DÉCRYPTAGE. Ruamm : les raisons d'un déficit conséquent

"Tout comprendre sur le Ruamm et sa réforme" [4/4]. Le sujet revient régulièrement sur la table. Le déficit du Régime unifié d'assurance maladie maternité se creuse à mesure que les années passent. Gros plan sur une tendance qui pourrait encore s'accentuer à l'avenir.

C'est le principal motif de la réforme. Les années passent et le problème du déficit du Ruamm reste. L'assurance maladie-maternité calédonienne représente aujourd'hui la branche la plus en difficulté de la Cafat.

De l'ordre de 600 millions de francs lors de la mise en place du Ruamm en 2002, le déficit structurel grimpe aujourd'hui à une dizaine de milliards de francs par an. D'après la Chambre territoriale des comptes, la dette cumulée s'élevait fin 2021 à environ 36 milliards de francs, dont 26 sous forme de créance détenue par les établissements publics de santé.

Pour combler le "trou" du régime d’assurance maladie, la Nouvelle-Calédonie, ainsi que l’agence sanitaire et sociale, mettent régulièrement la main à la poche : respectivement 11,66 milliards et 780 millions de francs, rien qu'en 2021.

Dans un rapport paru dans la revue Cairns en 2019, le directeur de la branche prestations sociales de la Cafat pointait l'augmentation continue des dépenses de santé, avec une progression annuelle moyenne de presque 7 % jusqu'à 2015, puis 4,5 % entre 2015 et 2019.

Une évolution inévitable ?

Principale raison de cette tendance : le vieillissement de la population calédonienne. Rien qu'entre 2015 et 2019, la population des moins de 20 ans a baissé de 4 %. Celle des plus de 45 ans a de son côté augmenté de 10,3 %. Entre 2017 et 2021, le nombre de retraités calédoniens a augmenté de 5 000. La Cafat en recense aujourd'hui 38 500.

Ce vieillissement de la population entraîne irrémédiablement une hausse des dépenses de protection sociale dans les pays appliquant un modèle basé sur la solidarité. En Nouvelle-Calédonie, les dépenses annuelles moyennes par retraité étaient comprises entre 439 000 et 582 000 francs en 2020. 

Un total quatre fois plus important que la moyenne des dépenses pour les salariés, fonctionnaires et travailleurs indépendants (139 000 francs par an). À l'avenir, les dépenses du Ruamm devraient en toute logique encore augmenter. D'après les projections des Nations Unies, une personne sur six dans le monde aura plus de 65 ans d'ici 2050, contre une sur onze en 2019.

Les avancées scientifiques

Autre facteur d'augmentation des dépenses : le coût des traitements, en particulier les plus novateurs. "Le prix des médicaments et celui des différentes techniques ont beaucoup évolué, partout dans le monde. Les nouvelles thérapies de lutte contre le cancer, par exemple, coûtent très cher", explique la direction de la Cafat. 

D'après une étude comparative réalisée par l'Union nationale des organismes complémentaires d'assurance maladie, l'inflation médicale représenterait chaque année entre 7 et 8 % au niveau national. La technologie médicale serait responsable de la moitié de cette inflation.

En parallèle, le Caillou dispose d'une spécificité liée à son insularité : les Evasan. Des évacuations sanitaires nécessaires pour les cas les plus graves. D'après la DASS, ce type d'intervention a coûté près de 7 milliards de francs au Ruamm en 2018. Avec un coût moyen de 5 millions par dossier.

La TSS et la TAT3S

Si le déficit du Ruamm existait dès l'origine, le tournant des années 2010 a semble-t-il vu la fragilité de ses finances s'accentuer. En interne, plusieurs cadres de la Cafat évoquent notamment la désaffectation des recettes de la taxe sur les services (TSS), fin 2009, au profit de l'Agence sanitaire et sociale. Une perte considérable de l'ordre d'une dizaine de milliards de francs.

L'année suivante, la TAT3S, taxe sur les alcools et les tabacs, a elle aussi été réaffectée entièrement à l'Agence sanitaire et sociale. Jusqu'alors, 33 % des recettes étaient reversées à la Cafat.

L'effet boule de neige

Le déficit du Ruamm revient régulièrement au centre de l'attention médiatique, mais ses conséquences concrètes ne sont pas toujours évidentes pour le grand public. Elles le sont davantage pour les établissements de santé.

Principaux détenteurs des créances du Ruamm, ils sont les premiers à subir les répercussions de cette situation. Lorsque la branche maladie ne peut assurer les paiements, les hôpitaux ne peuvent à leur tour plus assurer une partie des leurs. Ce qui conduit irrémédiablement à une réduction des dépenses. 

"On met des établissements dans une situation extrêmement complexe, à un moment où ils doivent justement se montrer attractifs. On parle d'attirer des médecins, mais c'est très difficile lorsque les structures battent de l'aile financièrement", conclut la direction de la Cafat.

Pour tout comprendre sur le Ruamm et sa réforme, NC la 1ère vous a proposé une série de quatre décryptages :