Après les révélations de Libération sur le groupe Hayot, 4 lanceurs d'alerte portent plainte pour "entente" et "abus de position dominante"

Siège du groupe Bernard Hayot au Lamentin en Martinique
Après les articles de Libération sur le groupe Bernard Hayot et ses pratiques "douteuses" en Outre-mer, 4 lanceurs d'alerte martiniquais portent plainte pour "entente" et "abus de position dominante". Ils invitent également les citoyens à rejoindre cette plainte collective.

Après les nombreuses réactions suscitées par les articles du quotidien national Libération sur les "profits suspects" et les pratiques "douteuses" du groupe Bernard Hayot en Outre-mer, voilà que la justice pourrait également s'intéresser à ce dossier. Quatre lanceurs d'alerte martiniquais ont porté plainte contre X pour "entente" et "position dominante".

Cette plainte citoyenne s’inscrit dans une volonté de changement radical du modèle économique des territoires ultramarins. Elle réclame que des sanctions soient prises et que des solutions justes et pérennes soient trouvées pour garantir l’égalité économique au sein de la République.

Lanceurs d'alerte à l'origine de la plainte

Ce dépôt de plainte - confirmé par la procureure de Fort-de-France à Libération - est une première dans nos territoires. Elle est actuellement à l'étude. Dans ce document, les plaignants arguent du fait que les règles de la concurrence seraient bafouées depuis trop longtemps. Le document évoque notamment l’existence supposée d’"ententes secrètes" entre les principaux acteurs économiques, et parle d'"abus de position dominante, et système oligopolistique".

Aujourd’hui, ils veulent aller plus loin, en incitant les populations ultramarines à se mobiliser pour véritablement peser. Ils invitent d'ailleurs les citoyens "en Martinique, en Guadeloupe, ainsi que dans tous les autres territoires ultramarins ou en France hexagonale" à rejoindre cette action collective

L’avocat des lanceurs d’alerte, Renaud Portejoie l'explique :

Ce sont les mêmes lanceurs d'alerte qui ont assigné GBH devant le tribunal de commerce pour non-publication de ses comptes, une obligation légale. Discrètement, en fin d’année dernière, l’entreprise a publié ses comptes sociaux. En réalité, elle a publié les comptes sociaux de ses entreprises, mais pas ses comptes consolidés, ceux qui permettent de voir l’ampleur réelle du groupe.

Le groupe GBH, par voie de communiqué s'est défendu, affirmant que "les récents articles publiés par Libération ont clairement pour objectif de déstabiliser" le groupe. GBH s'estime victime de "détracteurs habituels" et d'un ancien salarié ayant un "esprit de vengeance".

Le groupe Bernard Hayot occupe une place prépondérante dans divers secteurs dans les Outre-mer,  de la grande distribution, à l'automobile, en passant par l'industrie et l'agriculture. Il détient, par exemple, près de 50% des parts de marché dans la vente de voitures.

Le témoin anonyme interrogé par Emmanuel Fansten, journaliste de Libération, travaille au sein de la branche automobile du groupe. Il a indiqué que GBH réalisait 18 à 28% de marges nettes dans ce secteur dans nos régions, soit 4 fois celles réalisées dans l’Hexagone sur les mêmes voitures vendues.

Il a également mis en doute les arguments avancés par la direction du groupe, à savoir des frais d'approche qui expliqueraient ces données. Selon Emmanuel Fansten, ces coûts d’approche ne représenteraient que 15 à 20% du prix de vente final, soit l’équivalent de la TVA dans l’Hexagone. Il y aurait des frais appliqués qui profiteraient en réalité à nombre d’entreprises intermédiaires, qui appartiennent elles-mêmes à la constellation d’entreprises de GBH.

Une structuration qui permettrait d’accumuler des marges, de ventiler les bénéfices et d’alléger les comptes d’exploitation des entreprises les plus rentables, selon l'enquête.

Renaud Portejoie, insiste, cette plainte vise tous les acteurs de la grande distribution ayant recours à ces pratiques.

Suite à l'article de Libération, le préfet de Martinique, Jean-Christophe Bouvier, a affirmé la volonté des services de l’Etat d’être "intransigeants" en cas de constat d’infractions à la législation sur les prix.