Sollicités par la Ministre des outre-mers à la fin mars, les douze membres du Conseil scientifique qui conseillent le gouvernement lui ont transmis le 8 avril leurs préconisations quant aux mesures à mettre en place afin d'améliorer la lutte contre le coronavirus en outre-mer. Un rapport qui a donné lieu ce vendredi à une communication d'Annick Girardin. Voici les principaux éléments à retenir pour Saint-Pierre-et-Miquelon.
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Une approche différenciée
Premier enseignement : le conseil scientifique prend en compte la diversité des situations des territoires ultramarins. Différences géographiques et en équipement sanitaire mais surtout inégalité dans l’avancement de l’épidémie. Ses préconisations pour Mayotte, la Réunion ou encore les Antilles par exemple, territoires qui comptabilisent désormais plusieurs centaines de malades, sont logiquement très éloignées de celles formulées pour Saint-Pierre-et-Miquelon et son seul cas avéré. Une stratégie différenciée revendiquée par la ministre des outre-mers.
" Les mesures prises doivent être adaptées à chaque territoire. C'est le message que je passe régulièrement aux élus et aux préfets. " - Annick Girardin, ministre des outre-mers
Compléter le confinement
Le constat général : le virus est arrivé dans les outre-mers avec près d'un mois de retard sur la métropole, ce qui rend plus efficiente la mise en place de mesures complémentaires au confinement. Et notamment celles déjà appliquées à Saint-Pierre et Miquelon, comme la quatorzaine préventive imposée aux nouveaux arrivants, leur testing en fin de période, et le placement en isolement des cas de Covid-19 confirmés. Lors de son allocution, Annick Girardin a d'ailleurs annoncé que ce dispositif, jugé efficace pour l'archipel, sera généralisé partout en outre-mer. Avec une nouveauté partout : les cas avérés de Covid-19 symptomatiques devront s'isoler "dans un endroit dédié, à l'écart de leur contexte familial et professionnel".
Davantage de lits et de matériel
Considérant que l’épidémie dans les territoires d’outre-mer " va s’aggraver dans les semaines qui viennent ", le Conseil valide la stratégie de confinement généralisé et préconise d'accroître les capacités d'accueil dans les structures médicalisées.
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Il pointe en particulier la nécessité d'augmenter le nombre de lits hospitaliers de réanimation et de respirateurs. Le but est de pouvoir faire face à un pic éventuel de malades présentant une forme de Covid-19 sévère, que favoriserait la présence importante dans les outre-mers de comorbidités comme l'hypertension, le diabète et le surpoids. Du matériel est en cours d'acheminement, confirme Annick Girardin.
" Nous allons aller vers un doublement de la capacité des lits en réanimation dans les territoires d'Outre-mer. Au niveau national, on compte un lit de réanimation pour 5400 habitants. Nous serons outre-mer dans le même ratio. " - Annick Girardin
Les préconisations pour Saint-Pierre et Miquelon
Pour Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis et Futuna, deux territoires qu’ils considérent comme indemnes de covid 19 hormis le cas de la voyageuse détecté sur l'archipel à la fin de sa quatorzaine, les scientifiques préconisent un dispositif spécifique :
- Un test de dépistage nasal systématique dès l’aéroport pour les voyageurs qui présenteraient des symptômes
- Le maintien de la quatorzaine stricte, sans sortie, pour tous les arrivants, quatorzaine à effectuer à l’hôtel, ou alors à domicile mais en l’absence de proches.
- Et toujours un test en fin de quatorzaine
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Le Conseil demande également " le suivi actif et exhaustif de toutes les personnes qui ont pu être en contact avec des cas avérés de coronavirus ". Ces personnes doivent être testées en cas de symptômes, placées elles-aussi en quatorzaine et subir un test systématique avant leur sortie d'isolement.
Une stratégie « test, test, test » dès maintenant
Les scientifiques appellent à multiplier les tests, qui vont être " au coeur des stratégies de contrôle de l’épidémie mises en oeuvre en outre-mer ". La ministre confirme que Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis et Futuna, comme tous les territoires ultramarins, vont être dotés eux-aussi d'un équipement automatisé permettant de réaliser les diagnostics afin d'éviter les acheminements vers le laboratoire canadien d'Halifax, qui prennent jusqu'à 72 heures.
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Diagnostics réalisés sur place
Les analyses doivent être réalisées selon les cas soit dans les laboratoires hospitaliers qu'il faut " renforcer " selon l'avis rendu par les scientifiques. Soit par des " petites équipes composées de quatre à cinq personnes venant de métropole pour une formation et une accélération de la mise en phase opérationnelle ". Les stocks en réactifs et matériels de prélèvement doivent faire l'objet de " nouvelles commandes, spécifiques et personnalisées ".
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Mieux équiper les équipes soignantes
Pour ce qui concerne les soignants, les scientifiques préconisent de " renforcer très fortement les équipes " dédiées à la surveillance épidémiologique. Ils pointent l'attention à apporter à la disponibilité des masques, des équipements de protection individuelle et des solutions hydro-alcooliques. Autant d'éléments qui se doivent d'être disponibles sur nos territoires pour éviter les ruptures de stocks en cas de pic épidémique.
Traitements antiviraux
" Selon un principe de justice sociale ", le Conseil juge nécessaire de permettre aux malades ultramarins d’accéder aux traitements antiviraux qui montreraient éventuellement leur efficacité contre la Covid-19, de manière médicalement contrôlée.
Déconfinement précoce ?
Sur la question cruciale du déconfinement, le conseil scientifique considère dans ses généralités que le maintien strict du confinement dans les territoires d’outre-mer est indispensable " jusqu’au décours du passage du pic épidémique ".
Mais les scientifiques écrivent également que pour les deux archipels de Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis et Futuna, un déconfinement progressif " peut se discuter ".
" Un déconfinement prudent, et progressif, tant qu’aucun cas n’est déclaré hors quatorzaine, peut se discuter. L’idée serait alors d'isoler sanitairement les territoires plutôt que leurs habitants. " - Extrait de l'avis du conseil scientifique
Toujours selon le conseil, le suivi de l’épidémie de Covid-19 au Canada devra être regardé avant de prendre la décision d’un éventuel déconfinement de Saint-Pierre-et-Miquelon. Il faut noter que ce point précis d'un déconfinement précoce de l'archipel n’a pas été abordé ce vendredi dans la communication de la ministre des outre-mers.