Le nickel, de l’extraction à la transformation, ne cesse d’animer la vie de la Nouvelle-Calédonie. Cette semaine NC la 1ère vous propose une série de dossiers sur le « métal du diable » et ses acteurs calédoniens. Premier volet : le poids du nickel dans l’économie du Caillou.
Depuis un siècle, le nickel remodèle le paysage calédonien. Avec ses 35 mines en activité, ses 15 millions de tonnes de minerai extraites chaque année, c’est bien sûr le pilier de notre activité économique. Avec ses hauts et ses bas…
Poids dans le PIB
Au fil des années, son poids dans le produit intérieur brut (PIB) calédonien a beaucoup évolué : il est passé de 16,8 % en 2007 à moins de 3 % en 2015. Une baisse considérable qui souligne de manière aigüe la crise économique que traverse le Caillou. Et ce poids va même au-delà de cette simple part du PIB.
Effet d’entrainement
« Le nickel a une part psychologique, ce que l’on appelle un effet d’entrainement induit, explique Joël Kasarhérou, spécialiste en économie du nickel. »
Quand le nickel va mal, on est mal ! Quand il va très bien, il y a un effet d’entrainement et l’économie est dynamisée. Et pas seulement le secteur lié au nickel, mais l’ensemble de l’économie.
- Joël Kasarhérou
Les exportations
Historiquement, l’extraction et les métiers de la mine ont toujours supporté l’économie calédonienne. En 2020, le territoire a vendu l’équivalent de 114 900 tonnes de métal contenu, ce qui en fait le 4ème exportateur mondial de minerai. Des exportations en nette hausse sans que cela ne se traduise dans l’économie.
Entre 2009 et 2019, les exportations de nickel de la Calédonie ont augmenté de 132 %. Sauf que la valeur à la tonne s’est réduite de 1,9 %. Donc plus on exporte, plus on perd de l’argent.
- Edouard Léoni, consultant en droit, finances publiques et nickel.
Un nain sur le marché métallurgique mondial
Avec ses trois usines et un minerai valorisé sur place, en matière de métallurgie, le pays reste néanmoins un nain sur le marché mondial. L’an dernier, la production de nickel sous différentes formes s’est établie à un peu plus de 100 000 tonnes, soit à peine 4,5 % de la production mondiale.
En déficit chronique…
Le secteur du nickel en Nouvelle-Calédonie est, de surcroît, en déficit chronique. « Entre 2008 et 2018, ajoute Edouard Léoni, les trois opérateurs ont sorti un déficit, en termes de résultat net, de 1 465 milliards, c’est 143 % du PIB de 2018. »
… et pourtant créateur de richesse
Malgré tout, le nickel a rapporté 161 milliards, mine et métallurgie confondues, soit l’équivalent de la quasi totalité de nos exportations. « Le secteur nickel crée aujourd’hui de la valeur à l’exportation, précise Joël Kasarhérou. C’est à peu près 96 % des exportations. »
Maudite volatilité
Où est le problème alors… ? Peut-être dans la volatilité des cours du nickel, métal ô combien instable au LME (London Metal Exchange, la place boursière de Londres spécialisée dans les métaux). En cinq ans, les prix à la tonne n’ont cessé de jouer aux montagnes russes, passant allègrement de 8 000 à plus de 18 000 dollars la tonne. Sur un tel marché, difficile de faire des projections…
Un risque industriel réel
« Le sujet, c’est la compétitivité des usines locales, développe Edouard Léoni. Quand on voit que les usines indonésiennes - et j’avais déjà prévenu en 2014 - vont sortir du nickel contenu à 5 dollars la livre, soit 11 000 dollars la tonne et que la SLN produit son nickel contenu à 6,75 dollars la livre soit 14 800 dollars la tonne et que les deux autres usines sont quasiment dans les mêmes conditions, il y a un risque industriel pour nous trois usines. »
Et pour ne rien arranger, alors que les cours sont au plus haut, l’usine de Vale mise en vente et à l’arrêt depuis trois mois, est au cœur d’un conflit majeur. Alors que la SLN, elle aussi en a subi les effets collatéraux. De quoi totaliser quelques milliards de pertes supplémentaires…
Le dossier de Bernard Lassauce, Laura Shintu, Nicolas Fasquel et Hélène Grimault :