Ce que révèle le débat sur les orientations budgétaires de la Nouvelle-Calédonie : graves difficultés financières et ratios qui s'améliorent [1/2]

Le débat d'orientations budgétaires a débuté par une présentation, le 11 janvier 2024, au Congrès.
La première séance publique de l’année a donné le ton. D’emblée, les élus du Congrès ont plongé le nez dans les caisses de la Nouvelle-Calédonie. Des finances en mauvais point, dont l’état de santé a été dressé et commenté, jeudi 11 janvier, durant près de deux heures et demi. Compte-rendu en deux volets, à commencer par les chiffres.

Le débat d’orientations budgétaires ? Exercice obligatoire, avant de pouvoir soumettre au vote le budget primitif pour l’exercice 2024. Il a eu lieu au Congrès l'après-midi du jeudi 11 janvier.

>> Lire aussi le compte-rendu des débats.

Un contexte mitigé

D'abord, décrire la situation. La présentation préparée par les services du gouvernement a brossé "un contexte mondial empreint d’incertitudes", sachant que "la Nouvelle-Calédonie est vulnérable à la conjoncture internationale". Elle énumérait d'ailleurs des tendances de mauvais aloi. Une évolution du produit intérieur brut au ralenti. Un climat des affaires qui s'est dégradé en 2023. Et un déficit commercial qui s’accentue. "Cependant, la Nouvelle-Calédonie semble supporter les chocs mieux que prévu", est-il relevé. Car l’inflation ralentit, elle aussi. La consommation des ménages s'avère résiliente, malgré les prix élevés. Et l'emploi salarié a augmenté.

Un meilleur taux d'épargne

Pour rester sur du positif, les indicateurs financiers marquaient, fin 2023, une "légère amélioration". Le taux d'épargne brute est ainsi estimé à 30%, contre 14 % en 2022. Or, l'Agence française de développement recommande qu’il dépasse les 15 %. Rappelons que ce ratio permet de mesurer la capacité de la collectivité à dégager des ressources propres de fonctionnement, pour financer ses dépenses d’investissement et rembourser ses emprunts.

Un endettement moins important

Niveau créances, la Nouvelle-Calédonie avait fin 2023 un taux d'endettement évalué à 153 %. C'est beaucoup. Mais un an plus tôt, il était grimpé à 201 % ! Cette diminution "s’explique principalement par le réajustement important de la dotation de la Nouvelle-Calédonie, à hauteur de 5,4 milliards, ainsi que le remboursement d’une échéance d’emprunt importante, de 8,3 milliards en 2023". Et hors Covid, ce taux d’endettement "reste dans la norme prudentielle sous le seuil des 90 % depuis l’exercice 2020, soit 53 % fin 2023".

 

Un fonds de roulement équivalent à huit jours

Autre notion importante, le fonds de roulement, c’est-à-dire la capacité à assurer les dépenses de fonctionnement et d’investissement avec le contenu des caisses. Fin 2023, il équivalait à huit jours. Un mieux, là aussi. Reste qu'il est fortement conseillé de dégager et maintenir un fonds de roulement équivalent, au minimum, à trente jours de dépenses réelles. Pour le bon fonctionnement de la collectivité, et pour assurer des délais de paiement convenables. On en est loin.

Une trésorerie gravement déficitaire

L'état réel des caisses s'avère très préoccupant : la trésorerie de la Nouvelle-Calédonie reste largement déficitaire. Selon ce document de présentation, on observait début décembre 2023 "16,6 milliards de mandats à payer pour un solde de trésorerie à 760 millions". Un état de fait sur lequel Yannick Slamet, le membre du gouvernement en charge du budget, a tiré la sonnette d'alarme. Les raisons de cette situation ont engendré beaucoup de questionnements, parmi les élus du Congrès. "C’est une accumulation de choses différentes, d’année en année", a expliqué la secrétaire générale adjointe du gouvernement, Sophie Garcia. En citant pour exemples des trop pleins de versement à des collectivités qui n'ont pas été récupérés, ou encore des  avances qui ont été versées et pas remboursés.

Une masse salariale qui pèse

Attardons-nous aussi sur les frais de personnel, qui représentent le principal poste de dépenses de fonctionnement dans le budget de la Nouvelle-Calédonie : environ 44 % des dépenses réelles de fonctionnement. Dans le budget primitif 2024 qui est proposé par le gouvernement, ces frais de personnel sont estimés à 16,64 milliards de francs. "Soit une augmentation de 2,3 % par rapport au budget 2023", malgré les efforts pour les maîtriser. Ce qui est expliqué par l'augmentation du point d'indice des fonctionnaires et de la contribution à la Caisse locale des retraites.

Un budget primitif à 58 milliards

Sur toutes ces bases, le gouvernement Mapou a joué la prudence en élaborant le budget primitif propre 2024. Il a été arrêté à 58,2 milliards de francs CFP. Comparé au BP 2023, on observe une forte baisse, d'environ 33 %. Montant de la partie fonctionnement prévu pour 2024 : 45,859 milliards (- 14 %). Montant de la section investissement : 12,382 milliards (environ - 65 %). 

Combien en recettes fiscales ? 

La Nouvelle-Calédonie attend en effet ce que l’on appelle les données d’atterrissage : les rentrées fiscales réelles. Pour l'année qui vient de s'achever, et tous budgets confondus, les recettes fiscales de la Nouvelle-Calédonie sont estimées à 207 milliards. Soit une augmentation de 3 % par rapport à l’exercice 2022. "Quant au recouvrement, deux scénarios sont envisagés : un scénario prudent, 204 milliards, et un scénario optimiste, à 206 milliards."

Reversement et répartition

Il y a aussi le budget annexe de reversement (les taxes dont le produit est affecté aux différents organismes publics de la Calédonie). Pour 2024, il est proposé à 79 milliards de francs. Il y a enfin le budget annexe de répartition (des crédits ensuite distribués aux provinces et aux communes). Il se monte à 122,4 milliards. 

La trajectoire budgétaire et financière de la Nouvelle-Calédonie s’inscrit dans la continuité du redressement des finances publiques.

Présentation du gouvernement pour le débat d'orientations budgétaires

Les trois budgets examinés dans le mois

"En l’absence de recettes supplémentaires sur l’exercice 2023", la politique financière et budgétaire à court terme de la Nouvelle-Calédonie se décline autour de quatre axes, a posé le gouvernement Mapou dans ce document de présentation. À commencer par le calendrier : le BP 2024 doit être présenté boulevard Vauban d’ici la fin du mois. L'exécutif calédonien envisage ensuite de l’ajuster par un budget supplémentaire intervenant tôt dans l’année, si possible en mai. Autres axes formulés : 

  • "une assiette de répartition en hausse dès le budget primitif 2024"
  • "une assiette de reversement permettant de soutenir à court terme les trésoreries fragilisées des comptes sociaux et des établissements publics",
  • et "une maîtrise des charges courantes de la collectivité ainsi qu’une optimisation de la gestion des subventions".