Au vu des dossiers jugés devant le tribunal correctionnel et des enquêtes actuellement en cours, il ressort que les affaires de stupéfiants, de jeux clandestins, d’abus de pouvoir et même de prostitutions n’épargnent pas les forces de l’ordre du fenua. Explications.
Les douaniers, les policiers et désormais les gendarmes… Aujourd’hui, le trafic d’ice et tout ce que cela implique comme les jeux clandestins, le trafic d'armes ou encore la prostitution, gangrènent non seulement la société mais aussi les forces de l’ordre.
C'est en 2017 que la plus grosse affaire est médiatisée, elle concerne alors des douaniers, une dizaine d'agents condamnés pour « concussion ». En clair, la justice leur reprochait d’avoir fermé les yeux lors des passages en douane d'une de leur connaissance qui importait des Etats-Unis de l'ice entre 2008 et 2011. Récemment encore, en novembre dernier, un douanier a également été mis en examen pour trafic d’ice. Il est en attente de son procès.
« On préférait laver le linge sale en famille »
Après les douaniers, c’est au sein de la police que des affaires émergent. En réalité, elles existaient déjà mais, selon nos sources, elles se réglaient en interne. « On préférait laver le linge sale en famille », confie l’une d'elles. Une manière d’éviter de décrédibiliser les agents qui représentent l’ordre et la loi, au sein de la population.
Autre affaire, celle de ce policier municipal impliqué dans un trafic d’ice entraînant le décès d’une mule en 2019. Après avoir ingéré 37 boulettes de méthamphétamine, la victime est morte un matin alors qu’elle prenait son café en famille. Le policier en question aide la famille à camoufler le décès de la mule. Finalement, grâce aux investigations, les autorités finissent par apprendre la vérité et demandent l’exhumation du corps. Le suspect est interpellé, il est aujourd’hui en attente de son procès.
Du côté de la Police nationale, peu avant 2007, des agents ont été démis de leur fonction suite à des affaires de stupéfiants. Très peu d'informations ont filtré sur ce dossier, l'affaire s'étant réglée en interne. Mais cette situation persiste au sein de la police.
Les gendarmes ne sont pas épargnés
Depuis quelques années, l’ice s’est également introduite chez les gendarmes malgré la rigueur propre aux militaires. Une enquête est actuellement en cours concernant un gradé de la gendarmerie de Huahine. L’homme est soupçonné d’avoir transmis des informations à certains suspects dans l’affaire Sarah Nui, le plus gros réseau jamais démantelé au fenua.
En mars 2020, c’est un jeune gendarme qui a été condamné à 5 ans de prison pour avoir été impliqué dans un trafic d’ice. Consommateur, le militaire négociait avec ses fournisseurs pour avoir un rabais sur ses doses en échange d’informations. Il ira jusqu’à se lancer dans la vente de drogue et user de sa fonction pour séquestrer et menacer un mauvais payeur.
« Quand je suis arrivé, on m’a dit de me méfier de lui »
Enfin, dernière affaire sortie dans la presse, celle du gendarme de Faa’a, soupçonné d'avoir transmis des informations à un suspect dans un trafic d'ice lors d'une enquête judiciaire menée en 2018. Une information révélée par nos confrères de Tahiti infos. Vendredi, le militaire a été mis en examen pour « corruption » et placé sous contrôle judiciaire. En attendant, il a été suspendu de ses fonctions et doit être jugé le 15 juin prochain.
D’après nos informations, l’officier est un accro du poker et fréquentait les tables de jeux clandestins. Des tripots où se trouvaient également des trafiquants de la place mais aussi des personnalités sportives du fenua. Ces activités sont connues pour permettre aux dealers de drogues de blanchir leur argent sale.
C’est lors de ces parties de jeux que le militaire aurait noué des liens avec certains trafiquants dont l’un des frères Fatuma. Pour rappel, les frères Fatuma sont suspectés d’avoir importé deux kilos d’ice en Polynésie en juillet 2019 en provenance de Hawaii. Le gendarme mis en cause leur transmettait des informations en rapport à sa fonction : des petits services de renseignement comme des numéros de plaques d’immatriculation de personnes et parfois même de collègues. L'homme transmettait également des informations sur des affaires les concernant. L’enquête en cours devra déterminer si les informations ont été monnayées ou pas.
« Quand je suis arrivé, on m’a dit de me méfier de lui car il fréquentait un environnement lié à la drogue », explique un gendarme avant de poursuivre : « Dans les brigades, ce genre de profil de « ripoux » est identifié. On nous prévient car cela nous permet de préserver l’intégrité du dossier et d’éviter de faire fuiter des mauvaises informations aux mauvaises personnes ».
Un problème pris à bras le corps
Plusieurs enquêtes internes ont d’ailleurs été lancées ces derniers mois. Face à l’ampleur du phénomène, les choses sont prises à bras le corps pour freiner la propagation de ce mal au sein des troupes.
Contacté, le commandant de la Gendarmerie en Polynésie Française ne souhaite pas communiquer sur ces affaires, des affaires « sensibles » selon lui. En attendant, un point commun réunit tous ces dossiers impliquant des agents des forces de l’ordre, leur profil. Ils sont Polynésiens, âgés d’une trentaine d’années, et tous avaient des liens avec les trafiquants. C’est en effet l’une des particularités des îles, le territoire favorise la proximité, difficile au fenua de ne pas avoir un lien proche ou éloigné avec les malfaiteurs, que ce lien soit familial ou amical.