont moins nombreux qu'en 2020 pour la reprise de la croisière

    Côté patentés qui participaient au marché artisanal, le retour à l'activité a mal commencé. Invités à candidater pour accueillir le voyage "inaugural" sur les Quais de Nouméa, ils se sont entendus dire que seuls les exposants vendant de l'artisanat local seraient acceptés. Or 80% d'entre eux font de l'importation. Ils stockent depuis plus de trente mois ces produits "à petits prix adaptés aux touristes australiens et néo-zélandais", selon Philippe Chan, de l'Association Ferry Market. "Nous déplorons de n'avoir jamais été concertés et demandons du temps pour nous adapter à ce changement."

    Est ce définitif ? Les autorités portuaires répondent qu'une réflexion est en cours pour définir les conditions d'occupation de la gare maritime. Ce premier accueil en mode "dégradé" permettra de faire un retour d'expérience. On sait que la municipalité de Nouméa et le gouvernement se rejoignent sur l'idée d'offrir "une vitrine du savoir faire calédonien". Le secteur rapportait entre 8 et 14 milliards de francs CFP sur l’ensemble du territoire, avant la crise Covid.

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    A réécouter, l'émission radio Questions pays sur le sujet.

    C'est demain mardi, vers huit heures, que le Pacific Explorer fera escale à Nouméa. Après deux ans et demi d'interruption de l'activité pour cause de crise Covid, autorités portuaires, prestataires et commerçants étaient sur le pont ce lundi pour accueillir ces premiers croisiéristes en provenance d'Australie.

    Le reportage de Caroline Antic-Martin et Gaël Detcheverry :

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