"La Calédonie doit être fière de son industrie du nickel", estime le directeur de la SLN Jérôme Fabre

Jérôme Fabre, invité du JT de NC la 1ère, le vendredi 3 mai 2024.
Il aura passé un an à la tête de la SLN. Jérôme Fabre était l’invité du JT de ce vendredi soir. Avant la prise de fonctions de Guillaume Kurek son successeur, au 1er juin, retour sur son deuxième mandat à la tête de la Société le nickel.

Dans un mois, il quittera son poste de directeur général de la SLN. Jérôme Fabre sera resté un an à la tête de l'entreprise calédonienne, filiale du groupe Eramet.
Une période pendant laquelle se sont accumulées les difficultés, entre la fermeture du site de Poum, la concurrence accrue de l'Indonésie ou encore la situation financière critique de l'entreprise. Entretien avec Thèrese Waïa.


NC la 1ère : Vous êtes resté un an pour ce séjour, quatre ans pour le premier. Vendredi dernier, on a entendu Sylain Néa, patron de la CSTNC, demander le départ de l’actuelle équipe dirigeante, estimant que ce qui arrive à la SLN est de sa responsabilité. Est-ce que l’organisation syndicale a obtenu votre tête ?

Jérôme Fabre : Je ne crois pas que Sylvain Néa ait été nommé PDG du groupe Eramet. Soyons sérieux. Cela a été prévu depuis longtemps et je suis très heureux de passer le relais à Guillaume Kurek, qui est mon adjoint. Je le connais très bien et il sera capable de relever les défis de la SLN.

A Poum, on est dans une logique de reprendre l’exploitation. On a un dossier en cours. Il va y avoir une enquête publique dans les semaines qui viennent. Et on est donc prudemment optimistes.

Jérôme Fabre, directeur de la SLN


Quels sont justement les défis auxquels vous avez été confrontés pendant cette année de mandat ?

Au-delà de la crise mondiale du nickel, le point que je relèverais, c’est vraiment l’affaire de Poum, la fermeture de ce centre minier qui nous a été imposée. Quatre cents familles ont perdu leur emploi… C’est beaucoup d’émotion. J’ai rencontré les gens de Poum. Cela a été un moment très difficile. On est dans une logique de reprendre l’exploitation. On a un dossier en cours. Il va y avoir une enquête publique dans les semaines qui viennent. Et on est donc prudemment optimistes.

Le bras de fer avec le président de la province Nord sur les garanties financières, est-ce la difficulté de trop ?

Ce n’est pas un bras de fer. On avait une irrégularité. Un peu comme pour le permis de conduire, il y a un permis d’exploiter. Les garanties financières, c’est l’assurance automobile. On a toujours été assuré. On a toujours eu des garanties financières mais elles étaient trop courtes. On s’est mis en règle et on a donc pu reprendre l’exploitation en début de semaine.


Où en est-on aujourd’hui de la reprise d’activité de la SLN sur ses sites miniers ?

Les sites ont repris. Nos sous-traitants de Contrakmine ont repris le travail. Il y a encore deux points spécifiques, à Kouaoua et à Thio, qui je l’espère se régleront dans les jours qui viennent.


Cette année 2024 a été marquée par des déclarations fortes de la part de Christel Bories, la PDG d’Eramet, qui a insisté sur la vocation minière du pays et la nécessité pour les fonderies qui perdent de l’argent de fermer. Eramet a d’ailleurs réitéré sa décision de ne pas investir de nouveau dans la SLN. Face à tout cela, comment la SLN voit-elle son avenir ?

Je pense qu’il faut redire qu’on est face à une crise mondiale. Elle s’impose à tous les acteurs. Les usines ferment dans tous les pays. Il faut qu’on résiste en prenant des décisions avisées. La solution pour nous, c’est vraiment le pacte nickel, l’énergie pas chère, l’accès à la ressource, la stabilité… C’est ça, la bonne voie. Et Christel Bories a lancé une alerte. Nous, à la SLN, on a besoin d’Eramet. Ils nous aident, nous soutiennent, sur les garanties financières, avec des mesures de BFR [besoin en fonds de roulement, NDLR], avec les bateaux de fioul… Ils ont accepté de transformer leur dette en quasi-fonds propres. Ils sont à nos côtés, on a besoin d’eux et ça se passe très bien.

La solution, c’est : de l’énergie pas chère, abondante et, dans le monde du 21ème siècle, décarbonée, une stabilité juridique fiscale avec des règles du jeu claires et c’est l’accès à la ressource.

Jérôme Fabre, directeur de la SLN



Quelle est la solution pérenne sur laquelle va devoir travailler votre successeur ?

Elle passe par le pacte nickel. Face à ce raz-de-marée du nickel à bas coût des Indonésiens, il faut qu’on réagisse. La solution, c’est : de l’énergie pas chère, abondante et, dans le monde du 21ème siècle, décarbonée, une stabilité juridique fiscale avec des règles du jeu claires et c’est l’accès à la ressource. Si on veut sauver les usines, il faut qu’on puisse mettre du minerai dans nos fours. Le fait de fermer les mines, comme il y a eu ces dix-sept derniers jours, il faut arrêter cela. Et c’est ce qui est prévu dans le pacte nickel.

Le sujet, ce n’est pas de chercher les coupables en Calédonie ou chez Eramet. C’est vraiment de prendre les bonnes décisions pour sauver nos usines.

Jérôme Fabre, directeur de la SLN


Une commission spéciale a justement été créée au Congrès pour étudier ce pacte nickel. Quand serez-vous entendu ?

Lundi. On voit cela d’un bon œil. Les responsables politiques vont détailler le pacte, prendre connaissance des difficultés, écouter les maires, les gens de terrain, les industriels. C’est très important pour nous qu’ils comprennent bien notre situation. Le sujet, ce n’est pas de chercher les coupables en Calédonie ou chez Eramet. C’est vraiment de prendre les bonnes décisions pour sauver nos usines.


Si vous aviez un mot à faire passer avant de partir, lequel serait-il ?

Ce que je souhaiterais vraiment, c’est que la Calédonie, qui était l’an dernier le troisième pays producteur de nickel, soit fière de cette industrie et soit fière de contribuer au défi mondial de la transition écologique car c’est vraiment le défi de l’humanité et de ce 21ème siècle.