Fin du dossier du mariage polémique de l'ancien vice-président de la Polynésie. Tearii Alpha et Édouard Fritch ont écopé d'amendes. Cinq amendes de 80 000 F. CFP pour le ministre de l'économie verte et maire de Teva I Uta, et quatre amendes de 30 000 F. CFP pour le président du pays. Présent au tribunal ce jeudi matin, Tearii Alpha n'a pas souhaité réagir.
La co-gérante du restaurant dans lequel le mariage a été célébré a été relaxée, car le tribunal a cru en sa bonne foi. Une satisfaction pour son avocat, Maître Stanley Cross.
Lors du jugement en avril dernier, le procureur avait requis 4 amendes de 89 000 cfp (soit 356 000 cfp) contre Edouard Fritch et 6 amendes de 89 000 cfp (soit 535 000 cfp) contre Tearii Alpha. Des réquisitions qui n'ont donc pas été suivies.
Mariage polémique
Le deux poids, deux mesures dans toute sa splendeur. Ce mariage, célébré dans un contexte sanitaire ultra tendu avec un centre hospitalier de Taaone au bord de l’explosion, avait provoqué incompréhension, colère et dépit chez les internautes. Les médias nationaux s'en étaient même fait l'écho. Le 5 août 2021, Tearii Alpha, alors vice-président du pays, célébrait son union. Les célébrations étaient organisées dans un restaurant de Papeari, et avaient réuni 300 convives, dont le président de la Polynésie. Une semaine auparavant pourtant, le haut-commissariat diffusait un communiqué indiquant que les restrictions sanitaires allaient être durcies. Les événements tels que mariages, anniversaires, baby-shower étaient interdits dans les salles polyvalentes, chapiteaux, hôtels-restaurants et établissements de plein air.
Les images, totalement décalées et contraire aux règles sanitaires en vigueur, de cet événement avaient fait bondir le corps médical. Dans un communiqué diffusé le lendemain du mariage, le syndicat du personnel du CHPF du Taaone SPCHDT/CSTP-FO et la CSTP-FO demandaient aux responsables politiques du pays de respecter les soignants. « Alors que le CHPF est confronté à une arrivée massive de patients jamais vue jusqu’à présent et que les personnels sont rappelés sur leur repos ou congés pour prendre en charge les malades (de la Covid, ndlr), certains s’amusent au mépris des gestes barrières… », regrettaient les porte-paroles du personnel soignant, et demandaient « aux dirigeants de notre Pays de respecter leurs engagements vis-à-vis de la population et de soutenir plus encore les soignants dans ce contexte alarmant ».
" J'en suis infiniment désolé "
Dans une allocution enregistrée quelques jours après les faits, Edouard Fritch reconnaissait avoir fait une entorse à la réglementation. Sur TNTV, il concédait que lui et les membres de son gouvernement présents au mariage n'avaient « pas été exemplaires, j’en suis infiniment désolé. ».
Invité dans le journal de TNTV le soir même, et avant la diffusion de l'allocution du président du pays, le haut-commissaire Dominique Sorain avait indiqué que l’Etat avait fait son travail dans cette affaire, en refusant une dérogation et en rappelant les conditions d’un tel événement, et disait d’un ton ferme qu’il appartenait aux personnes concernées de s’expliquer, et qu’il y aurait des sanctions.
Infractions aux règles sanitaires, mais pas de mise en danger de la vie d'autrui
Une enquête préliminaire avait alors été ouverte pour le délit de mise en danger de la vie d’autrui et les infractions aux règles sanitaires. Les investigations établissaient que le délit n’était pas constitué, mais que plusieurs contraventions avaient été requises. Jugés le 7 avril devant le tribunal de police, soit 8 mois après les faits, le président Edouard Fritch et le ministre de l'agriculture avaient tenté de replacer les choses dans leur contexte. De son côté, Tearii Alpha entamait « Je voudrais rappeler la chronologie des faits », avant d’expliquer la démarche qui l’avait conduit à la privatisation, à titre gracieux, du restaurant.
Cet événement, prévu, à la base, au mois de juillet 2021, avait été repoussé en août à cause de la visite du président de la République, Emmanuel Macron. Suite à la recrudescence des cas de Covid-19, entre juillet et août, l’ancien vice-président, qui avait prévu d’inviter 1 500 convives sur le motu Ovini de Papeari, avait décidé de revoir le chiffre à la baisse.
« Lorsque les restrictions ont été annoncées, j’ai cherché à anticiper une baisse de la jauge des invitations », avait-il expliqué au tribunal.
Il avait ainsi misé sur 520 invités et avait demandé une dérogation, en adressant un courrier au haut-commissaire de la République, le 1er août.
« Ce courrier lui a été adressé en tant que marié. La jauge proposée dans le courrier était prévue toujours sur le même site », avait précisé le maire de Teva i Uta.
Le 3 août, le haut-commissaire, Dominique Sorain, répondait par la négative au futur marié en lui soumettant, selon la défense, l’idée d’organiser sa réception dans un restaurant.
" Un procès politique contre ma gestion de crise sanitaire "
Pour le président de la Polynésie, c’était un procès politique. Il n’avait pas manqué d’expliquer au tribunal qu’il avait participé à ce mariage en tant qu’ami de Tearii Alpha.
« Je le prends plus comme un procès contre ma gestion de la crise sanitaire », avait ainsi déclaré Édouard Fritch. Concernant sa prestation à la guitare, il avait tenu à expliquer son moment d’égarement.
« Je ne suis pas animateur de cabaret. La guitare, c’est un de mes vices. C’est vrai, je suis allé jouer devant les invités, qui ont applaudi. Mais ils n’ont pas dansé », ajoutait-il. « Nous avons eu un comportement imprudent mais je crois que ce procès est aujourd’hui plus orienté vers le président et le vice-président. ».
Ce 2 juin 2022, ce chapitre est clos. Mais nul doute que ce mariage restera dans les toutes les mémoires. Entre le mois d'août et le début du mois septembre 2021, on recensait 551 décès liés au Covid en Polynésie.