Ce que révèle le débat sur les orientations budgétaires de la Nouvelle-Calédonie : désaccords politiques et recherche de consensus [2/2]

Durant le débat d'orientations budgétaires, le 11 janvier 2024, au Congrès.
Le Congrès débattait jeudi des orientations budgétaires de la Nouvelle-Calédonie. Le gouvernement a présenté ses choix stratégiques, dans un contexte économique tendu. Les échanges ont surtout porté sur la réforme de la fiscalité qui divise indépendantistes et non-indépendantistes. Sur la perspective d’un plan de relance. Et sur le besoin de trouver des solutions partagées. Au final, les élus ont acté à l’unanimité la tenue de cet exercice obligé. Compte-rendu en deux temps.

Échanges plutôt apaisés, vu le contexte. Jeudi 11 janvier dans l'après-midi, il y a eu au Congrès les prises de position désormais habituelles, des critiques, des contre-arguments. Mais la discussion a été placée de façon globale sous le signe de la responsabilité et du nécessaire consensus à dégager. D'ailleurs, l’hémicycle a acté à l’unanimité la tenue du débat d’orientations budgétaires.

"Pente plutôt positive"

Le président du dix-septième gouvernement ouvrait en soulignant que les ratios de gestion financière s'améliorent chaque année. "Nous sommes sur une pente plutôt positive", a-t-il formulé, "les collectivités vont voir leurs dotations sur le budget de répartition s'améliorer un petit peu par rapport à l'année dernière et (…) si nous maintenons les efforts, on pourrait accroire cette marge que nous offrons à l'ensemble des collectivités". 

>> Lire aussi le premier volet, axé sur les chiffres

Défis

Une "tendance à l'amélioration" qu'il a relativisée. Elle ne suffit pas pour résoudre les défis d'aujourd'hui. Alors que la Calédonie demeure en grande difficulté financière après les années Covid et le passage par la case inflation, qu'elle reste très endettée et compose avec une trésorerie négative, il faut toujours affronter le déficit des comptes sociaux ou la situation délicate de l'énergie. Sans oublier les trois usines de nickel en grandes difficultés.


"Problème de trésorerie"

Or, le membre du gouvernement en charge du budget met l'accent sur le manque d'argent réellement disponible dans les caisses. "Si, au niveau budgétaire, c'est compliqué, il y a un élément qui ne doit pas nous échapper, c'est le problème de trésorerie que rencontre la Nouvelle-Calédonie", insiste Yannick Slamet. "On est en trésorerie négative à plus de onze milliards. La principale difficulté de gestion des finances publiques, c'est cette trésorerie négative, qui nous empêche d'avoir des marges de manœuvre."

Le problème de trésorerie doit faire partie de la définition des besoins et surtout de savoir comment on finance. Il n'y a pas 36 façons de le faire, c'est de trouver des financements, soit par un gros emprunt, soit par une aide de l'Etat, ou par une contribution supplémentaire des Calédoniens.

Yannick Slamet, membre du gouvernement en charge du budget

"Pas du tout d'accord"

Le recours à l'impôt et aux taxes, les réformes fiscales, c'est au cœur du débat entre la majorité indépendantiste au sein du Congrès et les groupes d'opposition. "On a rappelé nos convictions", résume Philippe Blaise, de l'intergroupe Loyalistes. "On n'est pas du tout d'accord avec ce qu'il y a dans les perspectives du gouvernement FLNKS / Eveil océanien. L'urgence, c'est de donner du travail aux gens, de leur permettre d'avoir des salaires pour subvenir aux besoins de leur famille et ça passe par une politique qui encourage l'investissement : stabilité fiscale, mettre un terme au matraquage fiscal annoncé depuis déjà trois ans et avoir une vraie stratégie de relance de l'investissement public. Faire appel à l'Etat. Soutenir les collectivités comme la province Sud, la mairie de Nouméa, qui investissent massivement, par des transferts de l'assiette de réparation qui sont stables."

"Ce qu'on regrette, c'est que la seule solution apportée aux difficultés budgétaires de la Nouvelle-Calédonie, c'est la taxation des Calédoniens", renchérit Virginie Ruffenach, présidente du groupe Rassemblement, "alors que d'autres solutions existent, notamment relancer l'économie". 

Relance

Voilà un autre fil conducteur des discussions. Des voix se sont une fois de plus élevées pour demander un plan de relance de l’économie. Lequel est évoqué par le gouvernement. Il propose un projet "qui s’articule autour de quatre axes stratégiques", a-t-il été annoncé : "l’appartenance à la Nouvelle-Calédonie", "l’amélioration du cadre de vie des Calédoniens", l’ouverture de l'économie sur l’extérieur et "l’autonomie" économique. "Ce plan de relance économique sur quatre ans viserait ainsi à stimuler l’investissement, soutenir les secteurs en difficulté, promouvoir la croissance et l’emploi pour favoriser le développement et l’autonomie du territoire."

Nous avons décidé d'ouvrir le débat sur ce que pourrait être un plan de relance. Depuis plusieurs années, vous le demandez.

Louis Mapou, président du gouvernement



Ithupane Tieoue (groupe Uni) défend l'exécutif. "On pourrait dire que la catastrophe est annoncée depuis une dizaine d’années. On ne découvre pas aujourd’hui que le pays va mal. Le plan de relance, premier semestre 2024. Les discussions ont été interrogées, il y a eu un retour. Le travail se fait."  

Vœu pour un séminaire intercollectivités

Un travail à mener en commun, l'hémicycle du boulevard Vauban s'accorde là-dessus. Les Loyalistes et le Rassemblement ont déposé un vœu en vue d'organiser un séminaire intercollectivités, avec à la fois les présidents d'institutions et les chefs de groupes du Congrès. Objectif : "établir une vision partagée en matière de difficultés économiques et budgétaires de la Nouvelle-Calédonie mais surtout travailler ensemble à de solutions partagées". 

Neuf réformes en attente

Ce à quoi le président a répondu par un "souhait" : que le Congrès avance sur les neuf projets de réforme qu'il n'a pas encore examinés ou qui n'ont pas leur délibération d'application. "J'aimerais bien que la taxe sur l'extraction minière (…), on aille le plus vite possible. 750 millions de rendement potentiel", a énuméré Louis Mapou. J'aimerais bien que le texte sur lequel vous avez eu un consensus pour le Ruamm, sur lequel il y a des discussions sur les chiffres, puisse déboucher. Nous avons mis dans le circuit les travaux sur la [Contribution calédonienne de solidarité] progressive." Taxe croisière, TGC"Si le premier trimestre, nous arrivons à faire déboucher l'ensemble de ces textes, la couleur de ce que nous allons pouvoir regarder ensemble change. Et on pourrait envisager, avec un budget supplémentaire ou une décision modificative, une discussion sur la suite."

"Esprit de responsabilité"

Un souhait, aussi, chez Calédonie ensemble. Face aux orientations proposées par le gouvernement, "je ne retrouve pas un plan précis, concret, équilibré et acceptable pour garantir le sauvetage du pays", a déclaré Philippe Michel. Mais il a fait le vœu "qu'au vu de la gravité de la situation et des enjeux, on soit animé d'un esprit de responsabilité collective et que les uns ne cherchent pas à toute force à imposer leur volonté aux autres." Rendez-vous fin du mois pour l'examen du budget. 

Réactions politiques recueillies par Erik Dufour et Christian Favennec

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