Dans le chenal de Boulari, la fréquentation a été multipliée par vingt, depuis le mois de mai. Faute de pouvoir emprunter la seule route qui relie le Sud de la Grande terre, les navettes maritimes ont pris le relais, pour transporter les habitants du Mont-Dore et de Yaté. Et cette réponse au besoin de se déplacer entraîne des situations hors cadre. Pour la Sodemo, la société qui gère la marina de Port-Boulari, la question se pose de la sécurité, dans un chenal large de cinq mètres.
On est juste là pour faire de la pédagogie. Essayer de faire un bon mix entre des gens qui savent très bien naviguer et des gens qui savent peut-être un peu moins naviguer. Et faire en sorte qu’il y ait zéro accident.
Sébastien Fellmann, gérant de la Sodemo
D’un côté, un dispositif encadré
La marina accueille les navettes affrétées par la province Sud, en partenariat avec le SMTU, la mairie du Mont-Dore et désormais l’État. C’est le dispositif officiel. Les skippers qui assurent la prestation sont formés au transport des personnes.
On a des gilets de sauvetage. On a les trousses de secours qui vont bien. On est, surtout, formés aux premiers secours, au cas où quelqu’un se fasse mal, se cogne, fasse un AVC…
Thomas Fontebasso, pilote de navette maritime officielle
De l’autre, des navettes sans autorisation
Sur le même ponton, des propriétaires de bateaux proposent leurs services sans autorisation. Une offre malgré tout appréciée des passagers. "On a la possibilité de prendre les navettes de la province Sud. Mais je suis arrivé à 8 heures. J’avais besoin d’être sur le Mont-Dore rapidement. En dix minutes, c’est fait", explique Gilles Cordier, chef de chantier, qui a ainsi échappé à toute file d’attente. "Je vois mes chantiers avec les gars là-haut et je retourne au dock rapidement."
Je ne fais pas trop attention à la sécurité. Il faut que ce soit vite fait, c’est tout.
Un usager des navettes maritimes privées
L’argument de la demande
Ces bateaux sont les "taxis 1 000 de la mer", en référence au phénomène qui est apparu sur les routes (la course coûtant souvent 1 000 F). Sur les réseaux ou à la cantonade à la marina de Boulari, leurs pilotes se signalent aux clients potentiels comme "navette privée". Cette activité n’est pas encadrée, et l’équipement de sécurité de leur embarcation, pas toujours vérifié par les autorités. Leur multiplication entraîne aussi des embouteillages avec les navettes officielles au wharf du Vallon-Dore. Mais pour eux, il s’agit de répondre à une demande.
Quand il n’y a pas assez de navettes de la province Sud, ou quand il y a la mauvaise mer et que les navettes de la province Sud s’arrêtent à 10 heures, il faut bien quelqu’un, pour dégager 120 personnes un vendredi soir !
Alfred Matehau, pilote de navette privée
Vus comme une solution en cas de suspension
Le propriétaire de bateau fait référence à des situations qui sont revenues de façon récurrente. Le vendredi en fin de journée, de nombreux habitants du Sud cherchent à rentrer chez eux le temps du week-end, après avoir passé la semaine côté Nouméa pour le travail. Quand il y a suspension des navettes pour des raisons de sécurité, la situation est mal vécue.
C’est aussi arrivé le mercredi 4 septembre. Météo défavorable, annonce que le dispositif officiel va annuler ses rotations : beaucoup d’usagers se sont rabattus sur les navettes privées pour pouvoir rentrer, malgré des conditions dangereuses. Le même scénario pourrait se reproduire ce mardi 17, puisque les navettes autorisées risquent d'être suspendues à cause du mauvais temps.
>> LIRE : Mont-Dore, les rotations des navettes maritimes perturbées à cause de la météo
Après des pertes d’emploi
Beaucoup des pilotes de navettes privées ont perdu leur emploi à la suite des émeutes. Une telle activité illégale leur permet d’avoir un revenu. NC la 1ère a contacté la gendarmerie, en charge de la sécurité en mer. Elle n’a pas répondu à la demande d’interview. Il semble que les autorités tolèrent la situation. Ces "taxis 1 000" du lagon permettent pour l’instant de compenser les creux du dispositif officiel.
>> LIRE AUSSI : "La loi de l'emmerdement maximum", ou comment des Mondoriens du Sud ont été contraints de s'organiser face à l’isolement