Deux journalistes de RRB et Djiido invités à un voyage en Azerbaïdjan

Les journalistes de RRB et Djiido (troisième et sixième en partant de la gauche) font partie de cette délégation ultramarine, en déplacement pendant sept jours à Bakou.
Surveillé de près par Paris pour ingérence étrangère, le Baku initiative group a offert une formation à une délégation de reporters ultramarins. Parmi eux, deux journalistes de Nouvelle-Calédonie : l'un de la radio indépendantiste Djiido, l'autre du média loyaliste Radio rythme bleu.

L’information a été relayée ce jeudi matin par le "social media calédonien" Stryke, avant de disparaître subitement de la toile. Cette publication Facebook, à connotation loyaliste, fustigeait la présence en Azerbaïdjan d’André Qaeze, journaliste de la radio indépendantiste Djiido.

Le Baku initiative group, à l’origine de ce voyage, n’en a pas fait mystère sur les réseaux sociaux. "Une délégation de représentants des médias issus des colonies françaises a visité Azertac, la principale agence de presse d'État azerbaïdjanaise, dans le cadre de leur engagement global avec le paysage médiatique du pays", écrit le BIG sur sa page Facebook.


Une "opportunité" pour RRB

Ce que ne disait pas la publication de Stryke, rapidement supprimée, c’est qu’une autre journaliste calédonienne fait partie de la délégation ultramarine, arrivée il y a quelques jours à Bakou. Il s’agit de Kelinda Bouacou, reporter à la radio non-indépendantiste RRB.

Ce média, né il y a exactement 40 ans pour relayer la voix des partisans de la France en Nouvelle-Calédonie, a pourtant pris des positions très dures, ces derniers mois, vis-à-vis du Baku initiative group et de ses liens avec une partie du FLNKS. "ll ne s’agit pas de faire de la pub, assure-t-on à Radio Rythme Bleu. Évidemment que RRB souscrit le moins du monde au régime de Bakou. On l’a assez dit sur notre antenne !"

Comment expliquer, alors, qu'une de ses journalistes ait accepté l’invitation du BIG ? "C’était l'opportunité de savoir comment cela se passe là-bas", répond simplement sa hiérarchie.



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Djiido, pas au courant

RRB dit vouloir aujourd’hui "déterminer précisément si ce voyage a été payé par le Bakou initiative group". Du côté de Djiido, on n’en sait pas plus. "André Qaeze est en congés. J’ignorais qu’il était en Azerbaïdjan", assure Romain Hmeun, son rédacteur en chef.

C'est finalement Marie-Line Sakilia, l’une des chevilles ouvrières des liens aujourd’hui très étroits entre Bakou et une partie du camp indépendantiste, qui apporte la réponse. Cette élue du Congrès, qui n’appartient plus à aucun groupe, a effectué plusieurs déplacements en Azerbaïdjan. Elle reconnaît avoir lancé l’invitation auprès de plusieurs journalistes calédoniens.

Ce n’est pas un cadeau, c’est une formation !

Marie-Line Sakilia, élue indépendantiste du Congrès


Un voyage payé par les organisateurs

Les billets d’avion et les frais d’hébergement de ce voyage de presse ont bien "été pris en charge par le BIG", confirme Marie-Line Sakilia. Sur son site Internet, le Conseil de déontologie journalistique et de médiation met pourtant en garde contre ce genre de pratiques. "Les frais de déplacement et d’hébergement liés à une invitation à un événement, quel qu’il soit, ne devraient jamais être réglés par un tiers. Le voyage sur invitation n’est accepté qu’exceptionnellement, en fonction de son seul intérêt éditorial."

Marie-Line Sakilia, pour sa part, dément toute volonté d'instrumentaliser les médias. "Ce n’est pas un cadeau, c’est une formation !", proteste-t-elle. Ce déplacement, offert à une dizaine de journalistes ultramarins, est destiné aux "personnes qui veulent bénéficier de formations express, de haut niveau dans le secteur", précise l'élue.

"Cette fois-ci, c’est la presse. Précédemment, c’était la surveillance dans le domaine maritime et la préservation des océans. On aura d’autres actions, comme ça, dans plusieurs secteurs", annonce-t-elle.


Une "officine de propagande" pour Paris

Créé en 2023, le Baku initiative group est une organisation pilotée par le pouvoir azerbaïdjanais. Il est suivi de très près par Viginum, le service de Matignon chargé de la vigilance contre les ingérences étrangères.

Régulièrement, Paris dénonce l’agressivité du BIG, "qu’il qualifie d’"officine de propagande d’État contre la France"”, notamment sur les territoires ultramarins, où il a noué des relations récentes avec les milieux indépendantistes. Mais "légalement, il n’y a aucun moyen, ni aucune raison de leur interdire de se rendre à Bakou", précise une source proche des renseignements. "C’est sans doute discutable sur le plan de la morale mais pas sur le plan de loi."

La répression contre les journalistes indépendants du pouvoir s’accélère en Azerbaïdjan en vue d’une purge complète du paysage médiatique national.

Le Monde


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Une répression sévère contre les médias

Selon Reporters sans frontières, "le président azerbaïdjanais Ilham Aliev a anéanti toute espèce de pluralisme" et "mène, depuis 2014, une guerre impitoyable contre les dernières voix critiques". RSF précise qu’"aucune télévision ni radio indépendante n’émet depuis le territoire", tandis que "tous les journaux imprimés et critiques ont été fermés".

Le 22 février, le journal Le Monde décrivait dans ses colonnes une situation très préoccupante, en raison de l'emprisonnement de journalistes et la fermeture de médias par les autorités.

"La répression contre les journalistes indépendants du pouvoir s’accélère en Azerbaïdjan en vue d’une purge complète du paysage médiatique national", écrit le quotidien national. Bakou a également ordonné la fermeture des bureaux de la BBC, de Voice of America et de Radio Free Europe.