Salle Lafleur-Tjibaou à l'Assemblée nationale : qu'en pensent les fils des leaders disparus ?

Les fils Lafleur et Tjibaou partagés sur l'inauguration de la nouvelle salle à l'assemblée nationale.
En Nouvelle-Calédonie, les avis sont nuancés, autour de l'hommage rendu aux célèbres leaders politiques au sein de l'Assemblée nationale. A commencer par les membres des familles Lafleur et Tjibaou.

En ces jours de vacances scolaire, des rires d'enfants résonnent sur la place de la Paix, à Nouméa. Une place de la Paix où trône l'imposante statue en bronze immortalisant la poignée de main entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou. Une création, symbole de réconciliation, dont l'Assemblée nationale semble s'être inspirée, en baptisant ce mercredi l'une des salles de l'institution au nom de ces deux hommes signataires des accords de Matignon en 1988. La cérémonie devait être l'occasion de réunir les délégations indépendantiste et non-indépendantiste pendant leur séjour parisien. Un échec. C'est  finalement devant un parterre clairsemé que l'une des petites-filles de Jacques Lafleur a prononcé un discours. Comment cette cérémonie résonne-t'elle sur le Caillou ? 

"Il faudrait s'inspirer de ce geste" 

Pour Pascal Lafleur, fils de la figure non-indépendantiste, cette salle en hommage à "deux artisans de la paix" est importante. Même si la cérémonie parisienne reste sans commune mesure avec l'évènement du 26 juin 2022 à Nouméa, jour où fut dévoilée la statue de la poignée de main entre son père et Jean-Marie Tjibaou.

"Cette inauguration à Paris, je n'en ai pas été informé", confie Pascal Lafleur. "J'ai l'impression que cela s'est fait en catimini, alors que la stèle à Nouméa, c'est une œuvre. Une œuvre dont on a beaucoup parlé et qui représente les deux personnages. Et j'ai l'impression que beaucoup de Calédoniens se sont appropriés cette œuvre, ce qui est un plus grand symbole.

Et de poursuivre : "au-delà de la paix que cette poignée de main a permis de ramener en Nouvelle-Calédonie, c'est un geste qui a rejailli sur la métropole et dans le monde entier. Et quand on voit les difficultés de dialogue en ce moment en métropole, il faudrait s'inspirer de ce geste pour aller de l'avant et non plus camper sur ses positions."

Enfin, Pascal Lafleur s'interroge sur la pertinence du moment choisi pour cette inauguration, alors que viennent de débuter, dans un contexte crispé, les réunions bilatérales avec l'Etat. "Le geste de l'Assemblée nationale, c'est bien. Ce qu'il faudrait, c'est qu'il soit sincère. Et pourquoi maintenant ? C'est une question que l'on peut se poser.

"Beaucoup d'ignorance" de la coutume kanak

Du côté des Tjibaou, on reconnaît l'honneur qui est fait au leader disparu. Mais on aurait aimé que la cérémonie soit reportée afin d'avoir le temps d'informer le clan du don du nom de famille. Emmanuel, l'un des fils du leader indépendantiste, explique : "les autorités coutumières sont rattachées au nom de mon père", ce qui signifie qu'il y avait des démarches à réaliser "avec mes frères et ma mère".

Mais selon lui, les organisateurs ont insisté pour réaliser cette cérémonie en pleine session des bilatérales à Paris afin d'insuffler "une sorte d'élan de concorde autour des débats. Nous avons alors dit qu'il y aurait sans doute d'autres rendez-vous de bilatérales ou trilatérales, ce qui nous permettrait de mieux nous préparer, à différents niveaux." Au final, la cérémonie a été maintenue sans aucun représentant de la famille du leader indépendantiste.

"L'inauguration s'est faite, on en prend acte. Après, qu'est ce qu'on peut faire d'autre ? Peut-être dire que c'est un retournement de l'Histoire, car mon père a été exclu de cette Assemblée au moment des débats sur la mise en œuvre du statut Fabius-Pisani, raconte Emmanuel Tjibaou. Et encore une fois, après tant d'années à se côtoyer, on se rend compte qu'il y a beaucoup d'ignorance sur les pratiques rattachées aux usages que les Kanak ont avec leur coutume. Je ne suis pas déçu, mais c'est le constat que je dresse. "

Le reportage de Thérèse Waïa, Christian Favennec, Ismaël Waka-Ceou, Myriam Ponet et Nicolas Esturgie : 

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