L'école catholique calédonienne a-t-elle trouvé son salut ? Quoi que lui réservent les prochains mois, cette journée du 12 mai devrait en tout cas rester marquée dans son histoire. Le pari de la mobilisation a été réussi. Après cette démonstration de force, voilà ce qu'on peut retenir.
La foule au rendez-vous
L'image du cortège remontant la rue de l'Alma pour rallier le Congrès est celle d'une marée humaine.
La "marche pacifique" organisée ce vendredi 12 mai dans le centre-ville de Nouméa a rassemblé entre trois mille et sept mille personnes, selon que la participation soit estimée par la police ou par les organisateurs.
On attendait du monde. On pense être au-dessus de sept mille personnes dans Nouméa à venir dire : on a besoin de continuer à voir exister l'enseignement catholique ici, dans ce pays.
Raphaël Telliez, directeur adjoint de la DDEC
Point d'orgue à plusieurs jours d'actions, entretiens et pression, elle a réuni des soutiens venus de toute la Calédonie, y compris le Nord, la côte Est ou les Îles, comme le montre cet article de Noémie Dutertre. Des enseignants, directeurs, personnels techniques, cadres administratifs, parents d'élèves, écoliers, collégiens, lycéens retraités ou sympathisants de la cause portée par la DDEC. Même la pluie, parfois battante, n'a pas refroidi leur motivation et l'ambiance bon enfant de la manifestation. Pour l'occasion, tous les établissements catholiques du Caillou étaient fermés.
Des messages forts
Une marée de banderoles, aussi, avec ce message récurrent : "Défendons l'école catholique, un héritage commun, un avenir partagé". En Nouvelle-Calédonie, environ 12 000 élèves sont inscrits dans un établissement catholique, de la maternelle jusqu’au secondaire. A l'échelle du pays, ça représente pas moins d'un élève sur cinq, scolarisés aussi bien dans les quartiers Sud de Nouméa que dans les secteurs moins favorisés, dans les villages de Brousse comme dans les tribus isolées. A Belep et l'île des Pins, l'école catholique est même la seule à être présente.
Une implantation profonde et historique mise en avant par les manifestants pour demander l'aide des collectivités face au manque actuel de moyens, notamment du forfait qui permet d'assurer la cantine et l'internat. Depuis fin avril, la DDEC clame qu'il lui manque 1,298 milliard pour fonctionner cette année. Et au-delà, elle réclame, une nouvelle fois, une pérennité de son mode de financement. Plaidant sa "légitimité", sa "crédibilité" et sa "cohérence".
Deux entretiens
Partie vers 9 heures de la Moselle, la marche a effectué une première halte sous les fenêtres du gouvernement. Une délégation d'une quinzaine de représentants a été reçue par Isabelle Champmoreau, vice-présidente et en charge de l'enseignement. Ensuite, direction le Congrès. Entretien avec sa première vice-présidente, Caroline Machoro-Reignier, en bureau élargi aux présidents de groupe et au président de la commission permanente.
Ils ont entendu, par les médias interposés, que tout le monde, toute la classe politique, soutient l'enseignement catholique mais aujourd'hui, ils ont besoin du concret.
Veylma Falaeo, Eveil océanien
On a discuté, pour trouver des solutions ensemble, pour permettre aux établissements de continuer à assurer convenablement l'accueil des enfants.
Isabelle Bearune, Union calédonienne
En début d’après-midi, retour place de la Moselle pour le débriefing, et l’événement était refermé.
Cette mobilisation a permis, vraiment, de sensibiliser, d'interpeller et de montrer aux élus [que] stop, on ne peut pas aller plus loin.
Karen Cazeau, directrice diocésaine de l'enseignement catholique
Des annonces ou des confirmations
Réponse d'Isabelle Champmoreau à la situation, par voie de communiqué : “Pour 2023, afin de permettre aux structures de l’enseignement privé de terminer l’année dans de bonnes conditions et d’exercer pleinement leurs missions, je renouvelle officiellement la demande d’une participation financière de la Nouvelle-Calédonie pour assurer une partie des frais de restauration et d’internat”. Rappelant “que les financements concernés ne relèvent ni de la compétence des provinces ni de celle de la Nouvelle-Calédonie", elle insiste : “Cette inscription au budget de la Nouvelle-Calédonie doit intervenir en urgence.”
Autres informations, le déblocage immédiat d'une enveloppe de 130 millions de francs par la province Sud. La confirmation d'un séminaire sur le financement de l'enseignement privé le lundi 5 juin. Le lendemain, mardi 6 juin, les représentants des exécutifs doivent se réunir en GTPE. "En tout cas, le 6 au soir tout devrait être écrit et finalisé", espère Karen Cazeau.
Le reportage de Maurice Violton et Christian Favennec :
Des communiqués
Et depuis que l’alarme a été sonnée, fin avril, les communiqués se sont succédés. Le propos de fond est en substance le même : une situation anormale et un appel urgent aux institutions pour assurer un financement pérenne à la DDEC en particulier et à l’enseignement privé en général. Les syndicats, Fédé et Cogetra, comme les aires et le Sénat coutumiers appellent à dépolitiser le dossier et sauver une institution qui œuvre en Calédonie depuis plus de cent ans.
Côté politique, même message, avec tout de même, les classiques renvois de responsabilité à l’autre camp ou à l’autre collectivité. Et puis il y a l’Eveil océanien, qui au détour d’un tacle à la province Sud fait une proposition : que le gouvernement récupère le dossier et trouve d’autres financements telle que "la taxe sur les jeux de 1,9 milliard que la province Sud perçoit”.
Notre direct numérique consacré à la marche est à retrouver ici.