Faire partie des meilleurs surfeurs au monde est très dur... Tout commence bien sûr par une dose de talent mais comme beaucoup de sports cela ne suffit pas. Dans la discipline qu'est le surf, pour faire partie de l'élite mondiale, c'est un véritable parcours du combattant. Il faut d'abord participer aux championnats WSL avec des points, 1000 et 3000 points. Des compétitions où 500 voire 1000 athlètes s'affrontent sur des vagues médiocres, souvent de plage, de 10 ou 20 cm à 2 ou 3 mètres.
Afrique du Sud, Europe en passant par le Brésil... Elles ont lieu un peu partout dans le monde dans des conditions climatiques parfois difficiles surtout pour les Polynésiens habitués à la chaleur de l'air et de l'eau. Une fois que le surfeur figure parmi les meilleurs dans le QS, direction ensuite la qualification aux Challengers Series qui regroupent une soixantaine de compétiteurs Hommes et une trentaine en Femmes. À ce stade, il y a alors six compétitions avec comme objectif d'engranger les points et compter parmi les 5 meilleurs pour enfin se qualifier dans le fameux CT, la première division.
Travail acharné
C'est ce qui s'est passé pour Vahine Fierro en gagnant sa demi-finale de la sixième et dernière étape des Challengers Series, qui a lieu au Brésil. Après avoir suffisamment engrangé de points, elle rejoint ainsi les meilleures surfeuses mondiales. Une consécration pour la jeune surfeuse de 24 ans après cinq années difficiles où elle est passée très proche de la qualification sans l'obtenir.
"Elle a réussi à montrer que c'était une championne, elle a été forte mentalement parce que se qualifier sur le fil aujourd'hui, il fallait avoir les nerfs solides. Elle a montré que c'est une guerrière et que la Polynésie reprend ses droits dans le surf"
Max Wasna - président de la Fédération Tahitienne de Surf
Pour arriver donc à ce haut niveau, Vahine Fierro a comme beaucoup dû faire des sacrifices. Des heures passées dans l'eau à s'entraîner, quitter son île de Huahine pour s'installer à Teahupo'o, partir loin de sa famille et ses amis, faire extrêmement attention à son alimentation et son hygiène de vie. Il a fallu aussi se relever après une énorme déception aux Jeux Olympiques de Teahupoo. Elle qui visait le podium, surtout après sa victoire historique à la Tahiti Pro, a dû digérer son élimination en huitième de finale par la Française Johanne Defay.
"Elle avait deux objectifs. Elle a eu une énorme déception aux JO mais là elle a rempli son deuxième objectif avec cette qualification. Cela lui assure une carrière, c'est énorme. J'ai vraiment un grand respect pour son abnégation, son courage, son travail au quotidien"
Gaël Vaast - père de Kauli Vaast, champion olympique
Le travail, les sacrifices sont la clé pour réussir... Mais il y a aussi l'accompagnement de la famille, de la fédération, des kinés et coachs. Un soutien psychologique et financier. Car entrer dans le circuit mondial, c'est aussi participer à une douzaine de compétitions un peu partout dans le monde. Cela représente près de dix mois hors du territoire. Michel Bourez est resté douze ans dans le circuit et a fait partie des cinq meilleurs mondiaux.
"Ça demande tous les sacrifices du monde, toute ta famille et tes proches doivent rentrer dans ton emploi du temps, c'est toi qui dirige. Ce n'est pas facile pour les autres car tu es focalisé sur ta vie mais eux doivent aussi faire en fonction de toi. Le fait que ta famille soit derrière toi ça donne une force en plus. C'est ce qui fait la différence, c'est ce petit groupe derrière qui veut ton bien et fait tout pour que tu réussises"
Michel Bourez - ancien surfeur professionnel du CT
Michel Bourez, jeune retraité du circuit mondial, se souvient de ces moments difficiles. Surtout en début de saison où il faut reprendre les entraînements intensifs matin, midi et soir, où il faut manger équilibré et être régulier, où il faut mettre de côté les divertissements et les soirées entre copains. "Tu n'as pas le choix car tu as trente gars qui essaient de faire la même chose. C'est comme ça que tu fais la différence, en faisant plus de sacrifices qu'eux", confie le surfeur qui s'est réveillé à 2h du matin pour regarder les séries de Vahine au Brésil.
Lui aussi s'est levé pour regarder l'exploit de la surfeuse de Huahine. Steven Pierson est un surfeur aguerri. Si aujourd'hui il prodigue ses conseils aux plus jeunes, il a tenté un temps de se qualifier pour le circuit mondial. Malgré beaucoup de sacrifices, il n'a pas réussi à intégrer l'élite.
"Il faut partir loin de chez soi et de sa famille, il faut s'entraîner et supporter - des conditions plus fraîches et des vagues médiocres. C'est aussi un gros budget, les parents font beaucoup de sacrifice pour envoyer les enfants. On espère que les prochaines générations feront pareil, ils ont Vahine comme exemple. Avec son niveau, elle va y rester peut-être pas mal d'années"
Steven Pierson - ancien surfeur du QS
"Fier de Fierro" pourrait être aujourd'hui un slogan tant les surfeurs, professionnels et acteurs de la discipline saluent cette qualification historique de Vahine Fierro. Tous espèrent voir désormais Mihimana Braye et Kauli Vaast, champion olympique, rejoindre eux aussi le CT en 2026... Quoi qu’il en soit, l'année 2024 est une année incroyable pour le surf polynésien.