Édouard Fritch : "Nous allons déposer un recours. Nous ne pouvons pas laisser faire"

Mesures relatives à la cherté de la vie, loi fiscale, motion de confiance, élections européennes... Le président du Tapura Huiraatira, Edouard Fritch, était l'invité du journal de ce lundi 15 avril.

Cybèle Plichart : Les mesures relatives à la cherté de la vie tardent à être mises en place… Les jeunes souffrent du manque de logements, les syndicats s’impatientent, une partie de la majorité aussi. Un train de mesures serait en préparation, quelles sont vos attentes dans l’opposition ?

Édouard Fritch : Je trouve vraiment scandaleuse cette décision qui a été prise pour ces jeunes travailleurs qui logeaient à la Cité Grand de Pirae (voir le reportage ici). Les raisons invoquées pour les tirer de là ne tiennent pas la route. Nous sommes autonomes, nous créons le cadre légal. Ce logement appartenait à l'OPH et appartient toujours à l'OPH, ce n'est pas un problème. Mais j'ai l'impression que la chasse aux sorcières va continuer. Ces jeunes qui ont été placés par la DPDJ, là aussi il y a eu un changement à leur niveau, et apparemment ne sont pas très bons, on va les virer. Mais, le sujet est important. Ces jeunes vivaient dans leur voiture, ce sont des jeunes qui ne peuvent pas se payer de logements, ce sont des jeunes qui allaient devenir des SDF potentiels à Papeete. C'est la raison pour laquelle j'avais chargé la DPDJ de trouver une solution. Aujourd'hui, on reprend les mêmes et on recommence... Je trouve que c'est scandaleux !

Qu'est-ce qu'on attend ? J'ai l'impression que l'interview que vous avez passée de Patrick Galenon datait de l'année dernière juste avant les élections, c'était exactement le même discours. Ça fait un an qu'on attend. Vous avez participé à l'ouverture de l'Assemblée de Polynésie, vous avez entendu les discours des uns et des autres, vous avez entendu parler des problèmes de coût de la vie ? Rien ! Vous avez entendu parler de la population et du logement ? Rien ! Donc aujourd'hui, je n'ai pas plus d'espoir qu'hier, que les choses vont se résoudre par le gouvernement actuel.

Cybèle Plichart : Jeudi 11 avril, vous étiez à l’ouverture de la session administrative à l'Assemblée, vous avez assisté au discours du président Brotherson, selon lui « Tout ne va pas si mal ». Il a cité le nombre de chômeurs qui passe sous la barre des 10 000, la bonne santé des exportations de perles, le retour des bateaux de croisière… Est-ce que l’opposition ne dramatise pas un peu la situation économique « qui ne va pas si mal » ?

Édouard Fritch : Oui, on est passé de "Tout va bien" à "Tout ne va pas si mal". Je crois qu'il faut être sérieux. Il parle des croisières, de l'exportation de la perle de chez nous. Ce sont des choses qui ont été mises en place par l'ancien gouvernement. Il est en train de récolter, suite à l'inertie des décisions qui ont été prises, ce que nous avons fait. Mais, le sujet aujourd'hui est celui de l'avenir du Pays : qu'est-ce qu'il va me proposer pour l'avenir du Pays ?

Cybèle Plichart : Vous dénoncez une forme d’immobilisme ? 

Édouard Fritch : C'est de l'immobilisme. C'est un gouvernement statique. Il ne fait pas grand-chose. D'ailleurs, l'opposition de l'époque, la majorité d'aujourd'hui, commence à le dénoncer parce qu'à la fin de son discours, il a dû demander à l'Assemblée une motion de confiance. Car, effectivement, il a découvert que les bruits qui couraient autour d'une motion de censure venaient du Tavini Huiraatira.

Cybèle Plichart : Cela n'a pas dissipé le malaise au sein de la majorité selon vous, de faire lever les représentants pour montrer leur solidarité ?

Édouard Fritch : Ce que j'espère, parce que j'aime mon Pays, est que le cinéma qui a eu lieu jeudi dernier, va les aider à mieux faire pour demain. Malgré tout, on ne peut qu'espérer que ce Pays aille mieux. On ne peut pas rêver d'un Moetai Brotherson qui se casse la figure demain. Nous respectons le choix des populations mais il faut qu'il travaille ! Sinon nous allons payer cher notre retour si retour il y a...

Cybèle Plichart : Le début de cette mandature est marqué par cette fameuse loi fiscale, annulée par le conseil d’Etat. La majorité opte pour la rétroactivité de la loi, ce qui choque l’opposition car un recours sera possible. Vous pensez comme Nuihau Laurey que la majorité aurait pu en profiter pour améliorer la loi ?

Édouard Fritch : Bien sûr. Il y a eu du temps donné à l'actuelle majorité pour qu'elle puisse réfléchir et apporter des amendements qui tiennent la route. Mais malheureusement, le président était en voyage, les autres pareil... Donc, rien n'a été fait ! Le seul amendement qui représente la solution retenue par la majorité aujourd'hui, c'est la rétroactivité. On est en danger ! Nous leur avons dit à l'Assemblée de Polynésie : cela va faire l'objet d'un recours. Nous allons déposer un recours. Nous ne pouvons pas laisser faire... Nous nous attendions à d'autres solutions. Avec AHIP (ndlr : A Here Ia Porinetia), nous avons déposé une dizaine d'amendements. Tous ont été rejetés. Il y a effectivement une politisation forte aujourd'hui à l'Assemblée de Polynésie française en pointant l'opposition et en essayant de faire obstacle à toutes nos propositions. Nous ne sommes pas là pour taper dessus, nous sommes là pour tenter de proposer quelque chose mais ça ne marche pas, ça ne fonctionne pas parce qu'ils se replient sur eux-mêmes. Actuellement, il faut espérer que les choses aillent mieux.

Cybèle Plichart : Quelles actions concrètes selon vous auraient pu être menées à l'issue de cette réflexion autour de la loi ? 

Édouard Fritch : Ne serait-ce que la consultation... Les vendeurs de véhicules se sont alertés sur le fait qu'ils allaient être sollicités pour compléter le manque de la loi puisque les taxes n'ont pas été recouvrées comme ils se devaient. Tout est comme cela...

Cybèle Plichart : Moetai Brotherson promet plus de consultations. Il a annulé notamment le préconseil des ministres du lundi, c'est une bonne stratégie selon vous ? 

Édouard Fritch : Non. Parce que le préconseil était la meilleure méthode... Cela fait 30-40 ans que ce préconseil existe pour une meilleure coordination sur l'action ministérielle. Nous avons besoin de nous consulter entre nous... Pour l'affaire de l'hippodrome de Pirae, nous avons entendu la voix de la vice-présidente et à côté de cela l'étonnement, sinon la colère de la ministre de la Jeunesse et des Sports. Tout ça, c'est parce que le gouvernement ne se coordonne pas, il ne se voit pas. Le président n'est pas là donc il ne se voit pas et on découvre la cacophonie aujourd'hui de ce gouvernement.

Cybèle Plichart : Sur l'hippodrome de Pirae, en tant que maire de Pirae, c’est ce que vous souhaitiez pour ce site historique ?

Édouard Fritch : Je souhaitais qu'il y ait un partage de ce site. Ce site représente une dizaine d'hectares dans une partie de la commune qui représente le tiers de la population. Ce fut un besoin à l'époque où nous avons demandé l'affectation de ce terrain. Ce fut un besoin pour une meilleure cohésion sociale. Il fallait mettre en place de quoi occuper nos jeunes. Un compromis, c'est ce que je souhaitais rechercher mais nous nous sommes butés à cette association hippique qui avait un contrat de location.

Cybèle Plichart : Est-ce que vous avez un candidat pour les élections européennes ? 

Édouard Fritch : Nous avons proposé un candidat : Monsieur Moerani Frébault. Un jeune des Marquises, candidat sur lequel nous faisons l'unanimité et pour lequel nous espérons qu'il ait une bonne place et une place éligible sur la liste de Macron.