Fusillade sur fond de trafic d'ice : Prison ferme pour les cinq prévenus

Les dossiers de l'affaire dite du Liberty, mardi 13 août, au tribunal correctionnel de Papeete.
Mardi 13 août s'est tenu le procès des cinq prévenus impliqués dans l'affaire dite du Liberty. Elle concerne la fusillade inédite en plein cœur de Papeete. Trois coups de feu avaient été tirés le 25 janvier 2022, sans faire de blessés. Mais le traumatisme demeure... Le tireur écope de 7 ans de prison ferme et les complices, entre 2 et 6 ans.

Trois coups de feu tirés à Papeete : c'était en 2022, dans l'impasse du Liberty. Le souvenir est vif tant les faits sont rares en Polynésie. 

Deux ans plus tard

Le 13 août 2024, les cinq prévenus sont à la barre, alors qu'un premier renvoi a eu lieu en mai. Ils sont tous âgés d'une trentaine d'années, père de famille pour la plupart... Même carrure : trapus, cheveux courts, vêtus d'un simple short et d'un t-shirt.

Seul le tireur sort du lot. Il porte des lunettes et est le moins bronzé des cinq. Délinquant multirécidiviste au profil asocial selon les conclusions d'un expert, ce mis en cause accumule les faits de violences envers ses compagnons de cellule. Isolé dans le box des accusés, il scrute sa concubine dans la salle d'audience du tribunal correctionnel et fait mine de l'embrasser à plusieurs reprises. Habillée en jupe courte et talons, elle lui sourit en retour. Les parents du tireur, qui ont perdu un premier fils il y a quelques années dans une bagarre, sont également présents.

Transaction qui tourne mal

Le vigile passe en premier à la barre. Sa version est "fluide" estime le procureur. Le prévenu raconte comment tout a commencé. Ce mois de janvier 2022, le trentenaire cherche à se procurer de l'ice. Il contacte alors un ami, ancien champion de boxe de Polynésie, à qui il remet 200 000 Fcfp. Ils sont plusieurs à cotiser : le boxeur amasse 1,2 million Fcfp en tout. Lui, qui n'est pas consommateur, confie alors l'argent à un autre homme censé leur fournir la drogue. Mais ce dernier dilapide la somme en quelques heures, en s'achetant lui-même de l'ice, de l'alcool et en payant des prostituées.

Rapidement, les "acheteurs" comprennent qu'ils se sont fait escroquer. Une chasse à l'homme débute. Le vigile croise par hasard le chemin de l'arnaqueur et prévient le boxeur qui ameute son frère, son cousin et quelques têtes connues dans le milieu de la drogue, dont le tireur et le conducteur de la voiture. Armée d'un fusil à pompe de calibre 12, la bande de six organise un guet-apens près du cinéma Liberty, où l'arnaqueur loue un Airbnb. Ce dernier est sorti manger avec des amis et ne se doute de rien.

La situation dégénère vers 22 heures : un premier coup de feu est tiré en direction d'un des camarades de l'arnaqueur, puis deux autres sur la voiture où se trouvent l'escroc recherché et ses amis, considérés comme victimes dans cette affaire. Toutes les voitures prennent la fuite. Heureusement, l'incident ne fait aucun blessé mais à la barre, la plupart des prévenus dévoilent "la peur" qu'ils ont ressenti, et le traumatisme qu'ils en gardent. Pire encore pour les cibles du tireur, qui lui, reste impassible... Le véhicule endommagé a été immobilisé pendant plus d'un an, laissant les propriétaires sans moyen de déplacement, alors qu'ils avaient simplement confié la voiture à leur fils pour sa séance de sport.

Jusqu'où mène l'ice

Maître Nougaro, avocate de l'un des prévenus, se demande qui est véritablement coupable. "Ces 'victimes' dont la principale, Mr Foucaud, n’est pas à la barre, n’a jamais été présente à aucun moment parce qu’en fait toutes ces personnes consommaient royalement des stupéfiants, se sont livrées à la prostitution et n’ont jamais répondu de ces infractions. On est dans une situation bien particulière" tient-elle à souligner.

De son côté, le procureur s’inquiète de l’ampleur que prend la consommation d’ice en Polynésie. Même si on est loin des cinquante morts annuels de Marseille précise-t-il, les affaires de séquestration et de violences sur fonds de trafic se dévoilent au grand jour... Et c'est inquiétant pour la Polynésie. Ce qu'admet aussi Maître Nougaro : "Qu’il y ait des coups de feu tirés à 22 heures en plein Papeete, c’est quelque chose d’absolument exceptionnel, nous en sommes bien d’accord". Un sixième prévenu est d'ailleurs absent ce mardi... Il s'agit de l'homme retrouvé mort étranglé et ligoté en septembre 2023 à Mataiea, là encore pour une histoire de drogue. L'affaire est toujours en cours.

Le procès devait durer deux jours mais le délai a été raccourci. Le délibéré est tombé peu avant 19 heures ce mardi. Le tireur est condamné à sept ans de prison ferme pour tentative d'extorsion par violence et transport illégal d'armes de catégorie B. Il encourait 20 ans. Pour les complices, les peines vont de deux à six ans fermes.