Nouvelle-Calédonie : "Il va vraiment y avoir des dégâts collatéraux" alerte un Guadeloupéen œuvrant dans le secteur de la santé

Démantèlement d'un barrage routier par les forces de l'ordre, sur la route menant à l'aéroport (Nouvelle Calédonie) - 20/05/2024.
Plus de médicaments disponibles, l’approvisionnement en carburant perturbé, des denrées de première nécessité de plus en plus difficiles à trouver... la crise qui sévit actuellement en Nouvelle-Calédonie impacte de plus en plus la population locale, à commencer par les patients en mal de soins et de prise en charge ; ce, particulièrement à Nouméa et sa périphérie. Un Guadeloupéen directeur d’EHPAD tire la sonnette d’alarme.

"Il reste encore du chemin avant le retour à la normale" en Nouvelle-Calédonie, a estimé le premier ministre Gabriel Attal, ce lundi 20 mai 2024, à l’issue d’une nouvelle réunion de la cellule interministérielle de crise. Un troisième conseil de défense est par ailleurs prévu dans la soirée, à l’Elysée.

Sur le Caillou, depuis maintenant une semaine et l’examen et le vote à l’Assemblée nationale du texte de loi prévoyant le dégel du corps électoral en Nouvelle Calédonie, l’île est en proie à de violentes émeutes. La jeunesse en colère est dans la rue et les différents partis politiques, même s’ils appellent au calme, sont dépassés par la situation.
Hier et aujourd’hui, 76 barrages ont été détruits sur la route entre Nouméa et l’aéroport, qui restera fermé au moins jusqu'au 23 mai malgré tout.

Les émeutes ne sont pas terminées. La maire de Nouméa, Sonia Lagarde, craint que le président de la République "soit obligé de prolonger" l’état d’urgence.
Déjà six personnes ont perdu la vie dans ce conflit et le gouvernement est toujours dans l’impasse, alors que les Indépendantistes demandent le retrait du texte et le respect des accords de Matignon (1988) et de Nouméa (1998).
Durant le week-end, plusieurs voix de personnalités politiques ultramarines se sont aussi élevées pour demander au gouvernement de ne pas poursuivre la réforme constitutionnelle.

Le point sur les déclarations, échanges et évènements des dernières heures, sur place, en > cliquant ici.

La situation est donc critique, particulièrement dans le Sud de l’île.
Qu'en est-il du reste du pays, plus éloigné de la capitale Nouméa de la Nouvelle-Calédonie ?
Nous avons recueilli le témoignage d’Olivier Joséphine, un Guadeloupéen installé dans le Nord de l’île depuis 25 ans. Il est directeur d’un Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et gérant d’un magasin d’alimentation. Il nous en dit plus sur son quotidien.

Un pays qui peinera à se relever

Olivier Joséphine reste en alerte depuis plus d’une semaine. Il a encore, à ce jour, accès à la radio et à la télévision mais, côté réseaux sociaux, Tik Tok a été bloqué par le gouvernement au moment de l’instauration de l’état d’urgence.

Le gouvernement a bloqué Tik Tok parce que, vraiment, il y avait du tout et du n’importe quoi qui se disait. Je pense qu’effectivement les réseaux sociaux font beaucoup, beaucoup de mal, malheureusement et peuvent attiser la haine et nous mettre dans une position encore plus délicate.

Olivier Joséphine, Guadeloupéen installé en Nouvelle Calédonie

Le gérant d’entreprise regarde avec désarroi les événements actuels. Les dégâts humains et matériels sont importants et il faudra du temps au pays pour se relever.

On espère fortement que les politiques arrivent à trouver un consensus parce que, vraiment, la Calédonie, pour moi, a un genou, voire deux genoux à terre et se relever, ça va être très très très compliqué, vu l’état de Nouméa et de sa périphérie. C’est vraiment dramatique.

Olivier Joséphine, Guadeloupéen installé en Nouvelle Calédonie

Des problèmes d'approvisionnement dangereux

Dans le Nord, il n’y a pas encore de réels problèmes d’approvisionnement mais, au niveau médical, les effets de la crise se font déjà ressentir.
Le manque de médicaments et la destruction du centre de dialyse de Nouméa rendent la situation sanitaire difficile, en Nouvelle-Calédonie.

Sur le Nord, ça va ; je peux encore tenir une semaine, peut-être deux. Mais il va vraiment falloir débloquer cette situation. Ce qui est dommageable, c’est qu’ils se sont attaqués aux pharmacies, à la centrale de pharmacies aussi, donc il n’y a plus de distribution de médicaments. Il n’y a plus non plus de distribution d’essence. Même les ambulanciers ne peuvent plus se déplacer, parce qu’ils n’ont plus d’essence. Les urgences, c’est compliqué. Enfin, vous voyez ce que ça peut donner en cas d’urgence.

Olivier Joséphine, Guadeloupéen installé en Nouvelle Calédonie

Dans son secteur d’activité, l’accompagnement des aînés, la situation s’aggrave aussi de façon alarmante.

Je suis en contact avec mes collègues directeurs d’EHPAD de la province Sud, qui crient à l’aide, parce qu’on arrive à terme des denrées alimentaires, à terme des couches, de tout ce qui permet d’avoir une activité saine et pérenne sur les EHPAD et dans l’intérêt des résidents. Et, là, vraiment des alertes sont lancées de la part de mes collègues.

Olivier Joséphine, Guadeloupéen installé en Nouvelle Calédonie

Olivier Joséphine espère l’apaisement, pour que la vie reprenne, même si des rumeurs de possibles durcissements du mouvement courent à travers l’île, depuis ce lundi.

Le temps viendra, selon lui, d’évaluer les dégâts collatéraux. Une famille du Grand Nouméa a témoigné après le décès d’un homme de 40 ans, le 15 mai dernier ; ce patient diabétique n’a pas pu être dialysé à temps.

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