“Il ne peut y avoir de relèvement économique sans accord politique, mais il ne peut y avoir d’accord politique durable sans relèvement de l’économie”, a martelé Manuel Valls, le ministre des Outre-mer, aux acteurs économiques, lundi 24 février. Il les avait réunis au Haussariat pour préciser les annonces promises dès son arrivée en Nouvelle-Calédonie.
Représentants du patronat, des syndicats de salariés, des chambres consulaires et chefs d’entreprise sont ressortis plutôt satisfaits mais prudents.
Le chômage partiel prolongé mais...
Manuel Valls l’avait annoncé dimanche soir lors de l’entretien exclusif accordé à NC la 1ère : le soutien de l’État au financement du chômage partiel spécial émeutes est prolongé jusqu’au 30 juin. Mais il connaîtra “une nouvelle étape de dégressivité” à partir du 31 mars. Le 31 décembre, son taux était passé de 70% à 50% du salaire et le plafond avait été ramené à deux fois le montant du salaire minimum garanti.
Le ministre n’a pas donné les modalités qui seront appliquées à partir du 31 mars. Mais il a répété les objectifs : “éviter la casse économique et sociale” en permettant “aux partenaires sociaux et au gouvernement de finaliser les négociations pour réformer le régime de chômage de droit commun.” Les fonds viendront du prêt de 120 milliards de francs accordé au gouvernement.
Le fonds de solidarité aux entreprises abondé puis fermé
Le fonds de solidarité mis en place par l’État dès le 6 juin, à destination des entreprises ayant subi une baisse de chiffre d’affaires de plus de 50%, du fait des violences, va être abondé d’1,8 milliard de francs “pour répondre à toutes les demandes, dans les mêmes conditions que les dossiers déjà traités. La commission se réunira sans délai pour les instruire.” Le guichet sera fermé le 28 février, prévient par ailleurs le ministre.
Garanties d’emprunt et aide fiscale restent d’actualité
En revanche, le dispositif de prêts garantis par l’État destiné aux entreprises est maintenu. Une nouvelle enveloppe de 3,5 milliards de francs a été prévue dans le budget 2025. “Nous sommes à l’écoute des banques et des entreprises pour adapter, si nécessaire, les produits”, assure Manuel Valls.
Il a également promis une réforme de l'aide fiscale à la réhabilitation des locaux endommagés, jugée inadéquate par les acteurs économiques.
Vers un risque émeutes sur le modèle de la catastrophe naturelle ?
Des entrepreneurs d’Outre-mer demandaient la création d'un dispositif d'indemnisation du risque d'émeutes sur le même modèle que le dispositif "catastrophe naturelle". “Un travail a été lancé”, indique Manuel Valls. "Il devra aboutir pour la loi de finances 2026.”
J’attends des assureurs qu’ils soient à la hauteur de leurs responsabilités.
Manuel Valls
En parallèle, des négociations se poursuivent sur la garantie perte d’exploitation : l’État aimerait que les assureurs assouplissent le délai de reprise d’activité, en général fixé à un an, qui conditionne le versement de l’indemnité totale.
Une chose est en tout cas actée : la mise en place d’une médiation pour aider les entrepreneurs à faire avancer leurs dossiers.
Des conditions au versement d'une moitié du prêt de 120 milliards
Le ministre des Outre-mer avait aussi des annonces économiques pour les collectivités. Concernant les modalités de versement du prêt de 120 milliards de francs à la Nouvelle-Calédonie, “un premier décaissement aura lieu avant la fin du mois de mars, pour rembourser les avances et couvrir les besoins de trésorerie les plus urgents, notamment pour la prise en charge du chômage”, certifie-t-il.
La deuxième moitié du prêt est, elle, promise avant juillet. Mais, sans réelle surprise et malgré les protestations d’une partie des élus calédoniens, “elle devra être accompagnée de réformes, sur lesquels un dialogue exigeant et constructif doit se poursuivre avec le gouvernement”, indique Manuel Valls. Les priorités : la réforme de la protection sociale et du logement social, une réforme fiscale efficace, la baisse des dépenses publiques et des réformes économiques “pour augmenter la concurrence et favoriser la compétitivité”, fixe le ministre.
Des efforts devront être faits, car nous sommes aussi redevables devant les Français de ce soutien financier apporté à la Nouvelle-Calédonie par la communauté nationale.
Manuel Valls
Ces réformes, Alcide Ponga, le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, les a évoquées dans son discours de politique générale. Mais il a promis de ne pas augmenter la fiscalité, un souhait partagé par une majorité au Congrès. Alors, comment faire ? Les prochaines semaines promettent de nouveaux débats animés.
Reconstruction des bâtiments publics : des prises en charge à 100%
Le ministre des Outre-mer l’a rappelé dimanche : 24 milliards de francs d’aides à la reconstruction de bâtiments publics ont été votés dans le budget de l’État. 56 bâtiments ont d’ores et déjà été identifiés, dont 16 écoles. “La reconstruction des bâtiments scolaires sera prise en charge à 100%. Pour les autres bâtiments publics, ce taux de prise en charge sera de 80%. L’État consentira des avances de 30%, qui pourront être portées, au cas par cas, à 50% si la situation de la collectivité le justifie”, a-t-il détaillé.
L’État s’engage par ailleurs à financer certaines opérations qui étaient prévues dans le cadre du contrat de développement 2017-2023 et qui n’ont pas pu aboutir à cause des évènements de mai 2024. Celles dont l’avancement était de 70% avant les émeutes.
Un nouveau "plan de transformation de la filière nickel"
Parce que le nickel “est une ressource stratégique pour la Nouvelle-Calédonie, mais aussi une ressource stratégique pour la France et pour l’Europe, je suis déterminé à poursuivre résolument la coopération entre l’État et la Nouvelle-Calédonie pour le développement de la filière", a assuré Manuel Valls. “Mais il faudra changer de modèle”, comme ses prédécesseurs l’avaient exigé.
La Nouvelle-Calédonie a un potentiel incroyable. Elle a les moyens, avec l’État, de renouveler son modèle économique pour renouer avec une croissance durable.
Manuel Valls
Pas question de ressortir le pacte nickel, qui n’a jamais pu être adopté. D’autant que “le contexte a changé”. Mais “il devra reposer sur les trois mêmes principes, qui demeurent plus que jamais valables”, assume-t-il. La transition énergétique et la réorientation de la production vers les besoins stratégiques des industries européennes, qui faisaient plutôt consensus, figurent parmi les priorités. Avec l’augmentation des exportations et de l’exploitation minière, qui elle, suscite des oppositions.
Au-delà du nickel, il a été question de l'agriculture, de la pêche, du tourisme et d'économie sociale et solidaire, autres filières jugées "stratégiques" par l'Etat.