« Une équipée sauvage », « on n’est pas au far-ouest », dans sa plaidoirie, maître Betty Hayoun n’a pas de mots assez forts pour exprimer sa réprobation face aux faits commis sur son client. Les deux agents municipaux de Papeete debout à la barre du tribunal correctionnel restent stoïques. À l'audience du juge unique, de ce vendredi 13 mai, ils sont poursuivis pour des violences en réunion commis sur trois jeunes, par personne dépositaire de l’autorité publique.
Nous sommes dans la nuit du 22 au 23 juin 2021, les mutoi interviennent devant une boîte de nuit de la capitale pour mettre fin à une altercation. L’un des jeunes réussi à s’enfuir, le second est maintenu par une clé de bras contre une barrière. Des témoins l’ont entendu crier « j’ai mal, je n’arrive pas à respirer ». Le policier municipal qui le maintenait relâche son étreinte puis conduit le jeune homme sous l’emprise de l’alcool dans un fourgon. Dans sa déposition, la victime indiquera que le second agent l’a insulté, des propos que ce dernier a nié avoir prononcé.
Un jeune cycliste reçoit trois coups de pied
Un jeune à vélo assiste à la scène, il tient le guidon son deux-roues d’une main et de l’autre une enceinte de musique dont le volume est trop fort pour minuit et demi, en plein centre-ville de Papeete. Selon les mutoi, il aurait incité les badauds à les prendre à partie. Il s’éloigne sur son vélo et le fourgon de la police municipale le suit. Sur ce second volet, deux versions des faits s’opposent. Le jeune cycliste affirme qu’il a été « tamponné » par le véhicule, « j’ai senti le choc à l’arrière » dit-il. « Il a perdu l’équilibre, je ne l’ai pas percuté », s’est défendu le conducteur du fourgon.
Après, c’est l’escalade. L’avocat des prévenus, maître Robin Quinquis, a demandé le visionnage des images de vidéosurveillance. Les caméras montrent la scène, ou du moins, une partie. Sur les images, un policier jette violemment au sol l’enceinte de musique, l’autre assène trois coups de pied au jeune majeur. La victime indique avoir subi d’autres violences mais pour une raison inconnue, la caméra qui filmait la scène s’est détournée, puis, elle est revenue à son point initial, une fois les violences terminées. Sans qu’aucune explication n’ait été apportée sur les raisons de ce passage manquant. La troisième victime de ce soir où tout ne s’est pas passé comme prévu, est un autre jeune à vélo qui a assisté à la scène. Il a voulu intervenir et a reçu un coup de pied dans son vélo.
Un des agents impliqué dans une autre affaire de violence
Interrogé par le juge, l’un des agents municipaux se plaint du climat de plus en plus tendu avec les jeunes à Papeete, « tous les week-ends, on se fait outrager ». Lui-même a été victime de violences sur le terrain, « j’ai appris de mes erreurs » a-t’il indiqué. Il ne veut plus être une victime. Dans sa plaidoirie, son conseil a estimé que cette ancienne agression avait marqué l’agent, trop rapidement remis sur le terrain « sans assistance psychologique ».
Un agent qui est soupçonné de faits de violence dans une autre affaire. Le 26 juin 2021, soit trois jours après les faits jugés, ce vendredi 13 mai, la justice lui reproche d’avoir participé à une bagarre sur le quai de Vaiare, à Moorea. Il sera jugé le 8 novembre.
Dans son réquisitoire, le procureur a estimé que, ce soir-là, les policiers municipaux étaient « à cran » et qu’ils avaient « perdu le sens de leur mission », au point d’ailleurs de ne pas faire appel à des renforts. Il a aussi indiqué qu’ils avaient trahi la confiance que la population avait en eux. Le parquet a requis 6 mois de prison avec sursis, 100 000 francs d’amende et une interdiction d’exercer les fonctions d’agent municipal pendant un an pour l’un et trois ans pour le second. La décision du tribunal correctionnel sera rendue le 3 juin.
Les deux agents municipaux ne font plus partie de la brigade municipale de Papeete, ils ont été temporairement suspendus par leur hiérarchie.