Samuel Dufay, Directeur de l’Environnement du groupe industriel français de la transition énergétique, alerte sur l’importante d’une activité minière responsable et durable pour protéger les océans, et sur la nécessité de l’imposer dans le monde entier.
L’histoire de l’industrie minière est peu flatteuse, mais, sans elle, pas d'acier inoxydable dans nos cuisines, pas d'ordinateurs, de téléphones portables ou de véhicules électriques. Les pratiques ont commencé à changer, des entreprises s'engagent, comme le groupe Eramet, qui rappelle son action quotidienne à l'occasion de la journée mondiale de l'océan.
Outre-mer la 1ere – Eramet est engagé dans la transition énergétique et l’exploitation minière responsable, vous avez des mines en bord de mer, en Nouvelle-Calédonie notamment, quelle est votre démarche pour limiter au maximum votre impact sur les espaces maritimes ?
Samuel Dufay - En Nouvelle-Calédonie, la protection du lagon est un enjeu absolument majeur. La prévention de l’érosion des sols, dans un contexte de forte pluviométrie, est notre priorité environnementale. Cela passe par des travaux de gestion des eaux de ruissellement sur mine : plus de 2 000 bassins de sédimentation actifs sont maintenus et suivis sur les sites SLN. Cela passe également par une stratégie de réhabilitation et de revégétalisation des sites miniers. La revégétalisation constitue l’action la plus efficace pour favoriser le retour de la biodiversité, mais aussi pour lutter contre l’érosion et préserver ainsi la qualité des ressources en eau autour des sites miniers. C’est la raison pour laquelle le Groupe Eramet a pris un engagement public particulièrement ambitieux dans le cadre de sa feuille de route RSE 2018-2023. Cet engagement consiste à garantir que la surface réhabilitée sur la période sera supérieure à la surface défrichée. Très rares sont les groupes miniers à prendre un tel engagement public.Cette gestion environnementale des mines a un coût que nous assumons, de plusieurs millions d’euros par an. Nous avons recours à plusieurs sous-traitants locaux pour la réalisation de ces travaux.
L’industrie en général, l’industrie minière et métallurgique en particulier, peut-elle se fixer comme objectif zéro pollution pour produire des millions d'ordinateurs et de véhicules électriques ?
Il faut être réaliste, toute activité économique a un impact environnemental. En tant que Directeur de l’Environnement chez Eramet, mon métier est de mettre en place les moyens qui permettent de limiter au plus bas niveau possible cet impact.
Vous êtes un acteur de la transition énergétique : l’objectif c’est de rouler plus propre avec des véhicules électriques, d’utiliser des téléphones portables, des ordinateurs issus de minerais et de métaux respectant des normes environnementales et sociétale ?
Le véhicule électrique, avec sa batterie au nickel, est beaucoup plus propre que le véhicule thermique. Mais il faut maitriser toute la chaine de production et notamment la phase de l’extraction minière qui doit être propre et responsable. Nous suivons avec attention ce que fait l’Union européenne qui veut faire émerger une filière batterie électrique et se pose la question des exigences qui pourraient être imposées aux producteurs miniers et industriels sur le respect des normes de qualité environnementale des batteries. L’Europe envisage par exemple d’interdire l’utilisation de métaux issus de pratiques industrielles avec rejet des résidus miniers en haute mer, et c’est une très bonne chose pour garantir la réputation de la filière.
Quelle est la position du groupe Eramet sur la pratique controversée de rejet des résidus miniers, des boues acides, en mer ?
C’est une pratique très ancienne qui remonte à la révolution industrielle, au 19ème siècle, une époque que l’on croyait révolue. Elle persiste pourtant. Une quinzaine de sites industriels dans le monde l’utilisent encore sur 2 500 mines en activité. Ce qui est étonnant c’est que des producteurs métallurgiques et miniers l’envisagent encore à l’avenir dans des projets destinés à alimenter la chaîne des véhicules électriques. Eramet a pris une position très claire et très ferme, nous nous interdisons d’utiliser cette technique. Il faut protéger les océans, le milieu maritime et sa biodiversité qui sont précieux. Il est possible de produire du nickel ou du cobalt autrement de façon responsable. Mais il est vrai que cela entraîne un surcoût et pose la question d’une concurrence faussée avec certains producteurs peu soucieux de l’environnement.
Des alternatives respecteuses de l'environnement existent-t-elles pour extraire du minerai afin de produire du "nickel électrique", autrement dit du métal pur de qualité batterie pour les véhicules électriques, sans utiliser les rejets en haute mer ?
La solution la plus pertinente et la plus propre c’est celle consistant, pour faire simple, à filtrer les résidus miniers pour obtenir ensuite un produit solide qui sera stocké de façon durable. C’est une solution plus sûre qu’un barrage de rétention, surtout après la catastrophe survenue au Brésil, mais qui demande encore de la mise au point. Elle est également plus coûteuse, mais c’est la méthode que nous privilégions pour préserver l’environnement, les océans et la planète. C’est un choix du groupe Eramet, acteur minier responsable, même si cela implique un différentiel de compétitivité. L’avenir nous donnera raison.
En résumé, que fait Eramet pour être un producteur minier responsable et engagé dans la transition énergétique ?
Toute la profession minière occidentale est engagée dans des démarches de progrès et de transformation des pratiques d’extraction minière. C’est une nécessité, une exigence qui vise aussi à répondre aux attentes de l’opinion publique. De notre côté, nous avons pris des mesures concrètes, dans le cadre d’une feuille de route définie sur 5 ans. Notre approche RSE se traduit par treize objectifs mesurables et vérifiables, dont nous rendons compte chaque année publiquement.
Cet engagement nécessite des moyens. Nous consacrons ainsi plus de 20 millions d’euros par an aux dépenses environnementales, à quoi s’ajoutent des surcoûts supplémentaires élevés, mais assumés, pour certains projets industriels ou miniers. Ces résultats sont désormais reconnus par les agences spécialisées de notation extra-financière. Vigeo-EIRIS, l’agence fondée par Nicole Notat, nous a classés en troisième position sur un panel de 45 sociétés minières, pour notre performance de responsabilité sociale et environnementale. Très récemment l’agence ISS nous a également placé dans le premier décile de son panel Mines et Métaux.
Transition énergétique, mines et environnement
Les financeurs et l’opinion publique ont des exigences accrues en matière de transparence, de conditions sociales des travailleurs et d’utilisation des ressources naturelles. Le groupe Eramet, leader mondial des alliages de nickel et de manganèse, est un opérateur engagé de la transition énergétique. La feuille de route définie par Christel Bories, la PDG d'Eramet, accorde une place essentielle à l'environnement par une production minière éthique et responsable. Le groupe français condamne et interdit les rejets miniers en mer. En Papouasie-Nouvelle-Guinée, le scandale des boues rouges déversées en mer de Corail par l’usine chinoise de Ramu, l’an dernier, n’est peut-être pas le dernier. Deux projets sont à l’étude en Indonésie, par des entreprises chinoises, sans investissement environnemental. Ils prévoient de rejeter les résidus miniers acides en haute mer. Pourquoi ? Pour gagner en compétitivité sur leur concurrent français.Outre-mer la 1ere – Eramet est engagé dans la transition énergétique et l’exploitation minière responsable, vous avez des mines en bord de mer, en Nouvelle-Calédonie notamment, quelle est votre démarche pour limiter au maximum votre impact sur les espaces maritimes ?
Samuel Dufay - En Nouvelle-Calédonie, la protection du lagon est un enjeu absolument majeur. La prévention de l’érosion des sols, dans un contexte de forte pluviométrie, est notre priorité environnementale. Cela passe par des travaux de gestion des eaux de ruissellement sur mine : plus de 2 000 bassins de sédimentation actifs sont maintenus et suivis sur les sites SLN. Cela passe également par une stratégie de réhabilitation et de revégétalisation des sites miniers. La revégétalisation constitue l’action la plus efficace pour favoriser le retour de la biodiversité, mais aussi pour lutter contre l’érosion et préserver ainsi la qualité des ressources en eau autour des sites miniers. C’est la raison pour laquelle le Groupe Eramet a pris un engagement public particulièrement ambitieux dans le cadre de sa feuille de route RSE 2018-2023. Cet engagement consiste à garantir que la surface réhabilitée sur la période sera supérieure à la surface défrichée. Très rares sont les groupes miniers à prendre un tel engagement public.Cette gestion environnementale des mines a un coût que nous assumons, de plusieurs millions d’euros par an. Nous avons recours à plusieurs sous-traitants locaux pour la réalisation de ces travaux.
L’industrie en général, l’industrie minière et métallurgique en particulier, peut-elle se fixer comme objectif zéro pollution pour produire des millions d'ordinateurs et de véhicules électriques ?
Il faut être réaliste, toute activité économique a un impact environnemental. En tant que Directeur de l’Environnement chez Eramet, mon métier est de mettre en place les moyens qui permettent de limiter au plus bas niveau possible cet impact.
Vous êtes un acteur de la transition énergétique : l’objectif c’est de rouler plus propre avec des véhicules électriques, d’utiliser des téléphones portables, des ordinateurs issus de minerais et de métaux respectant des normes environnementales et sociétale ?
Le véhicule électrique, avec sa batterie au nickel, est beaucoup plus propre que le véhicule thermique. Mais il faut maitriser toute la chaine de production et notamment la phase de l’extraction minière qui doit être propre et responsable. Nous suivons avec attention ce que fait l’Union européenne qui veut faire émerger une filière batterie électrique et se pose la question des exigences qui pourraient être imposées aux producteurs miniers et industriels sur le respect des normes de qualité environnementale des batteries. L’Europe envisage par exemple d’interdire l’utilisation de métaux issus de pratiques industrielles avec rejet des résidus miniers en haute mer, et c’est une très bonne chose pour garantir la réputation de la filière.
Quelle est la position du groupe Eramet sur la pratique controversée de rejet des résidus miniers, des boues acides, en mer ?
C’est une pratique très ancienne qui remonte à la révolution industrielle, au 19ème siècle, une époque que l’on croyait révolue. Elle persiste pourtant. Une quinzaine de sites industriels dans le monde l’utilisent encore sur 2 500 mines en activité. Ce qui est étonnant c’est que des producteurs métallurgiques et miniers l’envisagent encore à l’avenir dans des projets destinés à alimenter la chaîne des véhicules électriques. Eramet a pris une position très claire et très ferme, nous nous interdisons d’utiliser cette technique. Il faut protéger les océans, le milieu maritime et sa biodiversité qui sont précieux. Il est possible de produire du nickel ou du cobalt autrement de façon responsable. Mais il est vrai que cela entraîne un surcoût et pose la question d’une concurrence faussée avec certains producteurs peu soucieux de l’environnement.
Des alternatives respecteuses de l'environnement existent-t-elles pour extraire du minerai afin de produire du "nickel électrique", autrement dit du métal pur de qualité batterie pour les véhicules électriques, sans utiliser les rejets en haute mer ?
La solution la plus pertinente et la plus propre c’est celle consistant, pour faire simple, à filtrer les résidus miniers pour obtenir ensuite un produit solide qui sera stocké de façon durable. C’est une solution plus sûre qu’un barrage de rétention, surtout après la catastrophe survenue au Brésil, mais qui demande encore de la mise au point. Elle est également plus coûteuse, mais c’est la méthode que nous privilégions pour préserver l’environnement, les océans et la planète. C’est un choix du groupe Eramet, acteur minier responsable, même si cela implique un différentiel de compétitivité. L’avenir nous donnera raison.
En résumé, que fait Eramet pour être un producteur minier responsable et engagé dans la transition énergétique ?
Toute la profession minière occidentale est engagée dans des démarches de progrès et de transformation des pratiques d’extraction minière. C’est une nécessité, une exigence qui vise aussi à répondre aux attentes de l’opinion publique. De notre côté, nous avons pris des mesures concrètes, dans le cadre d’une feuille de route définie sur 5 ans. Notre approche RSE se traduit par treize objectifs mesurables et vérifiables, dont nous rendons compte chaque année publiquement.
Cet engagement nécessite des moyens. Nous consacrons ainsi plus de 20 millions d’euros par an aux dépenses environnementales, à quoi s’ajoutent des surcoûts supplémentaires élevés, mais assumés, pour certains projets industriels ou miniers. Ces résultats sont désormais reconnus par les agences spécialisées de notation extra-financière. Vigeo-EIRIS, l’agence fondée par Nicole Notat, nous a classés en troisième position sur un panel de 45 sociétés minières, pour notre performance de responsabilité sociale et environnementale. Très récemment l’agence ISS nous a également placé dans le premier décile de son panel Mines et Métaux.