Menace sur le nickel calédonien ? Un groupe chinois pourrait inonder le marché pour les batteries électriques

Complexe industriel sidérurgique en Chine

Le nickel électrique attise toutes les convoitises. Tsingshan, un géant mondial de l’acier inoxydable, annonce qu’il pourrait produire du nickel de qualité batterie, à partir de fonte de nickel à bas coût. Le produit est abondant mais polluant.

Le marché de Londres déprime, le cours du nickel chute. Une bonne affaire pour un insustriel chinois ? En tout cas, le géant Tsinghan se positionne en annnonçant un produit abondant mais polluant, et sa déclaration à l'agence Reuters à fait chuter le prix du nickel. L'analyste londonien Andi Farida s’interroge et pointe une annonce prématurée et opportuniste.

À peine annoncée l’arrivée du constructeur américain Tesla en Nouvelle-Calédonie, et le sauvetage du site industriel de l’Usine du Sud, qu’une autre information est venue agiter le marché mondial du nickel. Le LME est engagé dans une transition difficile mais déterminée en faveur de l’environnement.

Convertir le nickel de l'inox

Le groupe chinois Tsingshan prévoit de doubler sa production de fonte de nickel (NPI) en 2 ans et de commencer à la convertir pour répondre à la demande des véhicules électriques. Le marché du nickel a été secoué dans son équilibre haussier. Il a baissé de 8 % pour la seule journée de jeudi. Cette baisse a été déclenchée par une dépêche d'actualité de l’agence Reuters selon laquelle le géant Tsingshan Holding "prévoit de transformer massivement de la fonte à bas coûts en nickel de qualité batterie d'ici la fin de l'année 2021".

Pour celui des batteries "vertes"

La production de nickel du groupe chinois passerait de 75.000 tonnes aujourd’hui à 800.000 tonnes en 2022 et à 1,1 millions de tonnes en 2023. De quoi noyer la demande sous une offre abondante, offrir une potentielle alternative au nickel de qualité batterie, casser les prix et fragiliser les quelques producteurs responsables, avec au premier rang la Nouvelle-Calédonie.

Toutefois, l'annonce manque de détails et laisse trop de questions sans réponse. Ensuite, le calendrier paraît intenable à nombre d’observateurs. "Nous pensons qu'il est très peu probable qu'une entreprise ait la capacité de construire une capacité suffisante et non encore testée de conversion de fonte de nickel à bas coût (NPI) en concentré (matte) au cours des six prochains mois, tout en doublant sa production totale en moins de deux ans" a déclaré Andy Farida, analyste du Metal Bulletin de Londres (Fastmarkets) à la 1 ère.Toutefois, le métallurgiste grec Larco aurait un projet identique à partir du ferronickel, envisagé par deux investisseurs potentiels

En effet, la récente sous-performance de Tsingshan en ce qui concerne sa capacité hydro-métallurgique (HPAL) en Indonésie est frappante. Elle a pris deux ans de retard et devrait servir d'avertissement au marché quant à la viabilité de l'annonce. Après une offre similaire en septembre 2018, le prix du nickel avait fortement chuté, avant de récupérer complètement ses pertes au cours du trimestre suivant, les prévisions de l'offre ayant alors été revues à la baisse.

Rejets de résidus miniers en mer par une usine chinoise de nickel

Normes environnementales 

Enfin, si les niveaux de production de Tsingshan devaient être atteints,  les préoccupations croissantes concernant les normes écologiques du métal (ESG) freineraient la demande de cette nouvelle source de nickel pour les batteries. La production de nickel pour batteries à partir du NPI, proposé par Tsingshan, serait six fois plus polluante que celle de l’Usine du Sud avec une empreinte carbone près de cinq fois supérieure à cette dernière. Par conséquent, compte tenu des préoccupations des investisseurs éthiques concernant les chaînes d'approvisionnement et du fait que les constructeurs de voitures électriques sont principalement motivés par des préoccupations environnementales, l’Usine du Sud a de beaux jours devant elle.

La seule demande de nickel pour batteries provenant de fonte à bas coûts (NPI) viendrait du secteur automobile chinois. Il ne représente que 20 % de la croissance mondiale. "Nous pensons que cela renforcera à moyen terme la demande de nickel de classe 1 du LME, (celui qui est produit par l'Usine du Sud en Nouvelle-Calédonie) et que cela soutiendra un éventuel rebondissement du prix du nickel" a conclu M.Farida, analyste expert du nickel calédonien au LME de Londres. Aprés avoir lourdement chuté cette semaine, de 20.000 dollars la tonne à 16.000 dollars, le nickel était en hausse vendredi, relativisant l'annonce de Tsingshan. 

Cours du nickel au LME de Londres, le 05/03/21 à 11:50 GMT [ 22:50 en Nouvelle-Calédonie] 16.342 dollars par tonne +2,24 % [semaine - 12 %]