Avenir institutionnel : qu'attendre de cette nouvelle visite ministérielle en Calédonie ?

Jean-François Carenco et Gérald Darmanin place Bir-Hakeim de Nouméa, le 28 novembre 2022.
Du 1er au 4 juin, le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer revient en Calédonie où il a effectué deux précédents déplacements fin 2022 et début 2023. L'enjeu reste la discussion politique pour avancer vers un prochain statut. Que peut-il sortir de cette nouvelle visite ? Eléments de réponse.

Avant l'enchaînement des séquences, politiques, mais aussi économiques et écologiques, tour d'horizon du contexte dans lequel se déroule le déplacement de Gérald Darmanin. Et des attentes qui vont avec.

Que dit le programme ? 

Pas de véritable réunion à trois pour définir le futur statut de la Nouvelle-Calédonie à l’issue du troisième référendum inscrit dans l’Accord de Nouméa. On en semble loin même si, depuis les rencontres à Paris, indépendantistes et non-indépendantistes paraissent disposés à quelques concessions. La récente prise de position de Gérald Darmanin à l’ONU devrait aussi permettre d’alimenter le dialogue pour sortir de l'impasse politique. Il recevra séparément chacune des deux délégations, vendredi matin. Les trois partenaires sont toutefois attendus autour de la même table, pour étudier jeudi deux documents majeurs, réalisés par deux cabinets en stratégie : le très dense bilan de l’Accord de Nouméa et l’audit de décolonisation.

Le programme détaillé par Angéla Palmieri

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Deux moments forts au cœur du troisième déplacement effectué par le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer en Calédonie. Chacun est impatient d’entendre les conclusions. Pas forcément pour les mêmes raisons.

Analyse de Bernard Lassauce et Claude Lindor

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Quelle position des politiques ? 

Ces travaux ont vocation à constituer une première base de discussion pour l’ensemble des partenaires, en a dit Rémi Bastille, chargé d’une mission de service public auprès du haut-commissariat. Rappelons que depuis la consultation référendaire du 12 décembre 2021, rejetée par les uns et reconnue par les autres, indépendantistes et non-indépendantistes ne se parlent plus, du moins officiellement.

Rappel des positions tenues par les uns et les autres avec Bernard Lassauce et Claude Lindor 

AVANT SUJET DARMANIN ©nouvellecaledonie

Un accord est-il attendu ?

Gérald Darmanin est venu "poursuivre le processus de discussion" pour "un accord global et ambitieux". Selon nos informations, il arriverait avec des propositions : sur le corps électoral pour les provinciales, qui définissent ensuite le Congrès ; sur les modalités d’autodétermination pour l’avenir ; et sur la trajectoire de la Nouvelle-Calédonie. C'est-à-dire la question de l’émancipation et ce qu’elle recouvre (autonomie, compétences, finances…). Dans une lettre adressé au sénateur Gérard Poadja le 22 mai, le président de la République écrit : "je mesure pleinement toute la nécessité de s’accorder sur des institutions pérennes et consensuelles." 

Le plateau de Dave Waheo-Hnasson

Emmanuel Macron écrit aussi : “Alors que prend fin le processus politique prévu par les accords de Nouméa, point de départ d'une nouvelle page (…), vous pouvez être certain de l'attention que je porte à l'avenir institutionnel de l'archipel." Le chef de l'Etat dit, également, sa confiance envers les cheffe et membres du gouvernement que sont Elisabeth Borne, Gérald Darmanin, Jean-François Carenco et Sonia Backès, "pour poursuivre le travail engagé depuis 2017 et cela dans le respect mutuel et l'esprit de concorde qui ont toujours prévalu dans la conduite du dialogue sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie".

Quelles attentes des Calédoniens ?

"Sa venue, ça ne va pas changer grand chose", lance un Calédonien au micro de NC la 1ère. Il faut qu'on soit unis ici. C'est l'unité qui va faire que le pays va avancer." Autre avis : "Qu'il vienne ou qu'il vienne pas, ça m'est égal." Ou encore : "Je n'attends pas grand-chose parce que j'ai l'impression que c'est un renouvellement permanent et qu'on n'avance pas. Ça fait trente ans qu'on est en négociations." 

Il y a les habitants du Caillou qui suivent de près. "Je pense que les Calédoniens de tous bords attendent beaucoup de choses, explique cette employée de banque. Je vois que des chefs d'entreprise sont très dans l'attente de ce que va devenir notre pays en termes de citoyenneté. Je vois des gens métropolitains quitter le territoire. Et je vois des locaux s'appauvrir. Je pense qu'on ne peut pas rester dans une situation comme ça. J'espère qu'on arrivera à trouver un accord." "J'espère surtout qu'il sera à l'écoute du peuple", formule cette autre femme.

Un monsieur dit son espoir "qu'il puisse y avoir ces trilatérales, mais je ne crois pas qu'il les obtiendra." "On ne veut plus qu'on nous tourne en bourrique", s'écrie celui-ci. A l'inverse, ce vœu : "On aimerait bien que le ministre puisse réconcilier les partis politiques, qu'ils se mettent autour de la table et qu'ils pensent à l'avenir du pays pour qu'on puisse le construire tous ensemble, pour avoir un avenir serein." "On accepte toujours son arrivée parce qu'il faut dialoguer avec lui, dira également cette mamie. Au bout du dialogue, peut-être on va réussir à avoir quelque chose. Mais je sais qu'il y a trop d'intérêts dans le Pacifique." 


Un microtrottoir du Nord au Sud par Myriam Ponet, Gaël Detcheverry, Camille Mosnier et Brice Bachon

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Et la jeunesse ?

A l’université, où se rendra la délégation ministérielle vendredi, cette énième visite et les suites qu'elle peut avoir ne préoccupent pas vraiment les étudiants. “Je m’y intéresse un petit peu mais en ce moment, c’est les exams”, lance Clément, étudiant en licence informatique. “Je ne me sens pas concerné”, glisse Gaston, qui suit la même filière. “Il y a ce décalage qui s’installe, observe Abby, en prépa médecine et sur le point de partir pour de longues études. Dans le fond, on est concernées. Mais on a un pan de notre vie qui va s'ouvrir sur autre chose. Je sens un peu de distance."

"C'est notre vie, on est Calédoniens, et ça pourrait nous faire rester en France si jamais on n'est pas en accord avec ce qui se passe dans le pays", dit Elena, autre étudiante en médecine. "Mais c'est sûr que ce n'est pas notre priorité première." Auprès des étudiants en droit public, l'actualité politique et institutionnelle résonne différemment. “Ce qu’on attend, lance Leia, c’est des réponses, un avenir institutionnel stable et peut-être une entente entre les différents partis politiques. Pour la jeunesse calédonienne, ce serait bien."


Un reportage de Bernard Lassauce et Gaël Detcheverry

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Quid du corps électoral ?

Arrêtons-nous sur la question, brûlante, du corps électoral restreint. Jeudi 25 mai, un pourvoi à la Cour de cassation de Paris a été déposé par l'Association des citoyens français de Nouvelle-Calédonie, "contre le refus d'inscription de nos adhérents sur la liste électorale provinciale en vue des prochaines élections prévues en mai 2024". Une action de plus auprès de la justice.  

Enfin, mentionner cet "appel du 1er juin" diffusé sur les réseaux sociaux. Intitulé "Accueillons Darmanin", il invite à rythmer la venue du ministre… au son des casseroles.