Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé ce dimanche 11 février lors de sa visite à Mayotte, la suppression du droit du sol dans le département via "une révision constitutionnelle" à l'initiative d'Emmanuel Macron. Une rencontre entre le ministre, la ministre déléguée aux Outre-mer, le ministre de la Justice et le président est organisée ce lundi après-midi à l'Élysée sur le sujet. Un processus complexe prévu par l'article 89 de la Constitution. Dans un premier temps, le texte doit être adopté à la majorité en termes identiques par l'Assemblée nationale et le Sénat. Contrairement à l'examen d'une loi, l'Assemblée nationale ne pourra pas avoir le dernier mot en cas de désaccord.
Deux options se présentent alors au chef de l'État : l'organisation d'un référendum ou d'un congrès, c’est-à-dire une séance publique à Versailles réunissant les deux chambres. Le texte doit alors être approuvé par les trois cinquièmes des parlementaires. Une option largement favorisée, le référendum n'a été utilisé qu'une seule fois lors des 24 révisions de la Constitution depuis 1958 dans le cadre de cette procédure.
La droite et l'extrême droite favorable
Pour trouver une majorité, le président pourra compter sur le Rassemblée national et les Républicains, majoritaires au Sénat. Si la gauche a déjà fait savoir son intention de voter contre ce projet, de nombreux élus de la droite et de l'extrême droite ont salué cette annonce et revendiqué la paternité de cette mesure.
Si Emmanuel Macron souhaite passer par une révision de la Constitution, c'est pour éviter le risque de censure par le Conseil constitutionnel si les sages jugent que cela nuit au principe d'égalité devant la loi et d'indivisibilité de la République. Ils avaient déjà censuré le durcissement du droit du sol à Mayotte dans le cadre de la loi immigration le 25 janvier. Jugeant la forme, le conseil avait estimé qu'il s'agissait d'un "cavalier législatif", que cette disposition "ne présente de lien, même indirect, avec aucune des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé."
Un calendrier encore flou
Le texte demandait que les deux parents aient résidé de manière régulière sur le territoire depuis au moins un an pour qu'un enfant né dans le département puisse devenir Français. Actuellement, il faut qu'un parent ait résidé sur le territoire depuis au moins trois mois pour que son enfant obtienne la nationalité à sa naissance. Cette durée minimale est une spécificité à Mayotte depuis la loi asile et immigration en 2018. Une mesure jugée conforme à la Consitution, l'article 73 stipulant que les lois en Outre-mer "peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités."
Reste à savoir le calendrier de cette procédure. "Ça va prendre plusieurs mois, au moins deux à trois mois de manière certaine", estime Christophe Boutin, professeur de droit public à l'université de Caen. "Il faut que nous allions très vite", estime de son côté le ministre de la Justice, Eric Dupont-Moretti. Pour raccourcir ce délai, le député mahorais Mansour Kamardine appelle à inscrire cette mesure dans une autre révision constitutionnelle, notamment le projet de loi constitutionnel sur la Nouvelle-Calédonie qui sera examiné à partir du 25 mars au Sénat.