Retour sur une épidémie annnoncée
La Guyane jusqu’au déconfinement, est plus ou moins épargnée par l'épidémie de Covid-19 : de 3 à 4 cas par jour. Le 11 mai, date officielle du déconfinement, 146 cas de Covid-19 sont recensés. Plus d’un mois après, le chiffre est presque multiplié par dix. Les autorités évoquent « des rassemblements, des fêtes, des sorties en carbet » ayant accéléré la propagation du coronavirus.Saint-Georges de l’Oyapock, ville frontière avec le Brésil, reste confinée. Le préfet Marc Del Grande justifie cette décision en indiquant que "le virus circule encore le long de nos frontières, dont le contrôle a été et sera significativement renforcé, notamment à Saint-Georges de l'Oyapock". De l'autre côté du fleuve, dans l'Etat brésilien d'Amapa, le bilan est dramatique.
Puis un cluster apparait également à Camopi plus bas, au sud. Des militaires en mission contre l'orpaillage illégal sont contaminés ainsi que des piroguiers.
Le préfet Marc Del Grande indique :
« Toutes les mesures qui sont applicables dans les zones orange, telles qu’elles ont été annoncées par le Premier ministre s’appliquent et chez nous, nous maintenons les interdictions de circulation. Les frontières restent fermées, les communes de l’est, Saint-Georges et Camopi restent confinées, les points de contrôles routiers restent renforcés et médicalisés ».
Une épidémie en vitesse accélérée
Enfin, le virus se propage et atteint l'Île de Cayenne, Kourou puis toutes les communes de Guyane. Un important cluster apparaît notamment à Rémire-Montjoly à la Résidence Arc-en-Ciel. A lire ici ►Un arrêté préfectoral instaurant une "Zone de confinement stop covid" est pris pour conjuguer les actions de l’État et de la municipalité.Pour les autorités, il faut passer à une autre phase.
Jean Ganty, le premier magistrat de la commune souhaite une mise en quarantaine du quartier :
« Je pense qu’il serait judicieux que le préfet prenne un arrêté de confinement. Il est important que nous puissions mettre en place de nouvelles actions pour freiner ce foyer. Il faut que les gens respectent les gestes-barrières et suivent les consignes. »
De nouvelles mesures de restrictions
En un mois, l’épidémie a pris un virage radical avec de 90 à plus de 100 cas confirmés par jour. Ce week-end, en deux jours, 212 cas sont enregistrés, dont huit personnes placées en réanimation, 52 hospitalisations et un troisième décès, samedi 13 juin, une femme de 81 ans arrivée au Centre hospitalier de Kourou en détresse respiratoire, testée sur place positive au Covid-19.Une situation dont l’issue est incertaine, et qui a poussé le préfet a prendre de nouvelles mesures de circulation pour la Guyane.
2e tour ou non ?
Aujourd’hui plusieurs questions se posent. Le deuxième tour de l’élection municipale va-t-il avoir lieu ? 15 communes sont concernées. Intervenant mercredi au Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif au second tour des municipales, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a indiqué que les avis étaient « partagés ».De nombreuses voix s’élèvent pourtant contre. Gabriel Serville le député la 1ere circonscription de la Guyane se prononce en faveur d'un report de cette élection.« Il parait irréalisable de maintenir le second tour du scrutin municipal du 28 juin alors que le virus circule activement ».
Même constat pour le président de la Collectivité territoriale. Rodolphe Alexandre a défendu sa demande de report du second tour des élections municipales. Il estime « incohérent, voire déraisonnable, d’appeler les personnes concernées à se déplacer en masse pour aller voter, alors que nous n’avons de cesse dans le même temps de multiplier les appels à la population à limiter ses déplacements ».
Une décision soutenue à l’unanimité par l’ensemble des membres du comité scientifique de la CTG composé de médecins, chercheurs et épidémiologistes.
Le secteur hospitalier est-il prêt ?
Des questions se posent plus généralement sur la stratégie sanitaire adoptée pour la Guyane. Les trois centres hospitaliers de Guyane (Cayenne, Kourou et Saint-Laurent) pourront-ils faire face à l’afflux de patients qui s’annonce. En mars dernier, 38 lits de réanimation en Guyane étaient annoncés à Cayenne et au Centre hospitalier de l’Ouest. A lire ici► En cas de multiplication des cas de coronavirus chez nous, la gestion des patients pourrait devenir très difficile.Le directeur du Centre hospitalier de Cayenne Christophe Robert précise :
Plus grave, les soignants se plaignent du manque de blouses, de masques, d’équipements, d'organisation, de tests. Reste aussi à savoir si les compétences nécessaires au suivi des patients en réanimation seront disponibles, médecins anesthésistes et infirmiers et infirmières spécialisés. Les 66 soignants réservistes arrivés jeudi dernier en Guyane, sont ils en nombre suffisant ? En tout cas, l'Agence régionale de santé s'organise.« Si nous devions voir arriver les premières formes sévères du virus avec une mise en tension de l'établissement, nous déciderions de réserver le service de réanimation, dans son entier, à l'accueil des patients Covid-19. Cela veut dire que nous ouvrons à ce moment-là 15 lits de réanimation ».
Des questions pour l’heure sans réponse. La trajectoire de l'épidémie de Covid-19 est difficile à prévoir. Seule certitude : la fiabilité des gestes barrières et de la distanciation sociale.