Les défis sont considérables. À la hauteur de l'ampleur des conséquences qu'entraînerait la défaillance d'une ou plusieurs entreprises métallurgiques du territoire. L'arrêt des trois usines de nickel "conduirait à une augmentation du chômage sur le territoire d'environ 50%", une catastrophe pour les comptes sociaux de la Nouvelle-Calédonie, confirme le rapport rendu par l’Inspection générale des finances (IGF) et le Conseil général de l’économie (CGE) dans la nuit du 1er au 2 août. Sans parler des coûts environnementaux.
Urgence
La mission, commandée par le gouvernement central en novembre 2022 s'est rendue en Nouvelle-Calédonie dans les mois qui ont suivi. Elle y a rencontré les actionnaires, les directions et les représentants des salariés des principales sociétés du secteur, ainsi que les acteurs institutionnels compétents en matière minière et métallurgique. Et elle a acquis la conviction que dans les conditions de fonctionnement actuelles, sans "nouvelle intervention des acteurs privés et des pouvoirs publics", la fermeture de certains sites métallurgiques "paraît inévitable". Leur situation financière à court terme étant très précaire, il y a urgence à trouver des solutions.
Le marché des batteries mis en avant
D'autant plus que la filière du nickel calédonienne pourrait "théoriquement représenter" "jusqu'à 85%" des besoins des giga-usines françaises de batteries en 2030, ou "14% des besoins de l'Union européenne en 2035", explique le rapport. Union européenne qui peine à trouver assez de matières premières pour offrir une réelle alternative aux moteurs thermiques, dont elle a annoncé la fin pour 2035. Mais aujourd'hui, seule l'usine de Prony Resources produit du nickel compatible avec la fabrication des batteries.
Depuis 2016, l'Etat a octroyé près de 700 millions d'euros de prêts (84 milliards de francs) à deux usines (la SLN et Prony) et ouvert 540 millions d'euros de garanties (65 milliards de francs).
Le rapport doit alimenter les pistes de réflexions d'un groupe de travail sur le nickel qui devra proposer "d'ici l'automne" des mesures pour "consolider l'avenir de la filière nickel", a indiqué Matignon dans un communiqué accompagnant la sortie du document. Emmanuel Macron l'avait évoqué lors de sa venue en Nouvelle-Calédonie, la semaine dernière. Il veut un "projet nickel d'avenir" avec des usines calédoniennes compétitives, il l'a martelé. Condition pour continuer à soutenir la filière.
Les pistes proposées
Les experts suggèrent plusieurs transformations. Orienter davantage la production de la SLN et de KNS vers le marché du nickel pour batterie afin de servir le marché européen. Réformer les règles relatives au contrôle des exportations et aux réserves géographiques métallurgiques. Autrement dit de revoir la doctrine nickel. Mais surtout s'appuyer sur une énergie moins carbonée pour réduire les coûts énergétiques et pouvoir rivaliser avec les autres opérateurs industriels, notamment en Indonésie, qui bénéficient d'une énergie beaucoup moins chère, subventionnée, et de coûts de main-d’œuvre cinq fois inférieurs à celui de la Nouvelle-Calédonie. Car "à coûts énergétiques inchangés", "l’amélioration de la production des usines et la montée en puissance de leurs exportations seraient insuffisantes pour assurer leur profitabilité."
Autre proposition : repenser les mécanismes de partage des bénéfices produits entre l’industrie du nickel et les collectivités pour rendre l'activité nickel plus acceptable socialement. "Des solutions qui ne répondent pas aux enjeux de financement de court terme", préviennent les rapporteurs.
Retrouvez le reportage de de A. Tournoux, N. Greiner et P. Champenois :