Pour Georges Naturel, ces sénatoriales sont “le choix de la proximité”, “l’expression d’une envie de changer la façon de faire de la politique”. Le scrutin promettait des surprises. Son élection, dès le premier tour, a été la première. Il a raflé 351 voix. Laissant Pierre Frogier, sénateur sortant, investi par Le Rassemblement-LR, parti de Georges Naturel, en quatrième position. Sonia Backès, secrétaire d'Etat, candidate de la majorité présidentielle, est arrivée troisième. Derrière l’indépendantiste Robert Xowie, deuxième.
Branle-bas de combat entre les deux tours. Pierre Frogier, sénateur depuis 2011, signataire des accords de Matignon et Oudinot, quarante-six ans de défense de la Nouvelle-Calédonie dans la France, décide de ne pas maintenir sa candidature. Alors qu’il n’a plus d’autres mandats. Gérard Poadja, l’autre sénateur sortant, Calédonie ensemble, pareil. Il n’a obtenu que 48 voix au premier tour. Bien loin des 258 qui l’avaient placé devant en 2017.
Les désistements n'ont pas suffi à "sauver" Sonia Backès
Mais même en étant la seule candidate non-indépendantiste au second tour, Sonia Backès n’a gagné que 21 votes. Insuffisant pour rattraper Robert Xowie, qui en a récupéré 48 au passage. Le maire de Lifou, choisi comme candidat unique par le FLNKS, est le premier indépendantiste à être élu sénateur de Nouvelle-Calédonie. Avec des voix non-indépendantistes, forcément, puisqu’ils étaient majoritaires chez les grands électeurs. Environ 330 sur 578.
A ses yeux, c’est là aussi le fruit du travail de proximité, “des actes de tous les jours”. Et un juste retour des choses pour les indépendantistes, qui pourront exprimer directement leurs positions au Sénat.
Un deal entre les deux vainqueurs ?
La pilule passe mal dans le camp non-indépendantiste, vent debout contre Georges Naturel. Dans un courrier envoyé dimanche soir, Pierre Frogier dénonce un accord entre les deux vainqueurs. “Nous ne savons pas quel deal ou quelles promesses ont été passés lors de la campagne électorale, mais hélas, les partisans de la France ont été privés de sénateurs qui défendent véritablement leurs convictions.” Sonia Backès et lui “ont obtenu des voix exclusivement des partisans de la France et arrivent en première (225 voix) et deuxième position (180 voix) des voix loyalistes”, assure-t-il. Peut-être, mais cela n’a pas suffi.
Il est clair que Georges Naturel et Robert Xowie ont ratissé au-delà de leur mouvance. Mais les deux nient tout accord. “Je pense que c’est le discours que l’on a tenu sur le terrain qui a été déterminant”, pose le maire de Dumbéa. Il évoque également l’aspect transpartisan de leurs candidatures. Pourtant, il souhaite siéger avec le groupe Les Républicains au Sénat, “sa famille politique depuis des années”.
Un électrochoc ?
Tractation ou non, les résultats de ces sénatoriales traduisent “une indépendance des grands électeurs : les consignes de vote n’ont pas forcément été respectées”, souligne le chercheur Pierre-Christophe Pantz. Il n’écarte pas "une forme de sanction pour des candidats qui étaient portés par des partis nationaux”. "L’ancrage local” semble avoir primé, en faveur de deux candidats identifiés comme des défenseurs des intérêts des communes, Robert Xowie étant président de l'association des maires indépendantistes de Nouvelle-Calédonie ; Georges Naturel, ancien président de l'association française des maires de Nouvelle-Calédonie.
Il y a peut-être aussi eu la volonté de bousculer un certain ordre politique établi. L'envie de montrer qu'il est possible de dépasser le bilatéralisme. En tout cas, “on assiste à une dispersion des votes non-indépendantistes. Il faudra voir comment ils arrivent à se retrouver”. Ces élections joueront-elles le rôle d'électrochoc ?
Sonia Backès restera-t-elle au gouvernement ?
Une autre interrogation repose sur l’avenir politique national de Sonia Backès. Elle était la seule membre du gouvernement Borne à se présenter aux sénatoriales. Aux législatives, la règle est la démission en cas d’échec. La même consigne avait été donnée aux municipales de 2020. Mais aux sénatoriales, aucun message n’a été publiquement passé avant le scrutin.