Pour lui, les élections, c’est fini. Philippe Gomès, 63 ans, a fait savoir qu’il irait au bout de ses mandats sans en briguer d’autre. Le membre fondateur de Calédonie ensemble, député de la seconde circonscription depuis 2012, se met en retrait d’une scène qu’il a longtemps occupée au premier plan. Retour sur plus de trente ans de politique calédonienne, par Laurence Pourtau et Nicolas Luiggi :
Ce retrait, il l’a assumé dimanche sur le plateau de NC la 1ère. Voilà ce qu’on peut en retenir.
Il "passe le relais à Philippe Dunoyer"
Ter-mi-né. Il n’ira pas aux législatives, ni aux sénatoriales, confirme Philippe Gomès. "C’est un terme et un terme définitif. Un parcours qui a commencé il y a bientôt trente-six ans. Il faut aussi savoir mettre un terme à ce qui a pu constituer l’histoire d’une vie", confie-t-il. "J’ai essayé d’être le plus digne possible de la confiance qui m’a été témoignée mais maintenant il faut passer le relais et je passe le relais à Philippe Dunoyer, qui est un Calédonien compétent, aguerri, engagé de longue date dans la défense du pays. Député sortant et qui, je suis sûr, saura porter nos valeurs et notre philosophie au plus haut possible, notamment dans le cadre de la sortie de l’Accord de Nouméa."
C’est progressif, puisque je reste élu du Congrès et de la province jusqu’au moins 2024, mais c’est une décision mûrement réfléchie et qui est définitive.
Philippe Gomès
De la prison de Koné aux bourses étudiantes
L’invité du JT a évoqué des dossiers qui ont abouti sous son second mandat de député. "Le centre pénitentiaire de Koné, qu’on va inaugurer bientôt. C’est une initiative que j’ai prise en 2012, dès que j’ai été élu." L’antenne du RSMA à Bourail, l’Autorité de la concurrence ou encore le dossier des bourses étudiantes.
Il fait partie de la "maison commune"
Son co-député Philippe Dunoyer repart dans la course aux législatives. Sous les couleurs "macroniennes" et en binôme avec Nicolas Metzdorf, élu dissident de Calédonie ensemble. "Je suis fier de faire partie, avec un certain nombre d’autres formations politiques, de ce qu’on appelle la maison commune de la majorité présidentielle qui est en train d’être construite", assure Philippe Gomès. "On a tous soutenu le président de la République. En ce qui me concerne, dès 2017, à un moment où c ‘était peut-être moins simple que ça ne l’est aujourd’hui. Mais peu importe. L’idée, c’est d’être pour demain, c’est-à-dire pour la sortie de l’Accord de Nouméa."
Où le député doit faire entendre sa voix
Quels dossiers et réformes à mener pour être le porte-voix de tous à l'Assemblée nationale ? "La souveraineté calédonienne s’exerce de manière très large", souligne le député de la seconde circonscription. "Les compétences de l’Etat sont aujourd’hui des compétences résiduelles. Mais il y a des compétences importantes en matière de sécurité (…) Il y a des compétences importantes, également, dans le domaine international. L’axe Indo-Pacifique, au moment où la Chine est en train de coloniser les Salomon, a déjà colonisé le Vanuatu, est en train de coloniser la Papouasie-Nouvelle-Guinée et Fidji (…) C’est également là que le député calédonien doit faire entendre sa voix. Et puis d’une manière plus générale, sur la sortie de l’Accord, il faut qu’on arrive à construire un consensus définitif. »
A propos de la parole indépendantiste
Avec une observation : "Je suis parfois affligé de la manière dont les indépendantistes continuent à construire leur message. Ils disent (…) : ‘Il faut un discours entre Etat colonial et peuple colonisé.’ Mais ça, c’était dans les années quatre-vingts. Depuis, on a signé les Accords de Matignon. Depuis, Jean-Marie Tjiabou a donné sa parole (…) : ce n’est plus que les Kanak qui discutent de l’avenir du pays, c’est les Kanak et les autres communautés. Et dans le cadre de référendums, cette parole-là, il faut la respecter (…) C’est la parole du dialogue, la parole du consensus, et la parole du respect des convictions de chacun."
NCE : il fera appel du verdict
Philippe Gomès compte "faire appel" de la décision tombée vendredi au tribunal de Nouméa, dans l’affaire Nouvelle-Calédonie Energie. "Je suis condamné pour avoir défendu l’intérêt général", formule-t-il. "Je suis condamné à une amende, et une amende que je ne dois pas payer. Rien que la condamnation illustre l’ambigüité du sujet. Qu’est-ce qu’on me reproche ? J’étais en même temps président de NCE, qui est une filiale à 100 % d’Enercal (…) et conseiller de la Nouvelle-Calédonie. En tant que conseiller, j’ai voté des textes, qui ont concerné directement ou indirectement NCE. Mais la prise illégale d’intérêts, ce n’est pas ça", défend-il.
On est un tout petit pays. Et on a des compétences immenses (…). Mécaniquement, le mélange des genres - c’est-à-dire la responsabilité d’une société ou d’un établissement public et en même temps être élu d’une province ou du Congrès - est quelque chose de très classique.
Philippe Gomès
L’"échec" de la centrale
Et aujourd’hui, relève un internaute, "la SLN va utiliser une centrale électrique provisoire, reflet de l’échec de NCE malgré la quantité d’argent engagé." Ce à quoi Philippe Gomès répond : "Eramet a construit un premier dossier pour renouveler la centrale en 2009. Ils l’ont abandonné (…), alors qu’il avait obtenu les autorisations (…) Ils ont construit un nouveau dossier (…), 2015, ils l’ont aussi abandonné. Entre-temps, les actionnaires d’Eramet se sont distribués 90 milliards de francs CFP de dividendes. C’est pour ça que la société NCE a été créée : pour se substituer, pour combler la carence d’Eramet et de la SLN. Hélas, ça n’a pas abouti puisqu’on a ce bout de centrale qui vient compenser la centrale existante."
C’est un échec total mais c’est d’abord l’échec, d’Eramet , de la SLN et de l’Etat qui n’ont pas pris les mesures qu’il fallait.
Philippe Gomès
Un merci
L’animal politique conclut en revenant sur son parcours : "Qu’il s’agisse de mes fonctions de maire de La Foa, de président du gouvernement, de président de la province Sud, de député, ou autre, j’ai toujours essayé de servir mon pays (…). J’ai eu des succès. J’ai eu des échecs, aussi. Mais je remercie [les Calédoniens] parce que je trouve formidable, dans un pays qu’on décrit souvent comme fermé, d’avoir offert à quelqu’un qui n’est pas né ici sa capacité à avoir sa trajectoire et à servir (…) son pays d’adoption."
Je n’arrêterai pas tout à fait la politique parce que j’ai créé (…) le festival du cinéma de La Foa, et je compte continuer à m’y rendre chaque année.
Philippe Gomès
Son entretien complet avec Nadine Goapana :