A la tête de l’Etat entre 1969 à 1974, et décédé en cours de mandat, Georges Pompidou est le seul président de la Ve République à ne pas s’être rendu en tant que tel en Calédonie. Les autres l'ont fait. Coup d’œil sur les sept visites qui ont précédé celle de cette fin juillet.
1966, de Gaulle harangue "la France australe"
La couverture médiatique de l’époque décrit une "arrivée triomphale" de Charles de Gaulle à Nouméa. En septembre 1966, le général inaugure les visites officielles présidentielles en Calédonie. Quatre ans après la guerre d’Algérie, un objectif, maintenir le territoire dans la France, en insistant déjà sur sa place dans le Pacifique.
Vous avez un rôle français à jouer dans cette partie du monde. Vous êtes un morceau de la France. Vous êtes la France australe. Et vous devez dans la paix, comme vous l'avez fait dans la guerre, être pour toute notre communauté nationale un exemple. Un exemple d'effort, de fraternité et de progrès.
Charles de Gaulle à Nouméa
Voyez le reportage extrait des archives de l’Ina et diffusé pour les cinquante ans de NC la 1ère.
Après la Calédonie, Charles de Gaulle rallie les Nouvelles-Hébrides. Aucun président français n’est retourné à ce jour chez notre plus proche voisin, aujourd'hui Vanuatu.
1979, Giscard d’Estaing suit un scrutin
Treize ans plus tard, Valéry Giscard d’Estaing constate la montée de l’influence indépendantiste. Il arrive en juillet 1979, deux semaines après des élections territoriales qui ont porté au pouvoir une courte majorité loyaliste. Devant environ vingt mille Calédoniens massés place des Cocotiers, chaque mot est pesé.
L’image de la France, ne doit plus être ternie, nulle part, par les séquelles d’une époque coloniale qui s’éloigne dans le passé. C’est pourquoi la Nouvelle-Calédonie doit être une terre de fraternité, de justice et de progrès.
Valéry Giscard d'Estaing à Nouméa
Et plus tôt dans la journée, dans une allocution justement prononcée devant l'Assemblée territoriale, le président de la République se veut, déjà, décentralisateur : "La République […] n’est pas animée par un désir centralisateur et bureaucratique, mais par la volonté d’accroître la participation démocratique et l’exercice local des responsabilités."
1985, Mitterrand surprend pendant les Evénements
En janvier 1985, visite éclair surprise de François Mitterrand. Un président pendant douze heures au cœur des Evénements. Sur son trajet en hélicoptère jusqu’au haussariat, des milliers de manifestants bleu blanc rouge. Après des entretiens avec les représentants politiques, il file sur la côte Est. A Kouaoua, il plante un kaori à la tribu de Mea-Mebara. A Poindimié, il rend hommage à la gendarmerie. Et tente l’apaisement.
Avec tout ce qui s’est passé, des incidents, des drames aussi, on pouvait avoir le sentiment qu’il faudrait encore beaucoup de temps (…) pour pouvoir retrouver un langage. Ce matin, et cet après-midi, ce langage, je l’ai entendu : celui du dialogue. Sera-ce celui de la concorde, il y a encore tout ce chemin à faire. Mais seul le dialogue permettra d’aller au terme que nous nous sommes fixé.
François Mitterrand, sur la côte Est
2003, Chirac l'habitué, après Ouvéa
Jacques Chirac est déjà venu plusieurs fois quand il revient en juillet 2003 avec le titre de président. Terminé, le temps des violences. Cinq ans après l’Accord de Nouméa, il retrouve une Calédonie en plein essor.
L'intérêt d'une collectivité, dès lors que sa personnalité est respectée, que son identité est préservée, que son développement est assuré, n’est pas dans le séparatisme et le repli, mais au contraire dans l’adhésion à une communauté plus large, à une communauté plus solidaire.
Jacques Chirac à Nouméa
Liesse dans le Sud, messages moins amicaux en province Nord, comme ces manifestants qui l’appellent le "boucher d’Ouvéa", lui l'ex-Premier ministre qui a donné son feu vert à l’assaut sur la grotte de Gossannah.
2011, Sarkozy veut "croire au maintien"
Huit ans après, en août 2011, Nicolas Sarkozy ouvre la grand-messe des Jeux du Pacifique NC 2011. Il officialise la double légitimité des drapeaux.
Cette double reconnaissance manifeste le déplacement des oppositions radicales qui depuis les années soixante structurent la vie politique calédonienne, bloc contre bloc, légitimité contre légitimité. La radicalité, c’est la fin du territoire.
Nicolas Sarkozy à l’Arène de Païta
Le président de la République encourage les "concessions réciproques". Mais il exprime sa conviction. "Ici, en Calédonie, chaque force politique a sa préférence. Vous connaissez la mienne. Tout pousse chez moi à croire au maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France !"
2014, Hollande joue la neutralité
En novembre 2014, les référendums d’autodétermination se profilent. Le socialiste François Hollande, qui effectue un passage d'une journée, prend le temps de se recueillir sur la tombe de Jacques Lafleur au 4e Km. Sur celle de Jean-Marie Tjibaou, à Tiendanite. Et d'afficher la neutralité de l’Etat.
Mon rôle, comme président de la République, c’est de faire respecter la parole de la France, liée aux accords de Matignon et aux accords de Nouméa.
François Hollande, à Nouméa
Signalons qu'à l’Anse-Vata, il est le premier président français à s’exprimer au siège de la CPS, la Communauté du Pacifique. Et il y parle lutte contre le réchauffement climatique. Un président accueilli coutumièrement, et en langue, par le grand chef Clément Païta.
2018, Macron l'équilibriste
En mai 2018, cette fois, ça y est, un référendum a été déclenché. Six mois avant la consultation, trente ans après le drame d’Ouvéa, Emmanuel Macron se pose entre mémoire et avenir. Revenant de l'île, où il est le premier président français, il remet "aux Calédoniens" les actes de possession. Et sur la scène d'un théâtre, le jeune président décrit les premiers pas de cette alliance Indo-Pacifique qu'il vient de dévoiler à Sydney.
Dans cette région du globe, la Chine est en train de construire son hégémonie. Si nous ne nous organisons pas, ce sera quand même bientôt une hégémonie qui réduira nos libertés, nos opportunités, et que nous subirons.
Emmanuel Macron, à Nouméa
Il a aussi une formule qui, malgré toutes les précautions de langage, sonne comme un positionnement : "la France serait moins belle sans la Nouvelle-Calédonie".
Immersion dans l’Histoire signée Aurélien Pol