Septième semaine de crise en Nouvelle-Calédonie. Le placement en détention provisoire des militants de la CCAT, la cellule de coordination des actions de terrain, et leur transfert en Métropole, ont ravivé les tensions sur le Caillou.
Une détention provisoire exceptionnelle
Sept membres de la CCAT, mouvement issu de l'Union Calédonienne, ont atterri ce lundi 25 juin dans l'Hexagone, pour être placés en détention provisoire dans le cadre d'une instruction en cours sur l'archipel. Les représentants indépendantistes, dont leur leader Christian Tein, avaient été déférés devant un juge des libertés et de la détention à Nouméa samedi 22 juin. Ils sont suspectés d'avoir orchestré les violences et les barrages des dernières semaines.
À l'issue d'une audience à huis clos, sept des onze personnes interpellées ont appris qu'elles étaient placées en détention provisoire, dans l'Hexagone. Leur transfert s'est opéré tout de suite dans la nuit de samedi à dimanche. "La question du lieu n’a été évoquée qu’à la fin de l’audience et les personnes ont été conduites directement à l’aéroport." rappelle Odile Macchi, responsable du pôle Enquêtes de l'Observatoire international des Prisons, l'OIP. "Ça n’arrive jamais ce genre de choses, c’est ça qui est très fort, ce n’est pas arrivé depuis la guerre civile en Nouvelle-Calédonie. Donc ça réveille évidemment des souvenirs douloureux", explique de son côté la présidente de la Ligue des droits de l'Homme, Nathalie Tehio.
Les conséquences
Dans la nuit de mardi à mercredi, c'est à Païta dans la Province Sud, sur la côte ouest de la Grande Terre, que des heurts se sont longuement succédé entre militants et gendarmes, dans le centre du village. Les locaux de la police municipale ont subi de nouvelles dégradations, de même que des commerces. En fin de matinée, forces de l’ordre, pompiers et entreprises privées déblayaient la chaussée. Une triste répétition : la nuit précédente, le lundi 25 juin, à Gadji, l'école Jean-Baptiste-Gustin était incendiée, entre autres dommages recensés dans la quatrième ville du pays.
Au vu du contexte, la mairie de Païta a décidé de garder fermées toutes les écoles primaires et maternelles de la commune jusqu’à nouvel ordre.
Incendies à répétition
Le lendemain, ce mercredi 26 juin, un incendie d'habitation s'est déclaré dans le Nord de Païta, au sein d'un lotissement de La Tamoa. Il s'agirait de la maison de Victor Tutugoro, président de l'Union progressiste en Mélanésie et troisième vice-président de la province Nord, qui a brûlé alors qu'elle était vide d'occupant.
Des problèmes ont également été recensés au Mont-Dore. À Plum, la mairie annexe a été dégradée, avec des portes cassées et des vitres brisées. Plusieurs personnes auraient tenté d’y mettre le feu, mais les forces de l’ordre sont rapidement intervenues. L’annexe est fermée ce mercredi 26 juin.
À Dumbéa, des détonations et des affrontements ont éclaté dans un secteur où cela est récurrent, à savoir du côté du lotissement les Palmiers, à Koutio. Et à Koné, une confrontation s'est produite durant la nuit de mardi à mercredi, entre militants et forces de l’ordre, au niveau de l’hôtel de province.
Véhicules de secours attaqués et hôpital pris en otage
La situation chaotique que vit la Calédonie depuis un mois et demi entraîne des morts. Non seulement les victimes directes des affrontements, au nombre de neuf selon le bilan officiel. Non seulement des conducteurs qui ont perdu la vie dans des accidents alors que les routes étaient encombrées. Mais aussi des personnes qui n'ont pas réussi à recevoir les soins nécessaires, notamment parce que les axes routiers étaient entravés.
Le Dr Thierry de Greslan tire la sonnette d'alarme et dénonce une montée de la violence à l'égard des secours. Dans la matinale de Nouvelle-Calédonie la 1ère ce mercredi, il a déclaré "Hier, nous avions un patient dialysé qui n’a pas pu être dialysé lundi et qui est décédé. Depuis le début de la crise, nos patients ont beaucoup de mal à venir au CHT", résume le Dr de Greslan. "Cette situation intolérable, qui correspond à une espèce de prise d’otage de l’hôpital très régulière, a des conséquences dramatiques sur [leur] prise en charge, avec une perte de chances qui est tout à fait réelle." Face à cette réalité, a-t-il déclaré, "le sentiment des soignants est une incompréhension importante, une colère, une frustration de ne pas pouvoir travailler et de ne pas pouvoir porter secours nous aussi à la population, toute la population."
Une montée de la violence qui "n'est pas normale", ajoute Frédéric Marchi-Leccia, directeur de la sécurité civile, invité du journal télévisé de NC la 1ère, ce mardi 25 juin. Il poursuit en exprimant sa crainte et sa tristesse, suite à la récente attaque par balle d'un camion de pompiers : "Notre mission se résume en deux mots : porter secours ! On ne parle pas de politique, de religion, de niveau social. On ne peut pas être pris à partie quand on sert cette mission. Je parle pour les soignants, les ambulanciers, quelle que soit la nature des gens qui portent secours. Ce n'est pas normal qu'on soit victime d'insultes, de caillassages et plus récemment de tirs. Cette montée de la violence à l'égard des secours n'est pas normale !"
À Dumbéa et Païta "il n'y a plus rien à brûler, plus rien à casser"
La ville de Dumbéa a vécu au rythme des exactions, en ce début de semaine. Un climat très anxiogène, après de nombreuses dégradations et incendies. "Il est important de dire qu'il n'y a plus rien à brûler, à casser, mais qu'on doit retrouver un semblant de vie normale entre tous les habitants", lance avec conviction Yoann Lecourieux, le maire de Dumbéa. "[Lundi], ça devait être aussi la rentrée scolaire. Mais on a encore eu droit à des actes de violences, de casse et d'incendie sur la commune. J'invite l'ensemble des responsables, politiques, coutumiers et autres à appeler ces jeunes et ces moins jeunes à revenir à la raison."
Ce mardi, les routes continuaient d’être nettoyées et dégagées par les forces de l’ordre. Une priorité pour le maire de la commune, qui espère une rentrée scolaire dans la semaine : "Ma priorité, à l'heure d'aujourd'hui c'est de rétablir la circulation sur l'ensemble des voies de la commune, de pouvoir remettre les jeunes à l'école, au collège, dès que possible, dans de meilleures conditions pour que les parents puissent travailler, pour ceux qui ont un travail", explique le maire de Dumbéa. "J'espère pouvoir faire cette rentrée car l'ensemble du corps enseignant est très volontaire (...) Nous faisons le nécessaire pour nettoyer un peu plus encore et avoir accès à l'ensemble des équipements", ajoute-t-il.
Ce mardi matin, l'hôtel de ville a tout de même réouvert ses portes et la mairie de Dumbéa Nord également.