Alors que la Nouvelle-Calédonie traverse une crise sans précédent depuis le 13 mai, le premier vice-président de l'UC, Gilbert Tyuienon, a présenté le point de vue du parti indépendantiste sur les raisons de cet embrasement. "À maintes reprises, l’Union calédonienne a alerté qu’il ne fallait pas jouer avec l’Accord de Nouméa. Non seulement on l’a dit, mais on l’a écrit au Premier ministre, au président de la République. Le corps électoral était un combat sacré. Pour nous, à l’Union calédonienne, c’était la mère des batailles. Parce que ce sujet, c’est celui qui devait mener le pays vers sa souveraineté."
De la responsabilité de l'État
Comme les représentants du parti l'avaient déjà rappelé lors de leur conférence de presse du mercredi 21 août, pour Gilbert Tyuienon, c'est l'État qui est responsable de cette situation.
Avoir mis le pays dans cette situation, c’est irresponsable de la part de l’État.
Gilbert Tyuienon, premier vice-président de l'UC
Et d'ajouter "Quand on est trois signataires d’un accord, la parole doit être partagée entre ces trois signataires. On ne décide pas tant qu’il n’y a pas de consensus. Voilà ce qui a mené le pays à la situation qu’on connaît aujourd’hui."
Des "débordements"
Interrogé sur le rôle de la Cellule de coordination des actions de terrain, le vice-président de l'UC considère les exactions qui ont commencé à la mi-mai comme des "débordements". "Ce qui est clair, c’est que la CCAT a été une décision de l’Union calédonienne. On l’a mise en place lors de notre dernier congrès à l’île des Pins. Pour autant, on peut dire qu’il y a eu des débordements."
Des exactions qui ont entraîné des conséquences en cascade : une économie à l'agonie, des milliers de personnes sans emploi, un service de santé très fragilisé. Gilbert Tyuienon estime que "ce sont des choses qu’on n’a pas pu éviter. Pour autant, on ne cautionne pas ce qu’il s’est passé."
"C'est du passé"
À l'attention des nombreux Calédoniens qui, aujourd'hui, sont en très grande difficulté, il souhaite que la Calédonie ne revive "plus jamais" une telle situation. Le cadre de l'UC préfère se tourner vers l'avenir, estimant que "c’est du passé".
Toutes ces histoires, c’est dans notre dos, maintenant, il faut regarder l’avenir de manière apaisée.
Gilbert Tyuienon, premier vice-président de l'UC
Pleine souveraineté au 24 septembre 2025
"Maintenant, comment faire pour reconstruire ?", lance Gilbert Tyuienon. "II y a des discussions qui vont se rouvrir prochainement, puisque le président Macron va devoir mettre en place un nouveau Premier ministre. Il va falloir que l’on discute. Mais différemment."
Lors de sa récente conférence de presse, le parti a réaffirmé sa volonté de pleine souveraineté au 24 septembre 2025. Interrogé sur le sujet, Gilbert Tyuienon n'a pas précisé, au cours de cette interview, les bases légales sur lesquelles ce projet pourrait s'inscrire. "On n’a plus confiance [envers les] équipes de l’Etat. Donc, a minima, qu’il y ait une équipe de médiation pour pouvoir renouer les fils du dialogue. C’est le sens de la décision que le FLNKS a pris à Kaimolo, à Dumbéa."
L'unité du FLNKS fragilisée
Mais la position de l'UC est-elle partagée par les autres composantes du front indépendantiste ? L'unité semble en effet plus que fragilisée ces dernières semaines. Avec des positions très divergentes sur certains points. Samedi 24 août, le maire de Poindimié s'est fendu d'un communiqué très critique, dans lequel il exprime clairement un désaccord avec la Cellule de coordination des actions de terrain. Évoquant "une ‘stratégie du chaos’ décidée par une seule composante du FLNKS”.
Pour l'invité, "chacun est responsable de ses écrits. Quand on a décidé de la mise en place de la CCAT, l’objectif, c’était une mobilisation politique et pacifique. S’il y a eu des débordements, on le regrette formellement, parce qu'on a mis notre pays en di…", commence Gilbert Tyuienon, avant de reprendre : "ça a mis notre pays en difficulté."
L'Uni et le Palika participeront-ils au congrès de Kaala-Gomen ?
Le prochain congrès du FLNKS est prévu le samedi 31 août à Kaala-Gomen. Cependant, une semaine avant ce rendez-vous, les représentants du Palika et de l'Uni n'ont toujours pas confirmé leur participation. "Je fais toujours confiance aux responsables de chaque parti qui compose le front. A l’Union calédonienne, l’objectif, c’est la souveraineté dans notre pays. Et pour construire cette souveraineté, c’est l’unité qu’il faut. On ira toujours chercher nos camarades du front, les autres nationalistes…"
Ce n’est pas facile parce que chacun est dans son parti, avec des visions différentes peut-être.
Gilbert Tyuienon, premier vice-président de l'Union calédonienne
Appel à l'apaisement
Plus de trois mois après le début des émeutes, les Calédoniens sont toujours privés de transport en commun, sur l'ensemble de la Grande terre. Ce qui entraîne de très grandes difficultés pour toute une population, avec des conséquences économiques et scolaires, entre autres. "Pour le moment, il y a des problèmes de sécurité pour remettre les lignes. Les bus Raï, par exemple, ce n’est pas la peine qu’ils prennent la route avec toutes les chicanes, tous les dos-d'âne et les cordes qu’il y a. On appelle à l’apaisement pour que tout ça reprenne petit à petit."
Et de conclure que le gouvernement, dont il fait partie, travaille à la reconstruction du pays. En évitant les "erreurs du passé". À titre d'exemple, concernant le secteur de la santé en très grande difficulté, Gilbert Tyuienon défend la formation de professionnels locaux. "Ce sont des sujets qu’il va falloir remettre, lorsqu’il s’agira de parler de la refondation. Faire en sorte que ce que nous avons mal fait, soit mieux fait."
Son entretien avec Stéphanie Chenais :